CHAPITRE 10

CHAPITRE 10 - DÉLAIS DE PRESCRIPTION

1) Les droits régis par ces Principes ne peuvent plus être exercés après l’expiration d’un certain laps de temps, appelé “délai de prescription”, selon les règles du présent Chapitre.

2) Le présent Chapitre ne régit pas le délai pendant lequel, en vertu de ces Principes, une partie doit, pour acquérir ou exercer son droit, adresser une notification à l’autre partie ou accomplir un acte autre que l’engagement d’une procédure.

COMMENTAIRE

1. Notion de prescription

Tous les systèmes reconnaissent l’influence qu’exerce l’écoulement du temps sur les droits. Il existe deux systèmes de base. En vertu de l’un, l’écoulement du temps éteint les droits et les actions. En vertu de l’autre système, l’écoulement du temps n’est qu’un moyen de défense à invoquer lors d’une action en justice. En vertu des Principes, l’expiration d’un délai n’éteint pas les droits, mais ne constitue qu’un moyen de défense (voir l’article 10.9).

Le présent article se réfère, en général, aux “droits régis par ces Principes” pour indiquer que l’on peut être empêché d’exercer non seulement le droit d’exiger l’exécution ou le droit à une autre mesure en cas d’inexécution, mais aussi d’exercer des droits qui touchent directement le contrat comme le droit de mettre fin au contrat ou un droit de réduction de prix convenu par contrat.

 

Illustrations

1. A vend un navire-citerne à B. A la livraison, on découvre que le navire n’est pas conforme aux caractéristiques prévues au contrat, mais ce n’est que trois ans et demi plus tard que B intente une action contre A pour remédier aux défauts. A peut soulever comme moyen de défense que la revendication de B est prescrite en vertu de l’article 10.2.

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici le contrat entre A et B contient une clause qui consent à B une réduction de prix allant jusqu’à 30% en cas de matériel d’équipement ou de pièces de rechange manquants. B ne peut plus exercer son droit à la réduction de prix.

2. Obligations de notifier et autres conditions pour faire valoir des droits

 

Des droits peuvent être perdus en vertu des Principes si la partie autorisée à acquérir ou exercer un droit ne notifie pas ou n’accomplit pas un acte pendant un délai raisonnable, sans retard indu, ou dans un autre délai fixé (voir les articles 2.1.1 – 2.1.22 (communications dans le cadre de la formation du contrat), l’article 3.15 (annulation du contrat pour vices du consentement), l’article 6.2.3 (demande de renégociation), l’article 7.2.2(e) (demande d’exécution), l’article 7.3.2(2) (résolution du contrat pour inexécution)). Bien qu’ils aient une fonction similaire aux délais de prescription, ces délais spéciaux et leurs effets ne sont pas affectés par les délais de prescription prévus au présent Chapitre parce qu’ils visent à répondre à des besoins particuliers. En général bien plus courts que les délais prévus dans le présent Chapitre, ils produisent des effets sans tenir compte de ces délais. Dans le cas exceptionnel où un “délai raisonnable” serait plus long que le délai de prescription applicable, le premier l’emportera.

Illustration

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici B fixe alors un délai supplémentaire de 60 jours pour remédier. A ne remédie pas aux manquements, mais ce n’est que deux mois après l’expiration du délai supplémentaire fixé que B envoie à A une notification de résolution en vertu de l’article 7.3.2. Bien que la revendication de B ne soit pas prescrite en vertu de l’article 10.2, il a perdu le droit de résoudre le contrat parce qu’il n’a pas notifié la résolution dans un délai raisonnable comme l’exige l’article 7.3.2(2).

 

3. Règles impératives de droit interne

Dans les cas où la référence aux Principes faite par les parties est considérée seulement comme un accord visant à les incorporer dans le contrat, les règles impératives d’origine nationale, internationale ou supranationale relatives à la durée des délais de prescription, à leur suspension ou leur renouvellement, ainsi qu’au droit des parties de les modifier, l’emportent sur les règles posées au présent Chapitre (voir le Commentaire 2 à l’article 1.4). Même dans les cas où les Principes sont appliqués en tant que loi régissant le contrat, les règles impératives nationales relatives aux délais de prescription l’emportent sur les règles posées au présent Chapitre, à condition toutefois qu’elles prévoient leur application quelle que soit la loi régissant le contrat (voir le Commentaire 3 à l’article 1.4).

Illustration

4. Le vendeur A dans le pays X vend et livre des pièces détachées à un constructeur automobile B dans le pays Y. Quelques pièces sont défectueuses et, dans l’année qui suit la livraison, les défauts causent des accidents pour lesquels B est tenu de verser des dommages-intérêts. Quatre ans plus tard, B demande à A d’être indemnisé pour ses frais encourus. A refuse de payer. Le contrat prévoit une procédure d’arbitrage dans le pays Z avec les Principes d’UNIDROIT comme loi applicable. Dans la procédure engagée par B, A oppose l’expiration du délai de prescription de trois ans prévu à l’article 10.2. B répond que, en vertu de la loi du pays X, une action en dommages-intérêts n’est prescrite qu’après cinq ans et qu’il s’agit là d’une règle applicable indépendamment de la loi régissant le contrat. Cette règle du droit du pays X l’emporte.

1) Le délai de prescription de droit commun est de trois ans à partir du lendemain du jour où le créancier a connu ou devait connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

2) En toute hypothèse, le délai maximum de prescription est de dix ans à partir du lendemain du jour où le droit pouvait être exercé.

COMMENTAIRE

1. Pas de solution commune

Bien que les délais de prescription des droits et actions soient communs à tous les systèmes juridiques, ils diffèrent quant à leur durée. Celle-ci s’étend de six mois ou un an pour les actions en garantie, jusqu’à 15, 20 ou même 30 ans pour d’autres actions. Sur le plan international, la Convention des Nations Unies de 1974 sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises (telle qu’amendée en 1980) (ci-après : la “Convention des Nations Unies sur la prescription”) propose des règles uniformes, mais elle est restreinte à la vente internationale de marchandises.

2. Eléments pertinents

La durée fixée du délai de prescription ne détermine pas toujours en soi le moment après lequel les droits sont prescrits. Les conditions préalables au commencement du délai ou les circonstances qui ont des effets sur son écoulement (voir les articles 10.4 à 10.9) peuvent avoir une incidence sur ce moment, tout comme un accord entre les parties (voir l’article 10.3). L’autonomie des parties à propos des délais de prescription revêt une grande importance pratique, parce que des délais trop longs ou trop courts peuvent être tolérables si les parties peuvent les modifier librement, selon leurs besoins.

3. Equilibre entre les intérêts du créancier et du débiteur

Les Principes trouvent un équilibre entre les intérêts du créancier et du débiteur d’une créance à l’état latent. Le créancier devrait avoir une chance raisonnable d’exercer son droit, et ne devrait pas en être empêché par l’expiration d’un délai avant l’exigibilité du droit. En outre, le créancier devrait connaître ou avoir au moins une chance de connaître l’existence de son droit et l’identité du débiteur. Par ailleurs, le créancier devrait pouvoir fermer ses dossiers après un certain temps, indépendamment de la connaissance du débiteur, et il faudrait donc établir un délai maximum.

 

Contrairement à la Convention des Nations Unies sur la prescription qui n’a qu’un seul délai absolu de quatre ans qui court à partir de la date à laquelle l’action peut être exercée (voir les articles 8 et 9(1)), les Principes prévoient un système dualiste.

 

4. Structure de base du régime de prescription

Le système dualiste met en œuvre la règle selon laquelle le créancier ne devrait pas se voir opposer la prescription avant d’avoir eu une véritable possibilité d’exercer son droit résultant d’une connaissance réelle ou présumée de son droit. Ainsi, le paragraphe 1 prévoit un délai de prescription assez court de trois ans à compter du moment où le créancier connaît ou doit connaître les faits sur lesquels repose son droit et lui permettant de l’exercer. Le paragraphe 2 prévoit quant à lui un délai maximum de dix ans à compter du moment où le droit pouvait être exercé, indépendamment de la connaissance réelle ou présumée du créancier.

5. Exercice du droit

Le créancier n’a une véritable possibilité d’exercer son droit que si le droit est exigible. Le paragraphe 2 indique par conséquent que le délai de prescription maximum ne commence à courir qu’à la date à laquelle le droit peut être exercé.

6. Connaissance des faits par opposition à connaissance du droit

Le délai de prescription de droit commun de trois ans court à partir du lendemain du jour “où le créancier a connu ou devait connaître les faits lui permettant d’exercer son droit”. Les “faits”, au sens de la présente disposition, sont les faits sur lesquels se fondent le droit, comme la formation d’un contrat, la livraison des marchandises, la prestation de services, et l’inexécution. Les faits indiquant qu’un droit ou une créance est exigible doivent être connus ou au moins susceptibles d’être connus du créancier avant que le délai de prescription de droit commun ne commence à courir. Il peut aussi y avoir un doute sur l’identité du débiteur, par exemple, en cas de représentation, de cession de dettes ou de contrats, de dissolution de sociétés ou d’obscurs contrats au bénéfice de tiers. Dans ces cas, le créancier doit connaître ou avoir des motifs de connaître la personne contre laquelle engager une action avant que l’on ne puisse lui reprocher de ne pas avoir exercé son droit ou son action. La connaissance réelle ou présumée des “faits” ne signifie pas cependant que le créancier doive connaître les conséquences juridiques de ces faits. Si, malgré une parfaite connaissance des faits, il se trompe sur ses droits, le délai de prescription de trois ans commencera néanmoins à courir.

Illustrations

1. A dessine et construit un pont en vertu d’un contrat avec le pays B. Les ingénieurs de A font une erreur en calculant la résistance de certaines poutres en acier. Quatre ans plus tard, le pont s’écroule en raison de la combinaison du poids de quelques camions très lourds et d’une tempête. L’action de B en dommages-intérêts n’est pas prescrite parce que le délai de droit commun ne commence à courir qu’au moment de l’écroulement, lorsque B était en mesure de découvrir la faute de A.

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici le pont s’écroule onze ans après sa construction. L’action de B est prescrite en vertu du délai maximum de prescription prévu à l’article 10.2(2). Les parties à un tel contrat seront bien avisées d’ajuster le délai maximum, tout en restant dans les limites de l’article 10.3.

3. A envoie à B une notification en vertu de l’article 7.3.2 mettant fin à un contrat de vente entre A et B, parce que B refuse de prendre livraison des marchandises offertes par A. Trente-sept mois après réception de la notice de résolution, B demande la restitution d’une avance sur le prix d’achat payé avant la résolution. B soutient qu’en raison d’une erreur dans sa comptabilité il avait oublié le paiement de cette avance et que, en conséquence, il n’a eu conscience que récemment de l’action en restitution dont il disposait en vertu de l’article 7.3.6(1). L’action en restitution de B est prescrite par le délai de droit commun de trois ans parce que B devait avoir connaissance de son paiement lorsque le contrat a été résolu et que son action en restitution de l’avance pouvait être exercée.

4. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici B invoque ne s’être pas rendu compte des effets juridiques de la notification de résolution. L’action en restitution de B est néanmoins prescrite. Une erreur de droit concernant les effets juridiques d’une notification de résolution ne décharge pas le créancier parce que l’expression “aurait dû connaître” comprend la recherche de conseils juridiques si la partie n’est pas très sûre des effets juridiques des circonstances.

7. Point de départ du délai

Puisqu’en l’absence d’accord contraire, le débiteur peut généralement exécuter son obligation pendant toute la journée où la dette arrive à échéance, le délai de prescription ne commence pas à courir le même jour, mais seulement le lendemain.

Illustration

5. A est obligé de payer une somme d’argent le 24 novembre. Si A ne procède pas au paiement à cette date, le délai de prescription commence à courir à partir du 25 novembre.

8. Le droit doit pouvoir être exercé

Une obligation peut exister sans être encore exigible (voir, par exemple, l’article 6.1.1.(a)). Si la créance d’un créancier pour le remboursement d’un prêt se fonde sur le contrat et peut donc naître au moment de la conclusion du contrat ou du paiement du prêt au débiteur, l’action en remboursement viendra normalement à échéance bien plus tard. Par ailleurs, on ne peut exercer un droit si le débiteur oppose un moyen de défense.

Illustrations

6. Un prêt oblige l’emprunteur à rembourser le 15 novembre. Le prêteur octroie à l’emprunteur une prorogation de la date du remboursement au 15 décembre. Le délai de prescription commencera à courir le 16 décembre.

7. A conclut un contrat avec B pour la construction d’une usine d’engrais. Le prix doit être payé en trois versements, le dernier étant dû quatre semaines après la fin des travaux telle qu’elle aura été certifiée par une société d’ingénierie. Après la certification, il y a encore des défaillances au sein de l’usine. B peut différer le paiement du dernier versement en vertu des articles 7.1.3(2) et 7.1.4(4). Le délai de prescription de l’action en paiement ne commence pas à courir avant que le droit de différer le paiement ne soit éteint du fait que les défaillances ont été corrigées.

9. Délai maximum

En vertu du paragraphe 2, le créancier ne peut plus exercer son droit dix ans après la date à laquelle il aurait pu l’exercer, indépendamment du fait de savoir s’il connaissait ou devait connaître les faits ayant donné naissance à son droit. Ce délai maximum de dix ans répond aux objectifs de rétablissement de la paix et de prévention de spéculation dans le règlement des litiges lorsque la preuve a disparu.

Illustration

8. B emprunte de l’argent à A et donne l’ordre à son comptable de rembourser le prêt lorsque le remboursement arrive à échéance en janvier. Quinze ans plus tard, un litige survient sur la question de savoir si le remboursement a eu lieu en totalité ou en partie seulement, comme le prétend A. L’action de A est prescrite en vertu de l’article 10.2(2), en raison de l’expiration du délai maximum de prescription.

10. Créances accessoires

Le présent article s’applique à tous les droits, y compris ceux que l’on appelle les “créances accessoires”.

 

Illustrations

9. Dans une convention de prêt, l’emprunteur accepte de payer un intérêt de 0,7% par mois en cas de manquement dans le remboursement. Trente-cinq mois après l’échéance du remboursement, l’emprunteur rembourse le capital. Le prêteur n’a pas besoin d’agir pour tous les versements mensuels successifs des intérêts en une seule fois, il peut attendre jusqu’à trente six mois pour chaque versement avant qu’il n’y ait prescription.

10. En vertu d’un contrat entre le constructeur A et le propriétaire B, A accepte d’achever la construction le 1er octobre et de payer 50.000 EUR par mois de retard jusqu’à un maximum de 2.500.000 EUR. L’achèvement est retardé de 40 mois. Les actions en indemnisation pour inexécution ou retard sont prescrites 36 mois après le 2 octobre. L’action en recouvrement de la pénalité mensuelle est prescrite 36 mois après que cette action puisse être exercée.

11. “Année”

Le présent article ne donne aucune définition de l’ “année” parce que, sur le plan international, une référence à l’ “année” signifie habituellement une référence au calendrier grégorien (voir l’article 1(3)(h) de la Convention des Nations Unies sur la prescription). De toute façon, la plupart des calendriers qui s’éloignent du calendrier grégorien ont le même nombre de jours dans l’année et n’ont donc pas d’influence sur la durée des délais de prescription. Les parties peuvent se mettre d’accord sur un autre sens à donner au terme “année” en vertu de l’article 1.5. Un tel accord peut être explicite ou résulter de l’interprétation du contrat.

1) Les parties peuvent modifier les délais de prescription.

2) Toutefois, elles ne peuvent pas

a) abréger le délai de prescription de droit commun à moins d’un an;

b) abréger le délai maximum de prescription à moins de 4 ans;

c) allonger le délai maximum de prescription à plus de 15 ans.

COMMENTAIRE

1. Décision de base: les modifications sont possibles

Dans certains systèmes juridiques, la possibilité pour les parties de modifier les délais de prescription et leurs effets est limitée afin de protéger la partie la plus faible et notamment les consommateurs. Une distinction existe parfois entre les délais de prescription très courts, que l’on peut prolonger, et d’autres délais de prescription que l’on ne peut pas modifier ou que l’on peut seulement abréger. Puisque les Principes s’appliquent généralement aux contrats internationaux conclus entre opérateurs expérimentés et personnes averties qui n’ont pas besoin d’être protégées, ils permettent aux parties d’adapter les délais de prescription applicables aux droits nés de leur contrat à leurs besoins dans un cas précis. Les règles impératives de la loi applicable (voir l’article 1.4) peuvent limiter l’autonomie des parties à cet égard.

2. Limites des modifications

Il est, cependant, possible qu’une partie ayant un pouvoir de négociation supérieur ou une meilleure information puisse en tirer un avantage sur l’autre partie en abrégeant ou en allongeant de façon excessive le délai de prescription. Le présent article limite donc le pouvoir d’abréger le délai de prescription de droit commun en précisant qu’il ne peut être abrégé à moins d’un an à compter du moment de la connaissance réelle ou présumée. De même, le délai maximum de prescription ne peut être abrégé à moins de quatre ans. Le délai maximum de prescription et, nécessairement, le délai de droit commun ne peuvent excéder quinze ans.

Illustrations

1. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2 à l’article 10.2, mais ici les parties ont prévu dans leur contrat que le délai maximum de prescription pour toutes les actions fondées sur des vices cachés est de quinze ans. L’action de B en dommages-intérêts n’est pas encore prescrite.

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2 à l’article 10.2, mais ici les parties ont prévu dans leur contrat que le délai maximum de prescription pour toutes les actions fondées sur des vices cachés est de vingt-cinq ans et le pont s’est écroulé après seize ans. L’action de B en dommages-intérêts est prescrite parce que le délai maximum de prescription ne peut être étendu qu’à quinze ans.

 

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2 à l’article 10.2, mais ici les parties ont prévu dans leur contrat que le délai de prescription de droit commun en cas de dommage résultant de la non-conformité du pont ne commence à courir que lors de la soumission d’un rapport écrit d’experts travaillant pour une société d’ingénierie. Après l’écroulement du pont, il n’y a pas de certitude quant aux causes et les experts mettent deux ans avant de soumettre leur rapport. Le délai de prescription de droit commun ne commence à courir que le lendemain du jour où le rapport a été soumis.

3. Moment de la modification

On peut convenir d’une modification avant ou après le commencement d’un délai de prescription. Une modification décidée avant ou après le commencement d’un délai de prescription est différente d’un accord conclu après l’expiration du délai de prescription. Un tel accord intervient trop tard pour modifier le délai de prescription applicable, mais il peut avoir des effets juridiques, soit comme renonciation au moyen de défense de l’expiration du délai, soit comme une nouvelle promesse du débiteur.

1) Lorsque, avant l’expiration du délai de prescription de droit commun, le débiteur reconnaît le droit du créancier, un nouveau délai de prescription de droit commun court à partir du lendemain du jour de la reconnaissance.

 

2) Le délai maximum de prescription demeure inchangé, mais il peut être dépassé par le cours d’un nouveau délai de prescription de droit commun visé au paragraphe 1 de l’article 10.2.

COMMENTAIRE

1. Reconnaissance des droits

La plupart de systèmes juridiques permettent que des actes des parties ou d’autres circonstances puissent modifier le cours du délai de prescription. Parfois, des actes des parties ou d’autres circonstances “interrompent” l’écoulement du délai avec, pour conséquence, qu’un nouveau délai de prescription commence à courir. Parfois, des actes ou d’autres circonstances “suspendent” l’écoulement du délai avec, pour conséquence, que la période de suspension n’est pas comptée dans le calcul du délai de prescription. En vertu du présent article, la reconnaissance d’un droit par le débiteur entraîne une interruption du délai de prescription (voir également l’article 20 de la Convention des Nations Unies sur la prescription).

2. Commencement d’un nouveau délai de prescription de droit commun

Le nouveau délai de prescription qui commence à courir après la reconnaissance du droit du créancier est le délai de droit commun, parce que, de par cette reconnaissance, le créancier aura nécessairement la connaissance requise pour le commencement du délai en vertu de l’article 10.2(1). Il n’est donc pas nécessaire de protéger le créancier en lui accordant un nouveau délai maximum de prescription.

Illustration

1. A exécute mal son contrat de construction avec B et B informe A des défauts en octobre sans recevoir de réponse de A. Deux ans plus tard B contacte A à nouveau et le menace d’intenter une action en dommages-intérêts. Cette fois, A répond et reconnaît les défauts dans l’exécution de sa prestation en promettant de les corriger. Le lendemain, un nouveau délai de droit commun commence à courir pour l’action en dommages-intérêts de B.

Le commencement d’un nouveau délai de droit commun suite à la reconnaissance d’un droit peut avoir lieu, soit pendant le délai de droit commun en vertu de l’article 10.2(1), soit pendant le délai maximum en vertu de l’article 10.2(2). Même si l’on admet que le délai maximum en soi ne recommencera pas à courir, le nouveau délai de droit commun pourra excéder le délai maximum d’une période pouvant aller jusqu’à trois ans si le débiteur reconnaît le droit du créancier après plus de sept ans, mais avant l’expiration du délai maximum de prescription.

Illustration

 

2. B découvre les vices de construction des travaux de A seulement neuf ans après l’achèvement des travaux. Les vices n’auraient pu être découverts plus tôt. B menace d’engager une procédure et A reconnaît les vices. Un nouveau délai de droit commun commence à courir lors de la reconnaissance, portant ainsi la durée totale du délai de prescription à douze ans.

3. Novation et autres actes créant une nouvelle obligation

La reconnaissance ne crée pas une nouvelle obligation, elle interrompt simplement le cours du délai de prescription. Les droits accessoires ne sont donc pas éteints. Par conséquent, si le délai de prescription est arrivé à expiration, une simple reconnaissance en vertu du présent article ne révoque ni n’invalide rétroactivement ce moyen de défense.

Illustration

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2, mais ici B a ou doit avoir connaissance des vices au moment de l’achèvement des travaux. B contacte A seulement sept ans plus tard et A reconnaît les vices. L’action de B est, néanmoins, déjà prescrite en vertu de l’article 10.2(1) et n’est pas rétablie par la reconnaissance de A.

Si les parties souhaitent annuler les effets d’un délai de prescription arrivé à expiration, elles peuvent créer une nouvelle obligation par “novation”; le débiteur peut aussi le faire par un acte unilatéral de sa part ou en renonçant à invoquer le moyen de défense de l’expiration du délai de prescription. Les parties peuvent également prolonger la durée du droit du créancier au-delà de la fin du délai maximum de prescription en vertu de l’article 10.2(2).

Illustrations

4. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 3, mais ici A, pour garder une relation d’affaires fructueuse, non seulement reconnaît les vices, mais promet également de les corriger indépendamment de toute question relative à sa responsabilité. Cet accord crée une nouvelle obligation pour A qui ne sera prescrite que trois ans plus tard.

5. Neuf ans après l’achèvement des travaux de A, B découvre des vices de construction qui n’auraient pas pu être découverts plus tôt. Averti par notification, A répond qu’il mènera une enquête sur les causes des vices et qu’il renoncera à invoquer le délai de prescription pendant les six mois qui suivront la soumission du rapport des experts. Le rapport est soumis douze mois plus tard et confirme les vices notifiés par B. Lorsque B demande à A de corriger les vices, A invoque l’expiration du délai maximum de l’article 10.2(2) avec pour effet que B ne peut plus intenter d’action en dommages-intérêts. L’argument de A est injustifiable si B s’est abstenu d’engager une procédure judiciaire en raison de la renonciation de A.

4. Interruption des délais de prescription modifiée par les parties

Dans la mesure où les parties ont modifié le délai de prescription de droit commun en vertu de l’article 10.2(1), la reconnaissance et le commencement d’un nouveau délai de prescription ont des effets sur le délai de droit commun tel que modifié. Si, par exemple, les parties ont abrégé le délai de droit commun à un an, la reconnaissance entraîne le commencement d’un nouveau délai d’une année.

Illustration

6. A et B ont convenu d’abréger le délai de prescription pour les actions fondées sur le défaut de conformité dans l’exécution de la prestation de A à deux ans. Neuf ans et demi plus tard, B découvre les défauts dans l’exécution de la prestation de A et A reconnaît son obligation de les corriger. B a encore deux ans pour intenter son action avant qu’elle ne soit prescrite en vertu de l’article 10.2(1).

Etant donné que le débiteur peut reconnaître un droit plus d’une fois, l’effet limité d’une reconnaissance qui ne fait que faire repartir le délai de prescription de droit commun, peut être surmonté par une reconnaissance subséquente. Illustration

7. A livre des marchandises non conformes à B en novembre. B subit un préjudice du fait de cette non-conformité parce que ses clients se plaignent et renvoient les marchandises. Deux ans plus tard, le montant total du préjudice n’étant pas encore déterminé, B fait pression sur A pour qu’il reconnaisse sa responsabilité et, en décembre de cette année, A procède à la reconnaissance. Deux ans plus tard, il y a encore des incertitudes quant à l’étendue exacte des obligations de B à l’égard de ses clients dont certains ont intenté une action en indemnisation pour dommages indirects prétendument causés par les marchandises. B revient vers A qui reconnaît son obligation d’indemniser B si les revendications des clients de B s’avèrent fondées. B a trois ans de plus avant que ses actions contre A soient prescrites.

1) Le délai de prescription est suspendu

a) lorsque le créancier, en intentant une procédure judiciaire ou au cours d’une procédure judiciaire déjà engagée, accomplit tout acte qui, d’après la loi de la juridiction saisie, est considéré comme faisant valoir son droit envers le débiteur;

b) lorsque le créancier, en cas d’insolvabilité du débiteur, fait valoir son droit dans la procédure d’insolvabilité; ou

c) lorsque le créancier, en cas de procédure en dissolution de l’entité débitrice, fait valoir son droit dans cette procédure.

2) La suspension se prolonge jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue ou que la procédure ait pris fin d’une autre façon.

COMMENTAIRE

1. Procédure judiciaire

Dans tous les systèmes juridiques, la procédure judiciaire a des effets sur l’écoulement du délai de prescription de deux façons. Une procédure judiciaire peut causer l’interruption du délai de prescription et, dans ce cas, un nouveau délai commence à courir lorsque la procédure judiciaire prend fin. De façon alternative, la procédure judiciaire peut entraîner seulement la suspension du délai et, dans ce cas, le délai déjà couru avant l’ouverture des procédures sera déduit du délai applicable, le délai restant commençant à courir à la fin de la procédure. Le présent article adopte la dernière solution (voir également l’article 13 de la Convention des Nations Unies sur la prescription).

2. Ouverture de la procédure

Les conditions pour l’ouverture de la procédure judiciaire sont fixées par la loi de procédure du tribunal auprès duquel la procédure est engagée. La loi de procédure du tribunal saisi détermine également si le fait de soulever une demande reconventionnelle équivaut à engager une procédure judiciaire en ce qui concerne ces demandes: lorsque les demandes reconventionnelles soulevées comme moyen de défense sont considérées comme si elles étaient faites dans une procédure séparée, le fait de les soulever a le même effet sur le délai de prescription que si elles étaient faites de façon indépendante.

Illustrations

1. A achète à B un camion qui s’avère défectueux. A notifie à B les défauts mais, en raison d’autres contrats en cours entre A et B, A n’insiste pas sur la question pendant 24 mois. Lorsque les négociations entre A et B portant sur d’autres contrats échouent, B rejette la demande de A de corriger les défauts en invoquant que les problèmes résultent de la mauvaise utilisation du camion par A. A engage une procédure contre B en déposant l’acte introductif d’instance auprès du greffier du tribunal compétent, ce qui est estimé suffisant en vertu du droit de procédure applicable dans cette juridiction. Le délai de prescription est suspendu jusqu’à ce que la décision définitive soit rendue (après épuisement des voies de recours). Si les parties parviennent à un règlement ou si le demandeur retire sa demande, cela met fin à la procédure si la loi de procédure interne applicable en dispose ainsi.

 

2. B engage une procédure à propos du prix d’achat de marchandises en déposant une plainte comme le prévoit la loi de procédure du tribunal compétent. A invoque une garantie, soit à titre de demande reconventionnelle, soit à titre de compensation. Le délai de prescription pour les créances de A est suspendu jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur les demandes reconventionnelles ou un règlement ou un désistement des demandes de A.

3. Fin de la procédure

La “fin” de la procédure par une décision définitive ou d’une autre façon est déterminée par la loi de procédure du tribunal saisi. Cette loi décide lorsque la décision est définitive et met, par conséquent, fin au litige. Cette même loi doit aussi décider si et quand le litige prend fin sans décision au fond, par exemple, en cas de retrait de la demande ou de transaction entre les parties.

4. Suspension par les procédures d’insolvabilité ou en dissolution

Aux fins du présent article, les procédures en cas d’insolvabilité et en cas de dissolution sont considérées comme des procédures judiciaires (articles 10.5(1)(b) et (c)). Les dates de commencement et de fin de ces procédures sont fixées par la loi régissant lesdites procédures.

1) Le délai de prescription est suspendu lorsque le créancier, en intentant une procédure arbitrale ou au cours d’une procédure arbitrale déjà engagée, accomplit tout acte qui, d’après la loi du tribunal arbitral saisi, est considéré comme faisant valoir son droit envers le débiteur. En l’absence de règlement de la procédure arbitrale ou de dispositions déterminant la date exacte du début de la procédure arbitrale, cette procédure est réputée engagée à la date à laquelle le débiteur reçoit une requête en arbitrage.

 

2) La suspension se prolonge jusqu’à ce qu’une décision obligatoire ait été rendue ou que la procédure ait pris fin d’une autre façon.

COMMENTAIRE

1. Procédure arbitrale

L’arbitrage produit le même effet que la procédure judiciaire. Le début de la procédure arbitrale, tout comme l’ouverture de la procédure judiciaire, a donc le même effet de suspendre le délai de prescription. En général, le début de la procédure arbitrale est déterminé par le règlement d’arbitrage applicable, tout comme le point de départ de la suspension. Pour les cas où le règlement d’arbitrage ne détermine pas la date exacte du début de la procédure, la seconde phrase du paragraphe 1 du présent article trouve application.

Illustration

A met fin à un contrat de distribution avec B en invoquant que B n’a pas payé des marchandises livrées à B par A. B contre attaque et demande des dommages-intérêts pour perte de profits, mais B change de cabinet d’avocats et laisse passer environ 30 mois après la fin du contrat. Le contrat contient une clause compromissoire qui prévoit que tout litige “sera réglé en vertu du Règlement de conciliation et d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale” et B dépose une requête en arbitrage en vertu de ce Règlement. Ce dernier prévoit que la date de réception de la requête doit être considérée “à toutes fins” comme la date du début de la procédure d’arbitrage. Le délai de prescription est suspendu jusqu’à ce que le tribunal arbitral ait rendu une décision obligatoire ou que le différend ait été autrement résolu.

2. Fin de l’arbitrage

Si la procédure d’arbitrage, comme la procédure judiciaire, prend fin le plus souvent par une décision au fond, l’arbitrage peut aussi prendre fin d’une autre façon comme, par exemple, le désistement d’une demande, une transaction ou par une ordonnance ou une injonction du tribunal compétent. Le règlement d’arbitrage et les règles de procédure civile applicables doivent déterminer si ces événements mettent ou non fin à l’arbitrage et par là même également à la suspension.

Les dispositions des articles 10.5 et 10.6 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux autres procédures dans lesquelles les parties demandent à une tierce personne de les aider dans leurs efforts pour parvenir à un règlement amiable du litige.


COMMENTAIRE

1. Règlements alternatifs des différends

Avant d’envisager une procédure judiciaire ou arbitrale, les parties peuvent entreprendre des négociations ou se mettre d’accord sur la conciliation ou d’autres formes de règlement alternatif des différends.

 

En vertu des Principes, les négociations ne suspendent pas automatiquement le délai de prescription. Les parties qui souhaitent la suspension devraient l’exprimer dans un accord exprès à cet effet.

 

Mais le présent article prévoit que la conciliation ou d’autres formes de règlement alternatif entraîne la suspension du délai de prescription. La définition des “règlements alternatifs des différends” comme étant des procédures dans lesquelles les parties demandent à une tierce personne de les aider dans leurs efforts pour parvenir à un règlement amiable du litige, s’inspire de l’article 1(3) de la Loi type de la CNUDCI sur la conciliation commerciale internationale de 2002.

2. Absence de réglementation

Etant donné que quelques pays seulement ont promulgué des lois sur les règlements alternatifs des différends et que les règles relatives à de telles procédures sont relativement rares, le présent article se réfère à des dispositions relatives à des procédures judiciaires et arbitrales, qui doivent s’appliquer “avec les adaptations nécessaires”. Cela signifie qu’en l’absence d’une réglementation applicable, le début des procédures de règlement alternatif des différends est régi par la règle posée dans la seconde phrase de l’article 10.6(1), les procédures commençant à la date à laquelle la demande d’une partie de suivre ces procédures parvient à l’autre partie. Comme la fin d’une procédure de résolution des différends sera très souvent incertaine, il faudra également appliquer les articles 10.5 et 10.6 et, en particulier, la phrase “ont pris fin d’une autre façon” dans leur paragraphe 2, avec les adaptations nécessaires. Ainsi, le fait qu’une partie ait mis fin de façon unilatérale à la procédure suffira à mettre fin à la suspension. Une fin unilatérale qui est faite de mauvaise foi est soumise à l’article 1.7.

Illustration

Les parties, un établissement hospitalier et le fournisseur de matériel d’équipement hospitalier, décident de soumettre des différends relatifs aux prix à un comité de médiation. En vertu des règles applicables, ce comité est saisi le jour où une partie se plaint à l’autre qui doit alors saisir le comité pour qu’il examine le cas conformément aux règles applicables. La médiation prend fin, soit lorsque le comité se prononce sur la demande, soit lorsque les parties transigent ou, encore, lorsque le demandeur retire sa demande.

1) Lorsque, par un événement échappant à son contrôle et qu’il ne pouvait ni prévenir ni surmonter, le créancier a été empêché d’arrêter le cours d’un délai de prescription en vertu des articles précédents, le délai de prescription de droit commun est suspendu et il ne pourra prendre fin avant une année après que l’empêchement ait cessé d’exister.

 

2) Lorsque l’empêchement résulte de l’incapacité ou du décès du créancier ou du débiteur, la suspension cesse lorsqu’a été désigné un représentant de la personne incapable ou un exécuteur de la personne décédée ou de sa succession, ou lorsqu’un héritier aura repris le patrimoine de la personne décédée; le délai additionnel d’un an prévu au paragraphe précédent est alors applicable.

COMMENTAIRE

1. Effets de l’empêchement

La plupart des systèmes juridiques tiennent compte des événements qui empêchent le créancier d’exercer son droit en justice, tout comme la Convention des Nations Unies sur la prescription (voir les articles 15 et 21). Le fait que le créancier doive avoir la possibilité d’exercer ses droits en justice avant de pouvoir en être privé par l’écoulement du temps est un principe de base. On peut donner, à titre d’exemples pratiques d’empêchement, la guerre ou les désastres naturels. D’autres cas de force majeure peuvent également empêcher l’exercice d’un droit et causer au moins la suspension du délai de prescription. L’événement qui empêche le créancier d’exercer son droit doit échapper à son contrôle. L’emprisonnement ne suspendrait par conséquent le délai de prescription que s’il n’avait pu être évité, comme dans le cas d’un prisonnier de guerre, ce qui ne serait pas le cas de l’emprisonnement d’un criminel. Seul le délai de prescription de droit commun est cependant suspendu. Si le délai maximum est arrivé à expiration avant que le créancier ne puisse exercer son droit, le créancier est soumis au moyen de défense de l’expiration du délai maximum de prescription.

Illustration

1. L’avocat de A envisage de prendre action contre B, société d’ingénierie, pour faute professionnelle d’employés de B. Le délai de prescription arrive à expiration le 1er décembre et l’avocat de A a complété son dossier le 25 novembre et entend le déposer par courrier express ou en personne auprès du greffier du tribunal compétent. Le 24 novembre, une attaque terroriste avec des armes biologiques de destruction massive dans le pays de A bloque complètement le trafic, le courrier et d’autres services sociaux, empêchant de la sorte A de déposer le dossier à temps. Le délai de prescription cesse de courir et ne pourra prendre fin avant une année après la reprise de certains moyens de communication dans le pays de A. Si, toutefois, l’interruption de tous les moyens de communication dans le pays de A dure dix ans, le droit de A est prescrit en vertu du délai maximum de prescription.

2. Délai supplémentaire de délibération

Puisque des empêchements qui échappent au contrôle du créancier peuvent survenir et cesser d’exister vers la fin du délai de prescription, il est possible qu’après la fin de l’empêchement le créancier n’ait que très peu de temps ou pas de temps du tout pour décider quoi faire. Le présent article prévoit, par conséquent, un délai supplémentaire d’une année à partir de la date à laquelle l’empêchement a cessé d’exister pour permettre au créancier de décider du mode d’action à suivre.

3. Incapacité ou décès

L’incapacité et le décès du créancier ou du débiteur sont des exemples particuliers d’empêchement à l’exécution effective du droit du créancier. Le paragraphe 2 prévoit la même solution que dans le cas des empêchements plus généraux. Illustration

2. A prête de l’argent à B qui doit être rendu le 1er janvier. A ne demande pas le remboursement pendant longtemps et décède trente-cinq mois après la date de remboursement fixée. La loi en matière de succession applicable au patrimoine de A exige que le tribunal nomme un administrateur qui se charge d’administrer la succession et de récupérer, notamment, les remboursements non encaissés. Le tribunal compétent étant surchargé, il lui faut plus de deux ans pour nommer un administrateur. Il ne reste à ce dernier qu’un mois sur le délai de prescription de trois ans, plus un délai supplémentaire d’une année, pour demander l’exécution à B avant l’expiration du délai de prescription.

1) L’expiration du délai de prescription n’éteint pas le droit.

2) L’expiration du délai de prescription n’a d’effet que si le débiteur l’invoque comme moyen de défense.

3) Un droit peut toujours être invoqué comme moyen de défense, même si l’expiration du délai de prescription a été soulevée.

COMMENTAIRE

1. Pas d’extinction du droit

L’expiration du délai de prescription n’éteint pas le droit du débiteur; elle ne fait qu’empêcher son exécution.

 

2. L’expiration du délai de prescription doit être invoquée comme moyen de défense

L’expiration du délai de prescription n’a pas d’effet automatique. Elle ne produit d’effet que si le débiteur l’invoque comme moyen de défense. Le débiteur peut le faire dans le cadre de n’importe quelle procédure conformément à la loi applicable, mais aussi en dehors d’une procédure en invoquant l’expiration du délai de prescription.

L’existence du moyen de défense peut aussi faire l’objet d’un jugement déclaratif.

Illustration

1. A achète des marchandises à B. Une partie du prix est due le 1er avril mais n’est pas payée. Trente-huit mois plus tard B prend action contre A qui n’invoque pas l’expiration du délai de prescription et ne se présente pas au tribunal. B opte alors pour un jugement par défaut. Le jugement sera en faveur de B parce que A n’a pas invoqué l’expiration du délai de prescription comme moyen de défense.

3. Utilisation d’un droit prescrit comme moyen de défense

Puisque, en vertu des Principes, l’expiration d’un délai de prescription n’éteint pas le droit, mais donne seulement un moyen de défense que le débiteur doit invoquer (paragraphes 1 et 2), il s’ensuit que le droit du créancier existe toujours, même si une action en exécution de ce droit pourrait être empêchée par le fait que le débiteur a invoqué l’expiration du délai de prescription. Il peut donc être utilisé comme moyen de défense, par exemple, comme motif pour le créancier de suspendre l’exécution (paragraphe 3).

Illustration

2. A loue une presse typographique à B pour dix ans. A est obligé en vertu du contrat de maintenir la presse en condition de travailler et de procéder aux réparations, sauf si le défaut est causé par une négligence de B dans le fonctionnement de la machine. La machine se casse, mais A refuse de procéder aux réparations nécessaires. Après des demandes restées sans réponse et des négociations avec A, B fait procéder aux réparations par une autre société et demande à A de payer les coûts nécessaires. A ne réagit pas et B n’insiste pas. Cinq ans plus tard, à l’expiration du contrat de location, B demande à nouveau le remboursement des frais de réparation. A refuse et invoque l’article 10.2(1) en demandant la restitution de la presse typographique. B a droit à des dommages-intérêts pour manquement au contrat et peut refuser de restituer la machine.

Le créancier peut exercer le droit de compensation jusqu’à ce que le débiteur ait soulevé l’expiration du délai de prescription.

COMMENTAIRE

Puisque le droit du créancier continue d’exister, il peut être utilisé pour fins de compensation si les conditions requises, prévues à l’article 8.1, sont réunies.

Illustration

1. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 2 à l’article 10.9, mais ici A demande non seulement la restitution de la machine, mais aussi le paiement des loyers impayés. B est en droit de compenser sa demande de dommages-intérêts avec cette créance de somme d’argent malgré l’expiration du délai de prescription.

Bien que l’expiration du délai de prescription n’éteigne pas en soi le droit du créancier, la situation change lorsque le débiteur invoque la prescription comme moyen de défense en l’opposant au créancier. Ce faisant, le débiteur fait en sorte que le délai de prescription produise des effets en ce sens que le droit ne peut plus être exécuté. Puisque la compensation peut être considérée comme l’auto exécution d’un droit, on ne peut plus y recourir après que l’expiration du délai de prescription ait été invoqué comme moyen de défense.

Illustration

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici B demande le paiement de dommages-intérêts et menace d’intenter une action quatre ans après que les réparations aient été faites. A refuse en invoquant que la machine s’est cassée à cause d’une faute de B. Parce que c’est difficile à prouver, A invoque aussi dans une lettre à B la prescription en vertu de l’article 10.2(1). B ne peut plus compenser sa créance.

Lorsqu’une prestation a été fournie en exécution d’une obligation, la seule expiration du délai de prescription n’ouvre aucun droit à restitution.

COMMENTAIRE

1. Créance prescrite comme fondement pour l’exécution

Une autre conséquence du fait que, en vertu des Principes, l’expiration d’un délai de prescription n’éteint pas le droit du créancier mais ne peut être invoquée que comme moyen de défense, est que si le débiteur exécute sa prestation malgré le moyen de défense invoqué, la prestation fournie reste valable en tant que base juridique permettant au créancier de maintenir l’exécution. La simple expiration d’un délai de prescription ne peut être utilisée comme fondement d’une action en restitution en vertu des principes de l’enrichissement sans cause.

2. Actions en restitution fondées sur d’autres motifs

Malgré l’expiration du délai de prescription, une demande en restitution peut se fonder sur des motifs autres que l’exécution, par exemple, lorsqu’un payeur prétend avoir payé par erreur une dette inexistante.

Illustrations

1. La banque B prête de l’argent à l’emprunteur A qui ne rembourse pas à la date fixée dans le contrat de prêt. La dette de A passe inaperçue et est oubliée en raison d’une erreur de comptabilité de la part de B. Quatre ans plus tard, B découvre son erreur et envoie à A une notification demandant le remboursement. A s’exécute, mais apprend plus tard d’un avocat qu’il aurait pu refuser de rembourser en raison de l’expiration du délai de prescription. A ne peut pas agir en restitution contre B pour enrichissement sans cause.

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1. Toutefois, ici A avait en fait remboursé le prêt, mais les deux parties ne le savaient pas. Quatre ans plus tard, B demande à tort à A le remboursement et A s’exécute. A peut obtenir la restitution du second paiement parce que A avait déjà payé sa dette qui était donc éteinte.