CHAPITRE 1

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Les parties sont libres de conclure un contrat et d’en fixer le contenu.

COMMENTAIRE

1. Liberté contractuelle: principe de base dans le contexte du commerce international

 

Le principe de la liberté contractuelle revêt une importance fondamentale dans le contexte du commerce international. Le droit des opérateurs commerciaux de décider en toute liberté à qui offrir leurs marchandises ou services et de qui les recevoir, ainsi que la possibilité pour eux de s’entendre librement sur les dispositions de chaque contrat, sont les pierres angulaires d’un ordre économique international ouvert, orienté vers le marché et concurrentiel.

2. Secteurs de l’économie où il n’y a pas de concurrence

 

Il existe bien entendu un certain nombre d’exceptions possibles au principe posé dans le présent article.

 

En ce qui concerne la liberté de conclure un contrat avec toute autre personne, il y a des secteurs de l’économie que les Etats peuvent décider d’exclure de la libre concurrence pour des motifs d’intérêt public. Dans de tels cas, les marchandises ou services en question ne peuvent être requises que du seul fournisseur existant, qui sera le plus souvent un organe public, et qui peut ou non avoir l’obligation de conclure un contrat avec toute personne qui en fait la demande, dans la limite de la disponibilité des marchandises ou des services.

3. Limitation de l’autonomie des parties par des règles impératives

 

En ce qui concerne la liberté de déterminer le contenu du contrat, les Principes eux-mêmes contiennent en premier lieu des dispositions auxquelles les parties ne peuvent déroger (voir l’article 1.5).

 

Il existe par ailleurs des règles impératives, d’origine nationale, internationale ou supranationale, qui, si elles sont applicables selon les règles pertinentes du droit international privé, prévalent sur les dispositions contenues dans les Principes, et auxquelles les parties ne peuvent pas déroger (voir l’article 1.4).

Ces Principes n’imposent pas que le contrat, la déclaration ou tout autre acte soit conclu ou constaté sous une forme particulière. Il peut être prouvé par tous moyens, y compris par témoins.

COMMENTAIRE

1. Contrats en principe non soumis à des conditions de forme

 

Cet article pose le principe selon lequel la conclusion d’un contrat n’est soumise à aucune condition de forme. Le même principe s’applique également à la modification ou à la résolution ultérieure du contrat par accord des parties.

 

Le principe, que l’on trouve dans de nombreux systèmes juridiques sinon dans tous, semble particulièrement approprié dans le contexte des relations commerciales internationales où, grâce aux moyens modernes de communication, de nombreuses opérations sont conclues très rapidement et par un mélange de conversations, télécopies, contrats sur support papier, communications par courrier électronique et Internet.

 

La première phrase de l’article prend en compte le fait que certains systèmes juridiques considèrent les conditions de forme comme des questions touchant le fond, alors que d’autres ne les imposent que dans un but de preuve. La deuxième phrase vise à exprimer clairement que, dans la mesure où le principe de la liberté quant à la forme s’applique, cela implique l’admissibilité de la preuve orale dans la procédure judiciaire.

2. Déclarations et autres actes unilatéraux

 

Le principe de l’absence de condition quant à la forme s’applique également aux déclarations et aux autres actes unilatéraux. Les plus importants parmi ces actes sont les déclarations d’intention faites par les parties lors de la formation ou de l’exécution d’un contrat (par exemple, une offre, l’acceptation d’une offre, la confirmation du contrat par la partie en droit de l’annuler, la fixation du prix par l’une des parties, etc.), ou dans d’autres contextes (par exemple l’attribution par le représenté du pouvoir de représentation au représentant, la ratification par le représenté d’un acte accompli par un représentant sans pouvoir, la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier avant l’expiration du délai de prescription de droit commun, etc.).

3. Exceptions possibles en vertu de la loi applicable

 

La loi applicable peut bien entendu déroger au principe de l’absence de conditions quant à la forme (voir l’article 1.4). Les lois nationales, ainsi que les instruments internationaux, peuvent imposer des conditions spéciales quant à la forme à l’égard soit de l’ensemble du contrat soit de dispositions particulières (par exemple, conventions d’arbitrage, accords d’élection de for).

4. Conditions de forme décidées par les parties

 

Les parties peuvent en outre s’entendre sur une forme spécifique pour la conclusion, la modification ou la résolution de leur contrat ou de toute autre déclaration ou acte unilatéral qu’elles pourraient faire au cours de la formation ou de l’exécution de leur contrat, ou dans tout autre contexte. Voir à cet égard, en particulier, les articles 2.1.13, 2.1.17 et 2.1.18.

Le contrat valablement formé lie ceux qui l’ont conclu. Les parties ne peuvent le modifier ou y mettre fin que selon ses dispositions, d’un commun accord ou encore pour les causes énoncées dans ces Principes.

 

COMMENTAIRE

1. Le principe “pacta sunt servanda

 

Cet article pose un autre principe essentiel du droit des contrats: pacta sunt servanda.

 

La force obligatoire du contrat présuppose évidemment qu’un accord ait été effectivement conclu par les parties et que l’accord auquel elles sont parvenues n’est pas affecté par une cause d’invalidité. Les règles gouvernant la conclusion des contrats figurent au Chapitre 2, Section 1, des Principes, alors que les causes d’invalidité figurent au Chapitre 3, ainsi que dans des dispositions particulières dans d’autres Chapitres (voir, par exemple, les articles 7.1.6 et 7.4.13(2)). Les règles impératives nationales et internationales applicables peuvent prévoir d’autres conditions pour la validité des contrats.

 

2. Exceptions

Le principe pacta sunt servanda a, notamment, pour conséquence qu’un contrat peut être modifié ou résolu lorsque les parties le décident. La modification ou la résolution sans accord sont au contraire l’exception et ne peuvent par conséquent être admises que lorsqu’elles sont conformes aux dispositions du contrat ou lorsque cela est expressément prévu dans les Principes (voir les articles 3.2.7(2), 3.2.7(3), 3.2.10, 5.1.8, 6.1.16, 6.2.3, 7.1.7, 7.3.1 et 7.3.3).

 

3. Effets vis-à-vis des tiers

 

En posant le principe de la force obligatoire du contrat entre les parties, cet article n’entend pas porter atteinte aux effets que le contrat peut avoir vis-à-vis des tiers en vertu de la loi applicable. Ainsi, un vendeur peut, dans certains pays, avoir l’obligation contractuelle de protéger l’intégrité physique et les biens non seulement de l’acquéreur mais aussi des personnes l’accompagnant dans les locaux du vendeur.

 

De façon analogue, les Principes ne traitent pas des effets de l’annulation et de la résolution d’un contrat sur les droits des tiers.

En ce qui concerne les cas dans lesquels l’accord entre les parties vise, de par sa nature, à porter atteinte à la situation juridique d’autres personnes, voir la Section 2 du Chapitre 2 sur le “Pouvoir de représentation”, la Section 2 du Chapitre 5 sur les “Droits des tiers”, le Chapitre 9 sur la “Cession de créances, cession de dettes, cession de contrats” et le Chapitre 11 sur la “Pluralité de débiteurs et de créanciers”.

Ces Principes ne limitent pas l’application des règles impératives, d’origine nationale, internationale ou supranationale, applicables selon les règles pertinentes du droit international privé.

COMMENTAIRE

1. Les règles impératives prévalent

 

Etant donné la nature particulière d’instrument non législatif des Principes, on ne peut s’attendre à ce que les Principes, en tant que tels ou les contrats conclus sur la base des Principes, prévalent sur les règles impératives du droit interne, qu’elles soient d’origine nationale, internationale ou supranationale, qui sont applicables en vertu des règles pertinentes du droit international privé. Les règles impératives d’origine nationale sont celles promulguées par des Etats de façon autonome (par exemple, celles qui prescrivent des conditions de forme particulières pour des types de contrats spécifiques; l’invalidité des clauses pénales; des conditions en matière de licences; des règles en matière environnementale, etc.), alors que les règles impératives d’origine internationale ou supranationale sont celles dérivées de conventions internationales ou du droit international public général (par exemple, les Règles de La Haye-Visby; la Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés; la Convention des Nations Unies contre la corruption; la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations Unies, etc.), ou encore adoptées par des organisations supranationales (par exemple, le droit de la concurrence de l’Union européenne, etc.).

2. Notion large de “règles impératives”

Les règles impératives visées dans cet article sont principalement celles qui sont édictées dans une loi particulière, leur nature impérative pouvant soit être expressément indiquée, soit être déduite par voie d’interprétation. Toutefois, les limitations à la liberté contractuelle dans les divers systèmes juridiques nationaux peuvent aussi dériver de principes généraux d’ordre public, d’origine nationale, internationale ou supranationale (par exemple, la prohibition de la perpétration du crime ou de l’incitation au crime; la prohibition de la corruption et des ententes de soumissions; la protection de la dignité humaine; la prohibition de la discrimination fondée sur le sexe, la race ou la religion; la prohibition de restrictions abusives à la liberté du commerce, etc.). Aux fins de cet article, il faut comprendre la notion de “règles impératives” au sens large, de façon à englober aussi bien des dispositions législatives particulières que des principes généraux d’ordre public.

3. Règles impératives applicables en cas d’incorporation des Principes dans le contrat

Dans les cas où la référence aux Principes faite par les parties est considérée seulement comme un accord visant à les incorporer dans le contrat (voir le Commentaire 4 lit. a), troisième paragraphe du Préambule) – ce qui est l’approche traditionnelle et celle qui est encore la plus fréquemment adoptée par les tribunaux nationaux à l’égard des instruments non contraignants –, les Principes et les contrats conclus sur la base des Principes rencontrent, en premier lieu, la limite des principes et des règles du droit interne qui régissent le contrat, auxquels les parties ne peuvent pas déroger contractuellement (connus comme règles impératives “ordinaires” ou “nationales”). En outre, les règles impératives de l’Etat du for, et éventuellement celles d’autres Etats, peuvent également s’appliquer si les règles impératives prévoient leur application quelle que soit la loi régissant le contrat et, dans le cas de règles impératives d’autres Etats, pourvu qu’il y ait un lien suffisamment étroit entre ces Etats et le contrat en question (connues comme “lois de police”, ou “règles impératives de droit international”).

 

4. Règles impératives applicables en cas de référence aux Principes en tant que droit régissant le contrat

Lorsque, comme cela peut être le cas si le litige est porté devant un tribunal arbitral, les Principes sont appliqués en tant que loi régissant le contrat (voir le Commentaire 4 lit. a), quatrième paragraphe du Préambule), ils ne rencontrent plus la limite des règles impératives ordinaires du droit interne. Pour ce qui est des lois de police de l’Etat du for ou d’autres Etats, leur application dépend essentiellement des circonstances de l’espèce. De façon générale, étant donné que dans l’arbitrage international le tribunal arbitral n’a pas de lex fori préétablie, il a la faculté – mais ce n’est pas une obligation – d’appliquer les lois de police de l’Etat sur le territoire duquel il prononce sa sentence. On peut supposer que pour déterminer s’il tiendra compte des lois de police de l’Etat du for ou de tout autre Etat avec lequel le cas d’espèce a un lien significatif, le tribunal arbitral, ayant à l’esprit qu’il doit déployer tous ses “efforts pour que la sentence soit susceptible de sanction légale” (ainsi que le prévoit expressément, par exemple, l’article 35 du Règlement d’arbitrage ICC de 1998), sera particulièrement attentif aux lois de police des Etats dans lesquels la sentence devra probablement recevoir exécution. En outre, le tribunal arbitral pourrait estimer nécessaire d’appliquer les lois de police reflétant des principes largement reconnus comme fondamentaux dans les systèmes juridiques du monde entier (connus comme “ordre public transnational” ou “transnational public policy”).

5. Recours aux règles de droit international privé pertinentes dans chaque cas particulier

En raison des différences considérables dans les méthodes suivies par les tribunaux judiciaires et arbitraux pour déterminer les règles impératives applicables aux contrats du commerce international, cet article s’abstient, de façon délibérée, d’indiquer quelles sont les règles impératives qui s’appliquent et il renvoie plutôt aux règles pertinentes du droit international privé pour la solution de chaque cas particulier (voir, par exemple, l’article 9 du Règlement CE No. 593/2008 (Rome I) qui remplace l’article 7 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles; l’article 11 de la Convention interaméricaine de 1994 sur la loi applicable aux contrats internationaux; les articles 28, 34 et 36 de la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international; l’article V de la Convention de New York sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères).

Les parties peuvent exclure l’application de ces Principes, déroger à l’une quelconque de leurs dispositions ou en modifier les effets, à moins que ces Principes n’en disposent autrement.

COMMENTAIRE

1. Caractère non impératif des Principes

 

Les règles posées dans les Principes ne revêtent pas en général un caractère impératif, c’est-à-dire que les parties peuvent dans chaque cas soit simplement exclure leur application en totalité ou en partie, soit modifier leur contenu ou les adapter aux besoins spécifiques du type d’opération dont il s’agit (voir la Clause type qui figure dans la note de bas de page relative au deuxième paragraphe du Préambule).

 

2. L’exclusion ou la modification peut être expresse ou implicite

L’exclusion ou la modification des Principes par les parties peut être soit explicite soit implicite. Il s’agit d’une exclusion ou d’une modification implicite lorsque les parties s’accordent expressément sur les clauses du contrat qui sont en contradiction avec des dispositions des Principes et, dans ce contexte, il est indifférent de savoir si les clauses en question ont été négociées individuellement ou si elles forment une partie des clauses-types incorporées par les parties au contrat.

 

Si les parties décident expressément de n’appliquer que certains Chapitres des Principes (par exemple “En ce qui concerne l’exécution et l’inexécution du présent contrat, les Principes d’UNIDROIT s’appliquent”), l’on présume que les Chapitres concernés seront appliqués avec les dispositions générales du Chapitre 1.

3. Dispositions impératives dans les Principes

Quelques dispositions des Principes revêtent un caractère impératif, c’est-à-dire que leur importance dans le système des Principes est telle que les parties ne devraient pas pouvoir les exclure ni y déroger comme elles le souhaitent. Il est vrai qu’étant donné la nature particulière des Principes le non-respect de ce précepte peut ne pas avoir de conséquences. D’un autre côté, il convient de noter que les dispositions en question reflètent des principes et des critères de comportement qui ont également un caractère impératif en vertu de la plupart des lois internes.

 

Les dispositions des Principes qui sont impératives sont normalement indiquées expressément comme telles. C’est le cas de l’article 1.7 sur la bonne foi, des dispositions du Chapitre 3 sur la validité, à l’exception de celles qui sont relatives ou s’appliquent à l’erreur ou à l’impossibilité initiale (voir l’article 3.1.4), de l’article 5.1.7(2) relatif à la fixation du prix, de l’article 7.4.13(2) relatif à l’indemnité établie au contrat et de l’article 10.3(2) sur les délais de prescription. De façon exceptionnelle, le caractère impératif d’une disposition n’est qu’implicite et découle du contenu et de l’objectif de la disposition elle-même (voir, par exemple, les articles 1.8 et 7.1.6).

1) Pour l’interprétation de ces Principes, il sera tenu compte de leur caractère international et de leur finalité, notamment de la nécessité de promouvoir l’uniformité de leur application.

 

2) Les questions qui entrent dans le champ d’application de ces Principes, mais que ceux-ci ne tranchent pas expressément, sont, dans la mesure du possible, réglées conformément aux principes généraux dont ils s’inspirent.

COMMENTAIRE

1. Interprétation des Principes par opposition à interprétation du contrat

 

Les Principes, comme tout autre texte juridique, qu’il soit de nature législative ou contractuelle, peuvent soulever quelques doutes quant au sens exact de leur contenu. L’interprétation des Principes est cependant différente de celle des contrats individuels auxquels ils s’appliquent. Même si l’on considère que les Principes ne lient les parties que sur le plan contractuel, c’est-à-dire que l’on fait dépendre leur application de leur incorporation dans les contrats individuels, ils restent un ensemble de règles autonomes élaborées en vue de leur application d’une façon uniforme à un nombre indéfini de contrats de différents types conclus dans diverses parties du monde. Ils doivent par conséquent être interprétés d’une façon différente des clauses de chaque contrat individuel. Les règles pour l’interprétation des contrats (ainsi que des déclarations faites par les parties ou toute autre conduite de leur part) figurent au Chapitre 4. Le présent article traite de la manière dont il faut interpréter les Principes en tant que tels.

 

2. Caractère international des Principes

Le premier critère posé par cet article pour l’interprétation des Principes est qu’il faut tenir compte de leur “caractère international”. Cela signifie qu’il faut interpréter leurs dispositions et leurs concepts de façon autonome, c’est-à-dire dans le contexte des Principes et non par référence au sens qu’un droit interne particulier pourrait traditionnellement leur attacher.

 

Une telle approche devient nécessaire si l’on rappelle que les Principes sont le résultat d’études approfondies de droit comparé menées par des juristes provenant d’horizons culturels et juridiques totalement différents. En rédigeant chaque disposition, ces experts ont dû trouver un langage juridique suffisamment neutre sur lequel parvenir à un accord. Même dans les cas exceptionnels où des clauses ou des concepts propres à un ou plusieurs droits nationaux sont employés, l’intention n’a jamais été de les utiliser dans leur sens traditionnel.

 

3. Finalité des Principes

En prévoyant que, pour l’interprétation des Principes, il sera tenu compte de leur finalité, le présent article dit clairement qu’il ne faut pas les analyser au sens strict et à la lettre, mais à la lumière de la finalité et du raisonnement qui sont à la base de chaque disposition et de l’ensemble des Principes. On peut établir l’objectif de chaque disposition à partir du texte lui-même ou des commentaires y relatifs. Pour ce qui est de la finalité de l’ensemble des Principes, le présent article, du fait que les Principes ont pour principal objet de fournir un cadre uniforme pour les contrats du commerce international, se réfère expressément à la nécessité de promouvoir l’uniformité de leur application, c’est-à-dire d’assurer que dans la pratique ils soient interprétés et appliqués le plus possible de la même façon dans différents pays. En ce qui concerne d’autres objectifs, voir les remarques qui figurent en Introduction. Voir également l’article 1.7 qui, bien que concernant les parties, peut également être considéré comme une expression de la finalité des Principes pour promouvoir le respect de la bonne foi dans les relations contractuelles.

 

4. Comblement des lacunes des Principes

 

Un certain nombre de questions qui relèveraient du champ d’application des Principes ne sont pas expressément tranchées par eux. Afin de déterminer si une question relève du champ d’application des Principes alors qu’elle n’y est pas expressément réglée, ou si elle est effectivement en dehors du champ d’application, il faut tenir compte en premier lieu de ce qui est exprimé, soit dans le texte, soit dans les Commentaires (voir, par exemple, le Commentaire 3 à l’article 1.3; le Commentaire 5 à l’article 1.4; l’article 2.2.1(2) et (3) et le Commentaire 5 à l’article 2.2.1; le Commentaire 5 à l’article 2.2.7; le Commentaire 5 à l’article 2.2.9; le Commentaire 1 à l’article 2.2.10; l’article 3.1.1; le Commentaire 1 à l’article 6.1.14; l’article 9.1.2, l’article 9.2.2 et l’article 9.3.2). L’index des Principes constitue de surcroît un guide utile à cet égard.

 

La nécessité de promouvoir l’uniformité dans l’application des Principes implique que, lorsque des lacunes se révèlent, il faudra trouver une solution, dans la mesure du possible, selon le système des Principes avant d’avoir recours aux droits internes.

 

La première mesure à prendre est d’essayer de résoudre la question par une application par analogie de dispositions spécifiques. Ainsi, l’article 6.1.6 sur le lieu d’exécution devrait également régir la restitution. De façon similaire, les règles posées à l’article 6.1.9 relatives au cas dans lequel une obligation de somme d’argent est exprimée dans une monnaie différente de celle du lieu de paiement peuvent également s’appliquer lorsque l’obligation de somme d’argent est exprimée par référence à des unités de compte telles que les droits de tirage spéciaux (DTS). Si l’on ne peut résoudre la question par la simple extension de dispositions spécifiques traitant de cas analogues, il faut recourir aux principes généraux dont ils s’inspirent, c’est-à-dire aux principes et aux règles que l’on peut appliquer sur une échelle beaucoup plus grande en raison de leur caractère général. Certains de ces principes fondamentaux sont expressément posés dans les Principes (voir, par exemple, les articles 1.1, 1.3, 1.5, 1.7 et 1.8). D’autres doivent être extraits de dispositions spécifiques, c’est-à-dire que les règles particulières contenues dans ces dispositions doivent être analysées afin de voir si on peut les considérer comme l’expression d’un principe plus général et, en tant que tel, susceptible d’être appliqué également à d’autres cas différents de ceux spécifiquement tranchés.

 

Les parties sont bien entendu toujours libres de décider de se référer à une loi nationale particulière pour combler les lacunes des Principes. Une disposition de ce type pourrait être rédigée de la façon suivante “Le présent contrat est régi par les Principes d’UNIDROIT complétés par la loi du pays X”, ou encore “Le présent contrat est interprété et exécuté conformément aux Principes d’UNIDROIT. Les questions qui n’y sont pas expressément tranchées le seront conformément à la loi du pays X” (voir la Clause type qui figure dans la note de bas de page relative au deuxième paragraphe du Préambule).

1) Les parties sont tenues de se conformer aux exigences de la bonne foi dans le commerce international.

2) Elles ne peuvent exclure cette obligation ni en limiter la portée.

COMMENTAIRE

1. La “bonne foi” comme idée fondamentale à la base des Principes

 

Il existe un certain nombre de dispositions dans les divers Chapitres des Principes qui constituent une application directe ou indirecte du principe de bonne foi. Voir avant tout l’article 1.8, mais aussi, par exemple, les articles 1.9.(2), 2.1.4(2)(b), 2.1.15, 2.1.16, 2.1.18, et 2.1.20; 2.2.4(2), 2.2.5(2), 2.2.7, et 2.2.10; 3.2.2, 3.2.5 et 3.2.7; 4.1(2), 4.2(2), 4.6 et 4.8; 5.1.2 et 5.1.3; 5.2.5, 5.3.3 et 5.3.4; 6.1.3, 6.1.5, 6.1.16(2) et 6.1.17(1); 6.2.3(3)(4); 7.1.2, 7.1.6 et 7.1.7; 7.2.2(b)(c); 7.4.8 et 7.4.13; 9.1.3, 9.1.4 et 9.1.10(1). Ceci signifie que l’on peut considérer le principe de bonne foi comme étant l’une des idées fondamentales à la base des Principes. En indiquant que chaque partie est tenue de se conformer aux exigences de la bonne foi, le paragraphe 1 du présent article énonce clairement que même en l’absence de dispositions particulières dans les Principes, les parties doivent, pendant toute la durée du contrat, y compris pendant les négociations, agir de bonne foi.

Illustrations

 

1. A accorde à B quarante-huit heures pour accepter son offre. Lorsque B, peu avant l’expiration du délai, décide d’accepter, il est dans l’impossibilité de le faire: c’est une fin de semaine, le télécopieur du bureau de A n’est pas branché et il n’y a pas de répondeur téléphonique pour recevoir un message. Lorsque le lundi suivant A refuse l’acceptation de B, A agit contrairement aux exigences de la bonne foi car, en fixant le délai pour l’acceptation, il appartenait à A de s’assurer qu’on pouvait lui laisser des messages à son bureau pendant les quarante-huit heures du délai.

2. Le contrat de A pour la fourniture et l’installation d’une chaîne de production spéciale contient une disposition selon laquelle A, le vendeur, est tenu de communiquer à B, l’acquéreur, toute amélioration apportée par A à la technologie de cette chaîne. Un an après, B apprend qu’il y a eu une importante amélioration dont il n’a pas été informé. A n’est pas exempté du fait qu’il n’est plus responsable de la production de ce type particulier de chaîne de production, mais C, société affiliée dont A est propriétaire. A agirait contre le principe de bonne foi en invoquant la nature autonome de la société C, qui a été constituée spécialement pour remplacer cette production afin d’éviter les obligations contractuelles de A vis-à-vis de B.

 

3. A, intermédiaire, s’engage au nom de B, représenté, à promouvoir la vente des marchandises de B dans une zone donnée. En vertu du contrat A n’a droit à rémunération qu’après que B ait approuvé les contrats procurés par A. Si B est libre de décider s’il veut ou non approuver ces contrats, un refus systématique et injustifié d’approuver tout contrat procuré par A serait contraire à la bonne foi.

 

4. En vertu d’un accord sur la limite de crédit entre la banque A et le client B, A refuse soudain et de façon inexpliquée de consentir d’autres avances à B à la suite de quoi ses affaires subissent de fortes pertes. Bien que le contrat contienne une disposition permettant à A de demander le paiement immédiat, la demande de A de la totalité du paiement sans avertissement préalable et sans justification serait contraire à la bonne foi.

2. L’abus de droit

 

L’“abus de droit” est connu dans certains systèmes juridiques comme un exemple typique de comportement contraire au principe de bonne foi. Il se caractérise par un comportement malicieux d’une partie que l’on constate, par exemple, lorsqu’une partie exerce un droit simplement pour causer un dommage à l’autre partie ou dans un but autre que celui pour lequel il a été octroyé, ou lorsque l’exercice d’un droit est disproportionné par rapport au résultat initialement voulu.

 

Illustrations

5. A loue des locaux à B en vue d’ouvrir un magasin de vente au détail. Le contrat de location est signé pour une durée de cinq ans, mais lorsque, deux ans plus tard, A réalise que les affaires dans cette zone sont mauvaises, il décide de fermer le magasin et informe B qu’il n’est plus intéressé à louer ces locaux. L’inexécution par A du contrat entraînerait normalement B à devoir choisir entre mettre fin au contrat et demander des dommages-intérêts, ou encore demander l’exécution en nature. Toutefois, dans ces conditions, B abuserait de ses droits s’il exigeait de A qu’il paie le loyer pour les deux années restantes en vertu du contrat au lieu de mettre fin au contrat et de demander des dommages-intérêts à A pour les loyers perdus en attendant de trouver un nouveau locataire.

6. A loue des locaux à B en vue d’ouvrir un restaurant. Au cours des mois d’été, A installe quelques tables dehors, mais toujours sur le terrain du propriétaire. En raison du bruit causé par les clients du restaurant tard la nuit, B a de plus en plus de difficulté à trouver des locataires pour des appartements qu’il loue dans le même immeuble. B abuserait de ses droits si, au lieu de demander à A de renoncer à servir à l’extérieur tard le soir, il lui demandait de ne pas servir du tout à l’extérieur.

3. “Bonne foi dans le commerce international”

La référence à la “bonne foi dans le commerce international” précise d’abord que, dans le contexte des Principes, il ne faut pas appliquer le concept conformément aux critères habituellement adoptés dans les différents systèmes juridiques. En d’autres termes, ces critères nationaux ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où ils se sont révélés généralement acceptés parmi les divers systèmes juridiques. La formule utilisée implique également qu’il faut analyser la bonne foi à la lumière des conditions spéciales du commerce international. Les critères de pratique des affaires peuvent, en effet, différer beaucoup d’une branche à une autre et, même dans une seule branche, ils peuvent être plus ou moins stricts selon l’environnement socio-économique dans lequel les entreprises opèrent, leur taille, compétence technique, etc.

Il convient de noter que lorsque les dispositions des Principes et/ou les commentaires y relatifs font référence à la “bonne foi”, une telle référence doit toujours être entendue comme se référant à la “bonne foi dans le commerce international” ainsi que le précise cet article.

Illustrations

7. En vertu d’un contrat de vente de matériel de haute technologie, l’acquéreur perd le droit de se prévaloir d’un défaut des marchandises s’il ne communique pas au vendeur la nature exacte du défaut sans retard après qu’il ait découvert ou aurait dû découvrir le défaut. A, acquéreur opérant dans un pays où ce type de matériel est utilisé de façon habituelle, découvre un défaut dans le matériel après l’avoir fait fonctionner mais, dans la notification qu’il envoie à B, le vendeur du matériel, il donne des indications erronées quant à la nature du défaut. A perd son droit de se prévaloir du défaut puisqu’un examen plus attentif du défaut lui aurait permis de donner à B les précisions nécessaires.

8. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 7, mais ici A opère dans un pays dans lequel ce type de matériel est jusqu’à présent presqu’inconnu. A ne perd pas son droit de se prévaloir du défaut parce que B, conscient de ce que A n’avait pas la connaissance technique suffisante, ne pouvait raisonnablement attendre de A qu’il détermine correctement la nature du défaut.

4. Nature impérative du principe de bonne foi

 

L’obligation des parties de se conformer aux exigences de la bonne foi est à ce point fondamentale que les parties ne peuvent l’exclure ou en limiter la portée par contrat (paragraphe 2). Pour les applications spécifiques de l’interdiction générale d’exclure ou de limiter le principe de bonne foi entre les parties, voir les articles 3.19, 7.1.6 et 7.4.13.

 

D’autre part, rien n’empêche les parties de prévoir dans leur contrat l’obligation de respecter des critères de comportement plus stricts.

Une partie ne peut agir en contradiction avec une attente qu’elle a suscitée chez l’autre partie lorsque cette dernière a cru raisonnablement à cette attente et a agi en conséquence à son désavantage.

COMMENTAIRE

1. Interdiction de se contredire et “bonne foi”

Cette disposition constitue une application générale du principe de bonne foi (article 1.7) qui se reflète dans d’autres dispositions plus spécifiques des Principes. Voir, par exemple, les articles 2.1.4(2)(b), 2.1.8, 2.1.10, 2.2.5(2) et le commentaire 3 sur l’article 10.4. Cette disposition impose à une partie de ne pas occasionner un désavantage à l’autre partie en agissant en contradiction avec une attente concernant leurs relations contractuelles qu’elle a suscitée chez l’autre partie, et sur la base de laquelle celle-ci a, en conséquence, agi raisonnablement.

 

La prohibition contenue dans cet article peut résulter en la création de droits et en la perte, suspension ou modification de droits, autrement que par accord entre les parties. Il en est ainsi parce que l’attente à laquelle une partie a cru peut elle-même être contradictoire avec les droits des parties. Cet article ne prévoit pas le seul moyen par lequel un droit peut être perdu ou suspendu à cause du comportement d’une partie. Voir, par exemple, les articles 3.12 et 7.1.4(3).

 

2. Une attente à laquelle une partie a cru raisonnablement

Il existe différentes façons pour une partie de susciter chez l’autre partie une attente concernant leur contrat ou son exécution. L’attente peut résulter, par exemple, d’une démarche active (representation), d’un comportement ou du silence lorsqu’une partie s’attendrait raisonnablement à ce que l’autre partie parle pour corriger une erreur ou un malentendu connu sur lequel la première se fondait pour agir.

 

Aussi longtemps qu’elle concerne les relations contractuelles des parties, l’attente, au sens de cet article, ne se limite pas à un sujet en particulier. Elle peut concerner une question de fait ou de droit, une intention, ou la façon dont l’une ou l’autre partie peut ou doit agir.

 

La limitation importante est qu’il doit s’agir d’une attente à laquelle l’autre partie peut et doit raisonnablement croire. Que la croyance soit raisonnable constitue, dans ces conditions, une question de fait, compte tenu, en particulier, des communications et du comportement des parties, de la nature des affaires des parties et des expectatives qu’elles pouvaient raisonnablement nourrir l’une envers l’autre.

 

Illustrations

1. A a négocié sur une longue durée un bail avec B portant sur la propriété de B en vertu duquel ce dernier doit démolir un bâtiment et en reconstruire un autre selon les caractéristiques données par A. A communique avec B en des termes qui portent raisonnablement B à comprendre que les négociations portant sur leur contrat sont terminées et que B peut en commencer l’exécution. B démolit ensuite le bâtiment et engage des entrepreneurs pour la construction du nouveau bâtiment. A est au courant et ne fait rien pour l’arrêter. Plus tard, A indique à B qu’il reste des conditions supplémentaires à négocier. A ne pourra pas s’écarter de l’interprétation de B.

 

2. B a commis l’erreur de croire qu’il pouvait exécuter son contrat avec A d’une façon particulière. A en est conscient et n’intervient pas alors que B en poursuit l’exécution. B et A se rencontrent régulièrement. L’exécution par B fait l’objet d’un examen entre les parties mais A ne fait aucune référence à l’erreur de B. A ne pourra insister pour dire que l’exécution n’était pas celle requise en vertu du contrat.

 

3. A a souvent recours à B pour des travaux de sous-traitance sur des chantiers de construction. Cette partie des affaires de A, ainsi que les employés pour ces travaux, sont pris en charge par A1. Il n’y a aucun changement, dans le cours des affaires, sur la façon dont B reçoit ses instructions de travail. B continue à fournir des services en sous-traitance et continue à facturer à A les travaux effectués croyant qu’ils sont faits pour A. A n’informe pas B de son erreur. A ne peut nier que le contrat de B pour les travaux effectués existe à son égard et doit payer les travaux effectués.

 

4. En raison des difficultés qu’il rencontre avec ses propres fournisseurs, A n’est pas en mesure de procéder aux livraisons à B dans les délais prévus au contrat. Ce contrat impose des pénalités en cas de retard dans la livraison. Après avoir eu connaissance des difficultés de A, B indique qu’il n’insistera pas sur le respect strict du calendrier des livraisons. Un an plus tard, les affaires de B commencent à souffrir des livraisons tardives de A, et B essaie d’obtenir des pénalités pour ces retards et d’exiger le respect strict du calendrier des livraisons pour l’avenir. Il ne pourra prétendre à des pénalités mais pourra insister pour le respect du calendrier à condition d’en donner notification raisonnable pour l’avenir.

 

5. B est endetté vis-à-vis de A pour une somme de 10.000 AUD. Bien que la dette soit exigible, A ne prend aucune mesure pour en obtenir le paiement. B estime en conséquence que A a annulé sa dette, mais A n’a rien fait pour indiquer que cela était effectivement le cas. A demande plus tard le paiement de la dette. B ne peut invoquer l’inaction de A pour refuser.

3. Désavantage et impossibilité

Le présent article impose l’obligation d’éviter qu’un désavantage soit occasionné suite à une croyance raisonnable. Cela n’exige pas nécessairement que la partie qui cherche à agir en contradiction soit dans l’impossibilité de le faire. L’impossibilité n’est qu’une façon d’éviter le désavantage. Il peut y avoir, selon les circonstances, d’autres moyens raisonnables qui peuvent éviter le désavantage que devrait autrement subir la partie qui croit à l’attente suscitée si l’action contradictoire était autorisée, comme, par exemple, de donner un délai raisonnable avant d’agir en contradiction (voir l’Illustration 4), ou encore de payer les frais et les pertes entraînés du fait de la croyance.

Illustrations

6. A et B sont parties à un contrat de construction qui exige que des travaux supplémentaires soient documentés par écrit et certifiés par l’architecte du chantier. Le directeur des travaux de A demande oralement à B de procéder à des travaux supplémentaires particuliers sur la base des heures et des matériaux fournis et garantit à B qu’ils seront documentés de façon appropriée le moment venu. B commande des travaux de design pour ces travaux supplémentaires et, à ce stade, A indique que les travaux ne sont pas requis. Le coût relatif à la commande du design est très inférieur à celui des travaux s’ils avaient été effectués. Si A paie à B le coût que B doit assumer pour les travaux de design, B ne peut ensuite se plaindre du comportement contradictoire de A.

 

7. A ne remplit pas dans les délais un élément déterminant prévu dans un contrat d’élaboration de logiciel avec B. B peut, en vertu du contrat, mettre fin au contrat en raison de ce manquement mais B continue à demander des modifications du logiciel, et de les payer, et agit en coopération avec A pour poursuivre le programme d’élaboration du logiciel. A continue d’exécuter sa partie du contrat sur la base de la conduite de B après le manquement de A. B ne pourra dans ces conditions exercer son droit de mettre fin au contrat pour manquement relatif à l’élément déterminant du contrat. Cependant, en vertu des Principes, B pourra accorder à A un délai supplémentaire (article 7.1.5) et exercer son droit de mettre fin au contrat si l’élément déterminant n’est pas rempli au cours de ce délai.

1) Les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti, ainsi que par les pratiques qu’elles ont établies entre elles.

 

2) Elles sont liées par tout usage qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des contrats dans la branche commerciale considérée, à moins que son application ne soit déraisonnable.

 

COMMENTAIRE

1. Pratiques et usages dans le contexte des Principes

 

Le présent article énonce le principe selon lequel les parties sont en général liées par les pratiques et les usages qui remplissent les conditions posées par l’article. Par ailleurs, ces mêmes conditions doivent être remplies par les pratiques et les usages pour qu’ils soient applicables dans les cas et pour les objectifs expressément indiqués dans les Principes. Voir par exemple les articles 2.1.6(3), 4.3 et 5.1.2.

 

2. Pratiques établies entre les parties

Une pratique établie entre les parties à un contrat donné les lie automatiquement, sauf lorsqu’elles ont exclu son application de façon expresse. La question de savoir si une pratique particulière peut être considérée comme “établie” entre les parties dépendra naturellement des circonstances de l’espèce, mais le comportement lors d’une seule opération précédente entre les parties ne suffira généralement pas.

 

Illustration

1. A, fournisseur, a accepté à plusieurs reprises des réclamations de B, client, pour des défauts quantitatifs et qualitatifs des marchandises même deux semaines après la livraison. Lorsque B dénonce un autre défaut après deux semaines, A ne peut pas objecter qu’il est trop tard puisque cela correspond à une pratique établie entre A et B qui sera pour cette raison contraignante pour A.

3. Usages auxquels les parties ont consenti

 

En prévoyant que les parties sont liées par les usages auxquels elles ont consenti, le paragraphe 1 du présent article applique simplement le principe général de la liberté contractuelle énoncé à l’article 1.1. En effet, les parties peuvent soit négocier toutes les clauses de leur contrat, soit, pour certaines questions, se référer simplement à d’autres sources y compris les usages. Les parties peuvent prévoir l’application de tout usage, y compris un usage développé dans une branche commerciale à laquelle aucune partie n’appartient ou un usage relatif à un autre type de contrat. L’on peut même concevoir que les parties décideront d’appliquer ce que l’on appelle parfois de façon erronée des usages, c’est-à-dire un ensemble de règles émanant d’une association commerciale donnée ayant pour titre “Usages”, mais qui ne reflète qu’en partie des lignes de conduite établies en général.

 

4. Autres usages applicables

 

Le paragraphe 2 pose les critères pour identifier les usages applicables en l’absence d’un accord spécifique entre les parties. Le fait que l’usage doive être “largement connu et régulièrement observé par les parties dans la branche commerciale considérée” est une condition pour l’application de tout usage, qu’il soit international ou simplement national ou local. La qualification supplémentaire “dans le commerce international” entend éviter que l’on invoque, dans des opérations effectuées avec des étrangers, les usages développés pour les transactions internes et limités à celles-ci.

 

Illustration

 

2. A, agent immobilier, invoque un usage particulier de la profession dans son pays à l’égard de B, client étranger. B n’est pas lié par un tel usage si celui-ci n’est que local et concerne un commerce qui revêt un caractère surtout national.

 

Ce n’est que de façon exceptionnelle que les usages ayant une origine purement locale ou nationale seront appliqués sans que les parties y aient fait référence. Ainsi, des usages existants dans certaines bourses de commerce, foires commerciales ou ports, devraient s’appliquer à condition qu’ils soient régulièrement suivis également à l’égard des étrangers. Une autre exception concerne le cas d’un opérateur commercial qui a déjà conclu un certain nombre de contrats similaires dans un pays étranger et qui devrait par conséquent être lié par les usages établis dans ce pays pour ces contrats.

Illustrations

 

3. A, opérateur de terminal, invoque à l’égard de B, transporteur étranger, un usage particulier du port où il est situé. B est lié par cet usage local si le port est normalement utilisé par des étrangers et si l’usage en question a été régulièrement observé à l’égard de tous les clients, où que se trouve leur établissement et quelle que soit leur nationalité.

 

4. A, agent de vente du pays X, reçoit une demande de B, l’un de ses clients dans le pays Y, d’un escompte habituel de 10% sur le paiement versé comptant. A ne peut pas s’opposer à l’application d’un tel usage parce qu’il est limité au pays Y si A a fait des affaires dans ce pays pendant un certain temps.

 

5. Application déraisonnable d’un usage

 

Un usage peut être régulièrement observé par l’ensemble du monde des affaires dans une branche commerciale considérée mais son application dans un cas donné peut néanmoins être déraisonnable. L’on peut trouver des raisons à cela dans les conditions particulières dans lesquelles une ou les deux parties travaillent et/ou dans la nature atypique de la transaction. Dans ces cas, l’usage ne sera pas appliqué.

Illustration

5. Il existe un usage dans une branche commerciale concernant un produit selon lequel l’acquéreur ne peut se prévaloir des défauts des marchandises s’ils ne sont pas dûment certifiés par une agence d’inspection reconnue sur le plan international. Lorsque A, acheteur, prend livraison des marchandises au port de destination, la seule agence d’inspection reconnue sur le plan international opérant dans ce port est en grève, et faire appel à une autre agence du port le plus proche serait excessivement coûteux. L’application de cet usage dans ce cas serait déraisonnable et A peut se prévaloir des défauts qu’il a découverts même s’ils n’ont pas été certifiés par une agence d’inspection reconnue sur le plan international.

6. Primauté des usages sur les Principes

 

Les usages, s’ils sont applicables dans un cas donné, l’emportent sur les dispositions contradictoires figurant dans les Principes parce qu’ils lient les parties en tant que clauses implicites du contrat dans son ensemble ou de simples déclarations ou autre acte de la part d’une des parties. En tant que tels, ils sont remplacés par toute clause expressément prévue par les parties mais, de la même façon qu’auparavant, ils l’emportent sur les Principes à la seule exception des dispositions qui sont spécifiquement déclarées impératives. Voir le commentaire 3 sur l’article 1.5.

1) Une notification, lorsqu’elle est requise, peut se faire par tout moyen approprié aux circonstances.

2) Elle prend effet au moment où elle parvient au destinataire.

 

3) Aux fins du paragraphe précédent, une notification parvient à son destinataire lorsqu’elle lui est faite verbalement ou est délivrée à son établissement ou à son adresse postale.

 

4) Aux fins du présent article, le terme “notification” s’applique aussi à une déclaration, demande, requête ou autre communication d’intention.

 

COMMENTAIRE

1. Forme de la notification

Le présent article pose le principe selon lequel la notification ou tout autre type de communication d’intention (déclarations, demandes, requêtes, etc.) exigés par certaines dispositions des Principes ne sont soumis à aucune condition particulière quant à la forme, mais peuvent se faire par tout moyen approprié aux circonstances. La question de savoir quels moyens seront appropriés dépend des circonstances réelles de l’espèce, notamment de la disponibilité et de la fiabilité des divers modes de communication, et de l’importance et/ou de l’urgence du message à transmettre. Pour qu’une notice électronique soit “appropriée aux circonstances”, le destinataire doit consentir, de façon expresse ou implicite, à recevoir des communications électroniques de la façon dont la notification a été envoyée par l’expéditeur, à savoir du même type, dans le même format et à la même adresse. Le consentement du destinataire peut être déduit de ses déclarations ou de son comportement, des pratiques établies entre les parties ou des usages applicables.

Illustrations

 

1. Le vendeur A et l’acheteur B ont des relations d’affaires de longue date au cours desquelles ils ont toujours négocié et conclu leurs contrats par téléphone. En découvrant un défaut dans les marchandises fournies à une occasion, B notifie immédiatement à A le défaut en question par courrier électronique. A, qui ne lit pas ses messages régulièrement et n’avait aucune raison d’attendre un courrier électronique de B, découvre la notification de B trois semaines après qu’elle ait été envoyée et la rejette parce que tardive. B ne peut objecter qu’il avait notifié promptement le défaut puisque la notification n’a pas été faite par un moyen approprié aux circonstances.

 

2. Le vendeur A et l’acheteur B ont des relations d’affaires de longue date au cours desquelles ils ont toujours communiqué par des moyens électroniques. En découvrant un défaut dans les marchandises fournies à une occasion, B notifie immédiatement à A le défaut en question par courrier électronique à une adresse différente de celle habituellement utilisée. A, qui n’avait aucune raison d’attendre un message de B à cette adresse, découvre la notification de B trois semaines après qu’elle ait été envoyée et la rejette parce que tardive. B ne peut objecter qu’il avait notifié promptement le défaut puisque la notification n’a pas été faite par un moyen approprié aux circonstances.

2. Principe de la réception

 

Les Principes adoptent, à l’égard de tout type de notification, ce que l’on appelle le principe de la “réception”, c’est-à-dire que la notification ne prend effet que lorsqu’elle parvient à la personne à laquelle elle est destinée. Pour certaines communications, ceci est prévu de façon expresse dans les dispositions traitant de la question: voir les articles 2.1.3(1), 2.1.3(2), 2.1.5, 2.1.6(2), 2.1.8(1), 2.1.10, 9.1.10 et 9.1.11. Le paragraphe 2 du présent article a pour objectif d’indiquer qu’il en sera de même en l’absence de déclaration expresse à cet effet: voir les articles 2.1.9, 2.1.11, 2.2.9, 3.13, 3.14, 6.1.16, 6.2.3, 7.1.5, 7.1.7, 7.2.1, 7.2.2, 7.3.2, 7.3.4 et 8.3.

 

3. Le principe de l’expédition doit être expressément prévu

 

Les parties restent évidemment libres de prévoir de façon expresse l’application du principe de l’expédition. Celui-ci peut être approprié en particulier en ce qui concerne la notification qu’une partie doit faire pour préserver ses droits dans des cas d’inexécution réelle ou prévue et lorsqu’il ne serait pas juste de faire incomber le risque de perte, d’erreur ou de retard dans la transmission du message à la première partie. Ceci est d’autant plus vrai si l’on a à l’esprit les difficultés qui peuvent survenir sur le plan international lorsqu’on doit prouver la réception effective d’une notification.

4. “Parvient”

 

Il est important, en relation avec le principe de la réception, de déterminer avec précision le moment où la communication en question “parvient” au destinataire. En essayant de définir le concept, le paragraphe 3 du présent article fait la distinction entre les communications faites verbalement et les autres. La première “parvient” au destinataire si elle lui est adressée personnellement ou à une autre personne autorisée par lui. La deuxième “parvient” au destinataire dès qu’elle lui est faite personnellement ou est délivrée à son établissement ou à son adresse postale (électronique). Cette communication particulière n’a pas besoin de parvenir entre les mains du destinataire ou d’être effectivement lue par le destinataire. Il suffit qu’elle soit prise par un employé du destinataire autorisé à l’accepter, qu’elle soit placée dans la boîte aux lettres du destinataire, ou qu’elle parvienne sur le télécopieur, le télex ou, en cas de communications électroniques, qu’elle soit entrée sur le serveur de ce dernier (voir, par exemple, l’article 15(2) de la Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996).

Aux fins de ces Principes:

 

–  le terme “tribunal” s’applique au tribunal arbitral;

– lorsqu’une partie a plus d’un établissement, l’ “établissement” à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution, eu égard aux circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat;

–  le terme “débiteur” désigne la partie qui est tenue d’exécuter l’obligation et le terme “créancier” désigne la partie qui peut en réclamer l’exécution;

 

–  le terme “écrit” s’entend de tout mode de communication qui permet de conserver l’information qui y est contenue et qui est de nature à laisser une trace matérielle.

COMMENTAIRE

1. Tribunaux judiciaires et tribunaux arbitraux

 

L’importance des Principes pour le règlement des différends par l’arbitrage a déjà été soulignée (voir ci-dessus les commentaires sur le Préambule). Afin toutefois d’éviter une lourdeur de langage inutile, seul le terme “tribunal” est utilisé dans le texte des Principes, étant entendu qu’il recouvre les tribunaux arbitraux ainsi que les tribunaux judiciaires.

2. Partie ayant plus d’un établissement

 

Au sens des Principes, l’établissement d’une partie est pertinent dans un certain nombre de contextes tels que l’endroit où délivrer les notifications (article 1.10(3)), une extension possible du moment de l’acceptation parce que le dernier jour est un jour férié (article 1.12 ), le lieu de l’exécution (article 6.1.6) et la détermination de la partie qui devrait demander l’autorisation (article 6.1.14(a)).

 

En ce qui concerne une partie ayant de multiples établissements (normalement un siège central et diverses agences), le présent article pose la règle selon laquelle l’établissement à prendre en considération est celui qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution. Le texte ne dit rien dans le cas où le lieu où le contrat a été conclu est différent du lieu d’exécution, mais dans un tel cas, c’est le lieu d’exécution qui semble le plus pertinent. Dans la détermination de l’établissement qui a la relation la plus étroite avec le contrat et son exécution, il faut tenir compte des circonstances connues des parties ou envisagées par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la conclusion du contrat. Des faits connus d’une seule partie ou dont les parties n’auraient connaissance qu’après la conclusion du contrat ne peuvent pas être pris en considération.

 

3. “Débiteur” – “créancier”

 

Lorsque cela est nécessaire, afin de mieux identifier la partie qui exécute la prestation et la partie qui bénéficie de l’exécution des obligations, les termes “débiteur” et “créancier” sont utilisés, qu’il s’agisse d’une obligation de somme d’argent ou d’une obligation non pécuniaire.

 

4. “Ecrit”

 

Dans certains cas, les Principes font référence à un “écrit” ou à un “contrat écrit”. Voir les articles 2.1.12, 2.1.17 et 2.1.18. Les Principes définissent cette condition de forme en termes fonctionnels. Ainsi, un écrit comprend non seulement un télégramme mais aussi tout autre mode de communication, y compris les communications électroniques, qui permet de conserver l’information qui y est contenue et qui peut laisser une trace matérielle. Il faudrait comparer cette condition de forme avec la forme plus souple de la “notification”. Voir l’article 1.10(1).

1) Les jours fériés ou chômés qui tombent pendant que court le délai fixé par les parties pour l’accomplissement d’un acte sont comptés dans le calcul de ce délai.

 

2) Toutefois, le délai qui expirerait un jour qui est férié ou chômé au lieu d’établissement de la partie qui doit accomplir un acte, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, à moins que les circonstances n’indiquent le contraire.

 

3) La zone horaire est celle du lieu d’établissement de la partie qui fixe le délai, à moins que les circonstances n’indiquent le contraire.

 

COMMENTAIRE

 

Les parties peuvent, de façon unilatérale ou conventionnelle, fixer un délai pour l’accomplissement de certains actes. Voir, par exemple, les articles 2.1.7, 2.2.9(2) et 10.3.

 

En fixant le délai, les parties peuvent indiquer simplement soit une période de temps (par exemple “les défauts dans les marchandises doivent être notifiés au plus tard dix jours à compter de la livraison”), soit une date précise (par exemple “l’offre est ferme jusqu’au premier mars”).

 

Dans le premier cas de figure, la question qui se pose est celle de savoir si les jours fériés ou chômés qui tombent pendant que court le délai sont comptés dans le calcul de ce délai et, conformément au paragraphe 1 du présent article, la réponse est affirmative.

 

Dans les deux cas susmentionnés, la question pourrait se poser de savoir quel serait l’effet d’un jour férié ou chômé qui tomberait à l’expiration du délai fixé au lieu d’établissement de la partie qui doit accomplir l’acte. Le paragraphe 2 prévoit que, dans une telle éventualité, le délai est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, à moins que les circonstances n’indiquent le contraire.

 

Enfin, lorsque les parties sont situées dans des zones horaires différentes, la question se pose de savoir quelle est la zone horaire pertinente et, conformément au paragraphe 3, la zone est celle du lieu d’établissement de la partie qui fixe le délai, à moins que les circonstances n’indiquent le contraire.

Illustrations

1. Un contrat de vente prévoit que l’acheteur A doive notifier le défaut des marchandises dans un délai de 10 jours à compter de la livraison. Les marchandises sont livrées le vendredi 16 décembre. A notifie les défauts le lundi 2 janvier et le vendeur B rejette la notification parce que hors délai. A ne peut pas faire valoir que les jours fériés et chômés qui tombaient entre le 16 décembre et le 2 janvier ne devraient pas être comptés dans le calcul du délai de dix jours.

 

2. L’auteur de l’offre A indique que son offre est ferme jusqu’au premier mars. Le destinataire de l’offre B l’accepte le 2 mars parce que le premier était un jour férié au lieu de son établissement. A ne peut pas faire valoir l’expiration du délai fixé pour l’acceptation le premier mars.

 

3. L’auteur de l’offre A envoie une offre à B par courrier électronique un samedi en indiquant que l’offre est ferme pendant 24 heures. Si B entend accepter, il doit le faire dans les 24 heures, même si le délai expire un dimanche car, vu les circonstances, le délai fixé par A devait s’entendre comme absolu.

 

4. Les faits sont identiques à ceux de l’Illustration 2, à la différence que A est situé à Francfort et B à New York, et que le délai fixé pour l’acceptation est “au plus tard 17 heures le lendemain”. A doit accepter avant 17 heures, horaire de Francfort.

 

5. Une charte-partie conclue entre le propriétaire A situé à Tokyo, et l’affréteur B situé à Koweit City, prévoit le paiement du fret par B à la banque de A à Zurich en Suisse à une date précise, au plus tard à 17 heures. La zone horaire pertinente n’est ni celle de A, ni celle de B, mais celle de Zurich où le paiement est dû.