2012 DISPOSITIONS MODELES

TEXTES - DISPOSITIONS LEGISLATIVES MODELES UNESCO - UNIDROIT DEFINISSANT LA PROPRIETE DE L’ETAT SUR LES BIENS CULTURELS NON DECOUVERTS (2011)

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture
(UNESCO)

Institut international pour l’unification du droit privé
(UNIDROIT)

Groupe d’experts sur la propriété des Etats sur les biens culturels

Dispositions modèles définissant la propriété de l’Etat sur les biens culturels non découverts

Rapport explicatif avec dispositions modèles accompagnées de lignes directrices explicatives

INTRODUCTION

Le présent document contient des dispositions législatives types (« les dispositions modèles ») établies par un Groupe d’experts constitué par les Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT, ayant pour objet d’aider les organes législatifs nationaux, dans le contexte de la mise en place d’un cadre législatif de protection du patrimoine, à se doter d’un appareil législatif performant quant à l’établissement et à la reconnaissance de leur droit de propriété sur les biens culturels non découverts en vue, notamment, d’en faciliter la restitution en cas de soustraction illicite. Elles sont suivies de lignes directrices explicatives qui visent à mieux faire comprendre les dispositions.

Les dispositions modèles ne peuvent pas répondre à toutes les questions soulevées par le statut juridique des biens culturels non découverts. Elles sont conçues pour être appliquées, adaptées et complétées, le cas échéant, par des règles plus détaillées. Elles peuvent compléter ou remplacer des dispositions pertinentes existantes afin de renforcer leur mise en œuvre, ou encore combler un vide.

Dans le contexte des présentes dispositions modèles, les termes de « loi nationale » ou « droit interne » sont à entendre au sens large, en ce sens qu’ils comprennent également le droit fédéral, régional ou international applicable dans l’Etat qui adopte les dispositions modèles (ci-après l’Etat adoptant).

HISTORIQUE/CONTEXTE

L’une des discussions majeures de la session extraordinaire du Comité intergouvernemental de l’UNESCO pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale, qui s’est tenue à Séoul en novembre 2008, avait porté sur la législation afférente aux antiquités non encore découvertes et avait abouti à un triple constat : la législation des pays est souvent trop vague et imprécise, elle n’est pas connue, l’Etat n’applique pas sa législation à l’encontre de ses propres ressortissants. Or, ce flou législatif est bien souvent sanctionné par les tribunaux et les Etats rencontrent de nombreux obstacles juridiques lors du processus de demande de restitution de tels biens trouvés dans un autre pays. Une proposition a ainsi été formulée visant à préparer des dispositions modèles pour la protection des biens culturels contre le trafic illicite qui seraient proposées aux Etats à titre d’exemple à intégrer dans leur propre législation ou à adapter au niveau national selon les différentes traditions juridiques. L’objectif était de garantir que tous les Etats soient « équipés » de principes juridiques suffisamment explicites garantissant leur propriété sur les biens culturels.

A cette occasion, M. Patrick O’Keefe, professeur émérite de l’Université du Queensland (Australie), a exposé les obstacles juridiques que rencontrent de nombreux pays lors du processus de restitution, notamment lorsqu’il s’agit de matériaux archéologiques provenant de sites pour lesquels il n’existe pas d’inventaires ou de documentation relative à la provenance. Il a encouragé les Etats à affirmer leurs droits de propriété sur le patrimoine culturel comme étant un droit inaliénable et imprescriptible et à revendiquer la propriété de tous les vestiges archéologiques et biens culturels non encore découverts.

Il faut rappeler à ce propos que l’UNESCO a examiné cette question il y a fort longtemps, en 1956, dans sa Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques qui, après avoir posé comme principe général que chaque Etat devrait assurer la protection de son patrimoine archéologique, prévoit que « [c]haque Etat […] devrait préciser le régime du sous-sol archéologique et, lorsque ce sous-sol est propriété de l’Etat, l’indiquer clairement dans sa législation » (cf. Principe 5e.).

Le professeur Jorge Sánchez-Cordero, Directeur du Centre mexicain de droit uniforme et membre du Conseil de Direction d’UNIDROIT, a présenté un projet visant à promouvoir de manière efficace la ratification des Conventions de l’UNESCO de 1970 et d’UNIDROIT de 1995. Décrivant ces instruments comme étant « les deux faces d’une même pièce », il a présenté au Comité intergouvernemental la Convention d’UNIDROIT comme une conséquence naturelle de la Convention de 1970. Dans la lignée du professeur O’Keefe, il a également défendu la possibilité d’élaborer des dispositions uniformes destinées à combler les vides juridiques au niveau national et suggéré la création d’un groupe de travail qui pourrait se pencher sur le travail d’uniformisation. En effet, lesdites conventions se fondaient en partie sur la législation nationale, mais certains Etats n’ont pas de législation suffisante et ont besoin d’assistance.

Lors de la 15ème session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO (Paris, mai 2009), les vingt-deux membres du Comité se sont montrés favorables à ces propositions et à la poursuite de cette réflexion. Ils ont encouragé l’UNESCO et UNIDROIT à constituer un comité d’experts indépendants chargé de préparer des dispositions législatives modèles définissant la propriété de l’Etat sur les biens culturels, notamment sur le patrimoine archéologique en indiquant que ces orientations juridiques pourraient inspirer la rédaction de lois nationales et en favoriser l’uniformisation terminologique, l’objectif étant de garantir que tous les Etats se dotent de principes juridiques suffisamment explicites en la matière.

Le Conseil de Direction d’UNIDROIT a, lors de sa 88ème session en mai 2009, donné son accord de principe pour collaborer avec l’UNESCO à l’élaboration d’un instrument qui facilite l’application des Conventions de l’UNESCO de 1970 et d’UNIDROIT de 1995 ainsi que leur ratification par le plus grand nombre d’Etats. Il était clair qu’il ne s’agissait en aucune façon de remettre en question les principes posés par ces deux instruments internationaux, mais d’en faciliter l’application.

Lors de la 16ème session du Comité intergouvernemental de l’UNESCO (Paris, septembre 2010), le Comité a formellement adopté une Recommandation dans laquelle il « encourage la constitution d’un groupe de travail d’experts indépendants, choisis conjointement par les Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT … [et] encourage la préparation de dispositions modèles accompagnées de lignes directrices explicatives, qui seront mises à la disposition des Etats et qu’ils pourront considérer lors de l’élaboration ou du renforcement de leur législation nationale ». L’Assemblée générale d’UNIDROIT a décidé en décembre 2010 d’inclure ce sujet au Programme de travail 2011-2013 de l’Organisation, en étroite collaboration avec l’UNESCO.

Le groupe d’experts a été constitué par les Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT sur une base géographique la plus représentative possible et les membres ont siégé en leur qualité personnelle en tant qu’experts indépendants. Le Comité était ainsi composé : en tant que co-présidents, le Dr Jorge Sánchez Cordero (Mexique) et le Prof. Marc-André Renold (Suisse) et, en tant que membres, Thomas Adlercreutz (Suède), James Ding (Chine), Manlio Frigo (Italie), Vincent Négri (France), Patrick O’Keefe (Australie), Norman Palmer (Royaume-Uni) et Folarin Shyllon (Nigeria). Les Secrétariats d’UNIDROIT et de l’UNESCO étaient représentés par Marina Schneider et Edouard Planche respectivement.

Le Conseil de Direction d’UNIDROIT a pris note de l’état d’avancement des travaux sur l’élaboration de dispositions législatives modèles sur la protection des biens culturels, et a réitéré son appui et implication dans le projet lors de sa 90ème session en mai 2011.

Le Groupe d’experts s’est réuni de façon formelle à trois reprises à Paris, le 20 septembre 2010, le 14 mars 2011 et le 29 juin 2011. Des consultations ont également eu lieu entre les membres par voie électronique.

Lors de sa 17ème session (Paris, juillet 2011) le Comité intergouvernemental de l’UNESCO a examiné le projet de dispositions modèles accompagnés de lignes directrices explicatives et adopté une recommandation dans laquelle il « prend note de la finalisation des dispositions modèles, […] invite le comité à intégrer dans les lignes directrices explicatives les observations formulées [… ] et demande de diffuser largement ces dispositions […]. » (voir l’Annexe 1 ci-après).

Le Conseil de Direction d’UNIDROIT a ensuite également pris note de la finalisation des dispositions modèles et s’est félicité de l’étroite collaboration entretenue avec l’UNESCO. Le Conseil a enfin invité le Secrétariat à poursuivre cette collaboration en appelant à la diffusion la plus large des dispositions modèles.

STATUT DES DISPOSITIONS MODELES

Comme cela est indiqué dans les Recommandations adoptées par le Comité intergouvernemental de l’UNESCO lors de ses 16ème et 17ème sessions, il s’agit de dispositions mises à la disposition des Etats qui pourront les considérer lors de l’élaboration ou du renforcement de leur législation nationale.

Il ne s’agit donc en aucun cas d’un texte juridique contraignant ou d’un instrument normatif puisqu’il n’a pas fait l’objet d’approbation formelle des Etats. Les dispositions constituent un modèle offert aux Etats qui en auraient besoin, parmi d’autres outils juridiques dont les Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT ont pour mission d’encourager l’application.

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Il est important à ce stade de noter que le Comité d’experts a déployé les plus grands efforts pour aboutir à un texte court – afin d’être plus incisif –, de six dispositions seulement, compatibles avec la Convention de l’UNESCO de 1970 et la Convention d’UNIDROIT de 1995, à la fois pour encourager la protection des biens archéologiques et pour favoriser leur restitution à l’Etat sur le territoire duquel les fouilles ont eu lieu.

La rédaction de dispositions claires vise également à épargner beaucoup de temps et d’efforts qui seraient nécessaires pour développer des interprétations élaborées et coûteuses du droit de l’Etat qui intente une action en revendication d’un bien qui relève du champ d’application des présentes dispositions.

La simplicité a également pour objectif d’éviter qu’une ambigüité puisse être exploitée devant des tribunaux étrangers. Par ailleurs, il fallait des dispositions compréhensibles pour des étrangers impliqués dans le commerce de biens culturels car il faut rappeler que la Cour d’Appel (Etats-Unis d’Amérique) dans l’affaire United States v. McClain 593 F2d 658 à 670 a soutenu que la revendication de propriété avancée par le Mexique n’était pas exprimée « avec une clarté suffisante pour survivre à la traduction dans des termes compréhensibles et impératifs pour des citoyens américains ».

Dispositions modèles définissant la propriété de l’Etat sur les biens culturels non découverts accompagnées de lignes directrices explicatives

Disposition 1 – Obligation générale

L’Etat prend toutes les mesures nécessaires et appropriées pour protéger les biens culturels non découverts et les préserver pour les générations présentes et futures.

Lignes directrices:

Le groupe d’experts a estimé que la première disposition devrait être une clause générale établissant l’obligation générale de l’Etat à l’égard des biens culturels qui n’ont pas encore été découverts.

Cette obligation porte à la fois sur la protection et la préservation de ces biens. Ce sont des termes que l’on retrouve notamment dans les Préambules de la Convention de l’UNESCO sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001 ou de la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés de 1995.

Une version précédente du texte précisait certaines mesures à prendre : par exemple, le fait pour un Etat d’encourager les personnes qui trouvent des biens archéologiques à le signaler aux autorités compétentes, ou encore d’encourager la circulation nationale et internationale de ces biens, notamment par le biais de prêts à des musées ou d’autres institutions culturelles. Il a finalement été décidé de laisser à chaque Etat le soin de prendre les mesures qu’il jugera nécessaires et appropriées, conformément à la pratique et aux standards nationaux et internationaux. C’est ainsi que l’on peut citer, entre autres, la Recommandation de l’UNESCO concernant l’échange international de biens culturels de 1976 ou les Préambules des Conventions de l’UNESCO de 1970 et d’UNIDROIT de 1995.

L’obligation de l’Etat s’applique à la fois pour le temps présent (c’est-à-dire au jour de l’adoption des dispositions modèles par l’Etat) et pour l’avenir (c’est-à-dire après leur adoption). L’obligation de préservation pour les générations futures constitue en effet désormais un facteur non négligeable de développement durable viable de toutes les communautés. Les dispositions modèles n’ont pas d’effet sur les situations passées parce qu’elles ne sont pas rétroactives. On rappellera que les Conventions de 1970 et de 1995 n’ont pas non plus d’application rétroactive, conformément au principe général posé par l’article 28 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.

La présente disposition impose une obligation générale et indique l’objectif visé par la loi qui, selon la tradition législative de l’Etat adoptant, peut constituer soit l’article premier de la loi, soit figurer dans le préambule de la loi.

Disposition 2 – Définition

Les biens culturels non découverts comprennent les biens qui, conformément au droit interne, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science et qui se trouvent dans le sous-sol ou sous l’eau.

Lignes directrices:

La définition des dispositions modèles est fondée sur la définition générale donnée par la Convention de l’UNESCO de 1970 (article premier) et par la Convention d’UNIDROIT de 1995 (article 2). On entérine par là le fait que ces dispositions doivent faciliter l’application de ces deux instruments et que cette définition est appliquée parmi les 120 Etats liés notamment par la Convention de l’UNESCO de 1970. S’agissant d’un modèle de loi nationale, une référence au droit interne est appropriée.

La définition incorpore les deux types de biens culturels non découverts, à savoir ceux trouvés dans le sous-sol et ceux trouvés sous l’eau. Le régime de propriété en vertu de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique de 2001 – différent de celui prévu par les présentes Dispositions modèles – s’appliquera aux Etats parties à cette Convention.

La liste des catégories n’est pas exhaustive et l’Etat adoptant est libre d’y ajouter ce qu’il souhaite (on pense par exemple aux biens anthropologiques, aux restes humains, etc.). De même, le lieu de situation du bien doit être compris extensivement (un bien non découvert pourrait ainsi se trouver dans un bâtiment ou sous la glace). L’Etat adoptant peut bien entendu choisir au contraire de restreindre la définition dans sa législation nationale.

Disposition 3 – Propriété de l’Etat

Les biens culturels non découverts sont la propriété de l’Etat, sous réserve qu’il n’existe aucun droit de propriété antérieur.

Lignes directrices:

Il s’agit de la règle centrale des dispositions modèles. Le principe adopté – la propriété de l’Etat – suit celui de nombreuses législations nationales existantes, mais est rédigé dans les termes les plus clairs et simples. Ainsi rédigé, le texte indique clairement que les biens en question sont propriété de l’Etat avant même d’être découverts, évitant de la sorte les problèmes d’interprétation des lois vagues.

Les termes « sont la propriété de l’Etat » ont été choisis (plutôt que « appartiennent à l’Etat ») pour qu’il n’y ait aucun doute quant à la nature du droit de propriété de l’Etat. Il est par ailleurs évident que ce droit de propriété n’a pas pour but l’enrichissement de l’Etat (de ses institutions ou représentants), mais il lui permet de remplir son rôle de gardien du patrimoine.

Il faudrait cependant prévoir une limite à ce principe dans le cas où un droit de propriété antérieur d’un tiers peut être établi. On pense par exemple à une personne qui enterre un bien culturel qui lui appartient afin de le protéger pendant un conflit, avec l’intention de le récupérer ultérieurement et non pas de renoncer à sa propriété. Certaines lois existantes vont dans la même direction lorsqu’elles conditionnent la propriété de l’Etat à l’absence de propriétaire.

En raison de la nature générale et abstraite d’une loi modèle, il ne semble pas nécessaire qu’elle détaille avec précision les circonstances dans lesquelles un « droit de propriété antérieur » est considéré comme existant. Le législateur national peut fournir une liste (exemplative ou exhaustive) de telles circonstances, suivant la tradition locale.

L’Etat adoptant peut prendre en considération l’effet du droit national et international en matière de droits de l’homme sur la validité d’un droit de propriété étendu de l’Etat (cf. notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés fondamentales de 1950 et amendements successifs, les lois nationales de transposition).

Disposition 4 – Soustraction ou fouille illicite

Un bien culturel issu de fouilles illicites ou licitement issu de fouilles mais illicitement retenu est considéré comme un bien volé.

Lignes directrices:

Après avoir clairement posé le principe de la propriété de l’Etat sur les biens culturels non découverts, il faut indiquer quels seront les effets une fois que ces biens sont découverts et deviennent alors le produit de fouilles illicites ou de soustraction illicite. La présente disposition les considère alors comme volés.

Il convient de rappeler à cet égard que l’article 3(2) de la Convention d’UNIDROIT de 1995 prévoit que « [a]u sens de la présente Convention un bien culturel issu de fouilles illicites ou licitement issu de fouilles mais illicitement retenu est considéré comme volé si cela est compatible avec le droit de l’Etat où lesdites fouilles ont eu lieu ».

Parmi les diverses définitions possibles de « la soustraction ou la fouille illicite » d’un bien culturel, il convient de suivre celle figurant à l’article 3(2) de la Convention d’UNIDROIT de 1995, étant donné que l’un des objectifs des dispositions modèles est de faciliter la mise en œuvre de la Convention d’UNIDROIT par les tribunaux nationaux. La disposition modèle 4 (ainsi que la 6) poursuit cet objectif, tout en ayant une existence autonome.

Il s’agit d’une référence indirecte à la Convention d’UNIDROIT de 1995 qui aidera les Etats non encore parties à ladite Convention à leur donner le fondement juridique interne pour faciliter la procédure et mieux bénéficier du régime conventionnel prévu par l’article 3(2) (« si cela est compatible avec le droit de l’Etat où lesdites fouilles ont eu lieu ») en ayant une parfaite harmonie entre la Convention et le droit interne. Si l’Etat adoptant n’est pas partie à la Convention de 1995, les règles habituelles de droit privé s’appliqueront et, par exemple, en vertu de certains systèmes juridiques, la propriété ne sera pas transférée lorsqu’il s’agit de biens volés.

Le fait que la présente disposition considère ce type de biens comme volés entraîne un certain nombre de conséquences sur le plan du droit interne (cf. la disposition 5). Cette qualification de vol permet notamment aux Etats-Unis d’Amérique d’entraîner l’application du National Stolen Property Act.

La disposition reprend l’intitulé de ladite Convention « est considéré comme volé » et non pas « est volé » pour répondre au problème que pourraient avoir certains pays pour lesquels, aussi longtemps que l’on n’est pas en possession d’un bien, il ne peut être volé. Une soustraction au sens de la présente disposition ne saurait alors être un vol. C’est pourquoi cette formule large a été préférée.

Le caractère licite ou illicite de la fouille (« object excavated contrary to the law » en anglais) devra être précisé par une autre disposition législative qui existe déjà dans bon nombre de législations nationales. Par exemple, bon nombre de législations nationales indiquent que les fouilles doivent faire préalablement l’objet d’une autorisation en respectant une certaine procédure administrative.

L’autre effet juridique concerne le droit pénal puisque l’on se réfère au vol. Cette activité criminelle implique par conséquent la mise en place de procédures de droit pénal sur le plan interne, voire même la coopération internationale en matière pénale lorsque l’on envisage les aspects internationaux (voir la Disposition 6).

Si le bien est issu de fouilles licites puis licitement exporté de façon temporaire, mais qu’il n’est pas retourné à l’expiration du délai convenu, et donc illicitement retenu, il devrait être considéré comme volé.

Disposition 5 – Inaliénabilité

Le transfert de propriété d’un bien culturel considéré comme volé au sens de la Disposition 4, est nul et sans effet, à moins qu’il puisse être établi que le cédant détient légalement la propriété du bien au moment du transfert.

Lignes directrices:

La Disposition modèle 5 est le complément de droit privé de la Disposition 4. Un bien culturel non découvert est un bien indisponible et reste tel lorsqu’il est découvert. Il ne peut donc être valablement acquis par un nouvel acquéreur (achat, don, succession, etc.).

Il faudrait toutefois apporter une réserve dans les cas où le cédant détient légalement la propriété du bien. Par exemple, un musée archéologique étatique qui décide, légalement en vertu de son droit interne, de vendre un objet appartenant à ses collections, ou une personne privée qui a légalement acquis le bien avant l’entrée en vigueur de la disposition type dans l’Etat concerné. Si tel est le cas, le musée ou la personne privée est le propriétaire du bien et peut en disposer.

L’Etat adoptant doit être conscient du champ d’application limité de cette disposition : en effet, si le bien fait l’objet d’un transfert à l’étranger, ce transfert ne sera nul et sans effet que si l’Etat étranger a lui aussi adopté la Disposition 5, ou une règle similaire.

Disposition 6 – Mise en œuvre internationale

Aux fins de garantir le retour ou la restitution à l’Etat des biens culturels issus de fouilles illicites ou licitement issus de fouilles mais illicitement retenus, ceux-ci sont considérés comme des biens volés.

Lignes directrices:

La Disposition modèle 6 a pour objectif de faciliter la restitution d’un bien culturel qui a été exporté après avoir été découvert et illicitement retenu. Si le bien est considéré volé, la coopération judiciaire internationale en matière pénale permettra généralement son retour dans le pays où il a été découvert.

Du point de vue du droit international privé également, un tribunal étranger saisi d’une demande de restitution qui voit que le pays où le bien a été découvert le considère volé sur la base de cette disposition aura peu de difficulté à le restituer sur la base de la législation interne de cet Etat. Cela sera d’autant plus le cas si les Etats concernés sont parties à la Convention d’UNIDROIT de 1995 (voir son article 3(1)).

Il convient de noter que les dispositions modèles ne peuvent et ne veulent pas répondre à toutes les questions soulevées par le statut juridique des fouilles et des découvertes de biens culturels. Par exemple, les dispositions modèles ne traitent pas de la question de la découverte d’un « trésor », c’est-à-dire dans quelle mesure celui qui découvre un objet a droit à une récompense pour sa découverte. Si le législateur national estime cette question pertinente, il pourra la traiter séparément conformément à son ordre juridique interne. Les dispositions modèles ne traitent pas non plus de la délicate question de la protection de l’acquéreur de bonne foi et de son devoir de diligence. Il convient cependant de rappeler que l’UNESCO s’est adressée à UNIDROIT pour traiter cette question fondamentale et la Convention d’UNIDROIT de 1995 y apporte une réponse dans ses articles 3 et 4. L’article 4(4) en particulier indique les critères de détermination de la diligence requise au moment de l’acquisition d’un bien, qui constituent une aide précieuse pour le futur acquéreur qui saura comment se comporter, mais aussi au juge appelé à se prononcer en cas de litige. Ces critères ont inspiré plusieurs législations nationales rédigées depuis.

ANNEXE 1

CLT-2011/CONF.208/COM.17/5

Paris, 1er juillet 2011

Original: anglais

COMITÉ INTERGOUVERNEMENTAL POUR LA PROMOTION DU RETOUR DE BIENS CULTURELS

À LEUR PAYS D’ORIGINE OU DE LEUR RESTITUTION EN CAS D’APPROPRIATION ILLÉGALE

Dix-septième session

Paris, Siège de l’UNESCO, 30 juillet – 1 juillet 2011

 

Recommandation n°4

Le Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale

Rappelant la recommandation n°3 adoptée lors de sa 16e session portant sur la préparation de dispositions modèles accompagnées de lignes directrices explicatives par un comité d’experts indépendants sous l’égide des Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT,

Saluant la participation d’UNIDROIT dans ce projet pour son expertise dans l’harmonisation des systèmes juridiques,

  1. Remercie ce comité d’experts d’avoir élaboré et présenté le projet au Comité intergouvernemental à sa 17e session,
  1. Prend note de la finalisation des dispositions modèles et exprime sa satisfaction pour les résultats obtenus,
  1. Invite le comité d’experts à intégrer dans les lignes directrices explicatives les observations formulées par ses Etats membres et observateurs des deux Organisations et qui seront circulées par les Secrétariats de l’UNESCO et d’UNIDROIT aux Etats,
  1. Demande au Secrétariat de diffuser largement ces dispositions modèles accompagnées de lignes directrices explicatives et de les mettre à disposition des Etats membres qui pourront les considérer lors de l’élaboration ou du renforcement de leur législation nationale,
  1. Demande au Secrétariat de présenter une évaluation de l’utilisation des dispositions modèles lors de sa 19e session.