CHAPITRE 9 - SECTION 1

CHAPITRE 9 - CESSION DE CRÉANCES, CESSION DE DETTES, CESSION DE CONTRATS - SECTION 1: CESSION DE CRÉANCES

Une “cession de créance” est le transfert par convention, effectué par une personne (le “cédant”) à une autre personne (le “cessionnaire”), d’une créance du cédant contre un tiers (le “débiteur”), relative au paiement d’une somme d’argent ou à l’exécution d’une autre prestation. Le transfert peut être fait à titre de garantie.

COMMENTAIRE

Dans nombre de circonstances, le créancier du paiement d’une somme d’argent ou de toute autre prestation peut trouver utile de céder son droit à une autre personne. Par exemple, la cession de créances à une banque est un moyen traditionnel de financer le crédit accordé à un client. Les articles de la présente Section couvrent les cessions de créances telles que définies au présent article.

1. Transfert conventionnel

Seuls les transferts conventionnels sont ici concernés et non les situations dans lesquelles la loi applicable prévoit elle-même le transfert de certaines créances (par exemple, en vertu de certaines législations, le transfert à l’acquéreur des créances que le vendeur détient à l’encontre de l’assureur de l’immeuble vendu, ou bien le transfert automatique des créances dans le cas d’une fusion d’entreprises – voir l’article 9.1.2(b)).

La définition ne s’applique pas non plus aux transferts unilatéraux, qui peuvent intervenir, dans certains droits, sans la participation du cessionnaire.

2. Créance relative au paiement d’une somme d’argent ou à l’exécution d’une autre prestation

D’autre part, la définition ne se limite pas à la cession de créances relatives au paiement d’une somme d’argent. Elle couvre également les créances d’autres catégories de prestations, comme par exemple une prestation de service. Les cessions couvertes ne se limitent pas non plus aux droits contractuels. Les créances qui dérivent d’actions non contractuelles ou qui sont basées sur une décision de justice, par exemple, peuvent être régies par la présente Section, sous réserve de l’article 1.4. Les créances futures peuvent aussi être cédées conformément aux conditions posées à l’article 9.1.5.

3. Notion de “transfert”

Le “transfert” d’une créance a pour effet de faire passer ce droit de l’actif du cédant à l’actif du cessionnaire. La définition s’applique également aux cessions faites aux fins de garantie.

4. Droits des tiers

Le transfert de créances de l’actif du cédant vers l’actif du cessionnaire se fait sous réserve des droits des tiers. Différents tiers peuvent être affectés par la cession d’une créance entre le cédant et le cessionnaire. Ainsi, en premier lieu, le débiteur, mais également les créanciers du cédant et les cessionnaires successifs seront affectés par une telle cession. Les droits des tiers sont pour partie traités par des dispositions ultérieures de la présente Section (voir les articles 9.1.10 et 9.1.11 en ce qui concerne le débiteur et les cessionnaires successifs). Ils pourront aussi dans certains cas être régis par les règles impératives de la loi applicable (notamment le droit de la faillite).

La présente Section ne régit pas les transferts réalisés selon les règles particulières applicables aux transferts:

a) d’instruments tels que des titres négociables, des titres de propriété et des instruments financiers, ou

b) de créances dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

COMMENTAIRE

Certaines catégories de cessions de créances sont normalement soumises à des règles très spécifiques en vertu de la loi applicable, et ne sont donc pas régies par la présente Section.

1. Transfert d’instruments régis par des règles spéciales

 

Le transfert de certaines catégories d’instruments régies par des règles spéciales ne relève pas du champ d’application de la présente Section. Cette exclusion s’applique par exemple aux instruments négociables comme les lettres de change, qui sont généralement transférés par endossement ou remise du document et qui sont régis par d’autres règles, notamment celles concernant les moyens de défense dont aurait pu disposer le cédant. Cette exclusion s’applique également aux titres de propriété tels que connaissements et récépissés d’entrepôt, ainsi qu’aux instruments financiers comme les actions et les obligations. Le transfert de tels instruments est généralement soumis à des règles spécifiques.

Cela n’écarte pas la possibilité que si, sous certains droits, de telles créances peuvent également être cédées par la voie d’une cession de créances ordinaire, la présente Section soit alors applicable.

2. Transfert d’entreprise

Une autre exclusion s’applique aux cessions de créances faites à l’occasion d’un transfert d’entreprise en vertu de règles spéciales s’appliquant à de tels transferts, comme cela peut arriver dans les cas de fusions d’entreprises. La loi applicable prévoit souvent des mécanismes qui requièrent que tous les droits et obligations soient, sous certaines conditions, transférés globalement par l’effet de la loi.

L’article 9.1.2(b) n’empêche pas l’application de la présente Section lorsque certains droits appartenant à l’entreprise transférée sont cédés individuellement. Au contraire, le simple transfert de parts dans une société peut tomber sous l’application de l’article 9.1.2(a) et, par conséquent, ne pas être couvert par la présente Section. Illustrations

1. L’entreprise A est cédée à l’entreprise B. Si la loi applicable prévoit que tous les droits appartenant à l’entreprise A sont automatiquement transférés à l’entreprise B, les Principes ne s’appliquent pas.

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici l’entreprise B n’est pas intéressée à la reprise de créances se rapportant à un client X et préfère que ces droits soient cédés à l’entreprise C. Les Principes sont applicables à un tel transfert.

Une créance relative à l’exécution d’une prestation non pécuniaire ne peut être cédée que si la cession ne rend pas l’obligation substantiellement plus onéreuse.

 

COMMENTAIRE

La cession de créances ne porte pas en principe atteinte aux droits et obligations du débiteur. Néanmoins, dans une certaine mesure, le seul fait que l’exécution soit désormais due à un autre créancier est à même de modifier les conditions dans lesquelles l’obligation doit être exécutée. Le lieu de l’exécution peut être par exemple différent. Le changement de créancier peut en soi rendre l’obligation plus onéreuse.

L’article 9.1.8 permet au débiteur d’être indemnisé par le cédant ou par le cessionnaire des frais supplémentaires occasionnés par la cession. Cette disposition devrait suffire à régler le problème en cas de cession d’obligations de paiement de sommes d’argent. Néanmoins, lorsque la créance cédée concerne l’exécution d’une prestation non monétaire, la mesure peut s’avérer insuffisante. Le présent article exclut la possibilité de céder de telles créances lorsque le transfert rendrait l’obligation substantiellement plus onéreuse pour le débiteur.

Illustrations

1. L’entreprise X s’est engagée à assurer la sécurité contre le vol dans des entrepôts utilisés par l’entreprise A pour le stockage de bois. Les locaux sont vendus à l’entreprise B, laquelle désire les utiliser aux mêmes fins. Rien dans cette disposition n’empêche A de céder à B sa créance de services de sécurité fournis par X.

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici l’entreprise B veut employer les entrepôts pour le stockage de matériel électronique. La créance de l’entreprise A à bénéficier des services de sécurité fournis par l’entreprise X ne peut pas être cédée à B: de tels services deviendraient substantiellement plus onéreux puisque les risques pesant sur le matériel électronique sont bien évidemment plus élevés que ceux qui pèsent sur le stockage de bois.

1) Une créance relative au paiement d’une somme d’argent peut être cédée partiellement.

2) Une créance relative à l’exécution d’une prestation non pécuniaire ne peut être cédée partiellement que si elle est divisible et si la cession ne rend pas l’obligation substantiellement plus onéreuse.

COMMENTAIRE

1. Intérêt économique

La cession partielle d’une créance peut avoir différentes justifications économiques. Un contractant peut par exemple vouloir céder une partie de ses créances à une institution financière et garder le reste pour soi. Il peut aussi vouloir céder l’autre partie à un fournisseur de matières premières.

Permettre la cession partielle peut néanmoins porter atteinte au principe suivant lequel la cession ne doit pas détériorer la situation du débiteur. Si la créance est divisée, le débiteur aura à s’exécuter en plusieurs fois, ce qui pourrait impliquer des coûts supplémentaires.

2. Créances monétaires et non monétaires

La charge pour le débiteur d’avoir à faire deux ou plusieurs paiements de sommes d’argent au lieu d’un seul n’est pas en soi réputée comme étant excessive, et les cessions partielles de créances monétaires sont donc en principe permises (paragraphe 1).

Une autre règle prévaut pour la cession de créances non monétaires. Ici, la validité de la cession partielle dépend de deux conditions cumulatives: la divisibilité de la prestation due et le degré de charge supplémentaire que peut entraîner pour le débiteur la cession partielle. En vertu de l’article 9.1.3, les créances non monétaires sont déjà incessibles dans leur ensemble si la cession devait rendre l’obligation substantiellement plus onéreuse. Le paragraphe 2 applique la même règle aux cessions partielles de telles créances.

 

 

En tout cas, les coûts supplémentaires encourus par le débiteur du fait qu’il doive s’exécuter en plusieurs fois doivent être indemnisés conformément à l’article 9.1.8.

Illustrations

1. L’acheteur X doit payer un prix de 1.000.000 USD au vendeur A le 31 octobre. A a besoin de façon urgente de 600.000 USD et cède une partie correspondante de ses créances à la Banque B. Notification de la cession partielle est faite à X. Le 31 octobre, A et B demandent le paiement de leurs parts respectives. X doit payer 400.000 USD à A et 600.000 USD à B.

 

2. L’entreprise de métallurgie X doit livrer 1000 tonnes d’acier au constructeur d’automobiles A le 31 octobre. Du fait d’une baisse des ventes, A estime qu’il n’aura pas besoin d’autant d’acier à cette date et cède la créance de livraison, à concurrence de 300 tonnes, au constructeur B. Notification de la cession partielle est faite à X. Le 31 octobre, A et B demandent les livraisons de leurs quantités respectives. X doit livrer 700 tonnes à A et 300 tonnes à B.

3. Le consultant fiscal X s’est engagé à passer 30 jours à examiner les comptes de l’entreprise A afin de déterminer la politique à suivre dans le cadre de la nouvelle réglementation fiscale. A regrette cet arrangement vu le montant des honoraires et propose de céder 15 journées d’expertise à l’entreprise B. X peut s’opposer à une telle cession partielle en arguant du fait que des prestations de services de cette nature ne sont pas divisibles. Il peut aussi arguer du fait que les comptes de B sont d’une nature substantiellement plus complexe que ceux de A.

Une créance future est réputée cédée au moment de la convention, à condition que la créance, lorsqu’elle naît, puisse être identifiée comme la créance cédée.

 

COMMENTAIRE

1. Intérêt économique

Aux fins de la présente Section, une créance future est une créance qui naîtra ou qui pourrait naître dans le futur (par opposition à une créance déjà existante mais dont l’exécution est due dans le futur). Des exemples de créances futures sont les créances qu’une banque pourrait détenir à l’encontre d’un client auquel elle pourrait à l’avenir concéder une nouvelle ligne de crédit, ou les créances qu’une entreprise détiendrait à l’encontre d’une autre entreprise sur la base d’un contrat qui pourrait être conclu dans le futur. La cession de ces créances futures peut avoir une grande importance économique.

2. Créance déterminable

Conformément au présent article, une créance future peut être cédée à la condition qu’elle puisse être identifiée comme la créance à laquelle la cession se rapporte lorsqu’elle naît. L’intention est d’éviter les difficultés pouvant découler d’un transfert de créances futures décrites dans des termes trop vagues ou généraux.

3. Effet rétroactif

Le présent article prévoit aussi qu’entre le cessionnaire et le cédant, la cession de créances futures est opposable rétroactivement. Lorsque la créance vient à naître, le transfert est considéré comme ayant eu lieu au moment de la conclusion de la convention de cession.

En ce qui concerne les tiers, on rappellera que leurs créances peuvent dans certaines circonstances être régies par des règles impératives de la loi applicable (notamment le droit de la faillite). Les tiers sont néanmoins en partie concernés par d’autres dispositions de la présente Section, y compris celles concernant les conséquences de la notification indiquées aux articles 9.1.10 et 9.1.11.

Illustration

Afin de financer de nouveaux investissements, l’entreprise A cède à l’institution de prêt B les redevances devant dériver de futures licences portant sur une certaine technologie. Six mois plus tard, A transfère cette technologie à X. Les redevances dues sont considérées avoir été cédées à B à compter de la date de la convention de cession, pourvu que de telles redevances puissent se rapporter à cette convention.

Plusieurs créances peuvent être cédées ensemble sans désignation individuelle, à condition que ces créances puissent être identifiées comme les créances cédées au moment de la cession ou lorsque les créances viennent à naître. 

COMMENTAIRE

Des créances sont souvent cédées de façon groupée. Une entreprise peut par exemple céder toutes ses créances à une entreprise d’affacturage. Il serait en pratique excessivement contraignant d’exiger l’identification individuelle de chacune des créances cédées, mais l’identification globale des créances cédées comme un ensemble doit être telle qu’elle permet de reconnaître chacune des créances cédées comme faisant partie de la cession.

En cas de créances existantes, une telle reconnaissance devra être possible au moment de la conclusion de la convention de cession. Si des créances futures sont comprises dans le groupe de créances, l’identification doit être possible au moment où les créances viennent à naître, conformément à l’article 9.1.5.

Illustration

Le détaillant A cède toutes ses créances à une entreprise d’affacturage B. Ce transfert concerne des milliers de créances nées ou à naître. La cession n’exige pas que chaque créance soit désignée. Plus tard, B notifie la cession au débiteur d’une créance spécifique. B doit être en mesure de démontrer l’inclusion de cette créance dans l’ensemble de créances transféré, soit au moment de la cession, soit, en cas d’une créance qui n’existait pas encore à ce moment-là, lorsque la créance est née.

1)  Une créance est cédée par la seule convention entre cédant et cessionnaire, sans notification au débiteur.

2) Le consentement du débiteur n’est pas requis, sauf si l’obligation, selon les circonstances, revêt un caractère essentiellement personnel.

COMMENTAIRE

Dans la définition de l’article 9.1.1, la cession d’une créance a déjà été décrite comme un “transfert par convention”. Les articles 9.1.7 à 9.1.15 sont les corollaires de cette disposition, qui régissent les situations juridiques respectives du cédant, du cessionnaire et du débiteur.

1. Simple convention entre cédant et cessionnaire

Conformément au paragraphe 1 du présent article, la cession d’une créance est effective, c’est-à-dire que la créance est transférée de l’actif du cédant à celui du cessionnaire, par le seul accord entre ces deux parties. Cette disposition est une application à la cession de créances du principe général posé à l’article 1.2 en vertu duquel les Principes n’imposent pas que le contrat soit conclu sous une forme particulière. Cela ne porte pas atteinte à l’application éventuelle des règles impératives de la loi applicable conformément à l’article 1.4: ainsi, par exemple, une cession en garantie peut être soumise à des exigences spéciales de forme.

Comme précédemment établi dans le Commentaire 4 à l’article 9.1.1, la règle posée au paragraphe 1 demeure soumise aux droits des tiers, qui sont en partie couverts par d’autres dispositions de la présente Section (voir les articles 9.1.10 et 9.1.11 concernant le débiteur et les cessionnaires successifs) et peuvent dans certains cas être régis par des règles impératives de la loi applicable (notamment le droit de la faillite) conformément à l’article 1.4. Néanmoins, on doit insister sur le fait que la notification au débiteur telle que prévue à l’article 9.1.10 n’est pas une condition de validité du transfert des créances entre le cédant et le cessionnaire.

2. Le consentement du débiteur n’est en principe pas requis

Le paragraphe 2 établit de façon explicite ce qui est déjà implicite au paragraphe 1, c’est-à-dire que le consentement du débiteur n’est pas exigé pour que la cession soit valable entre le cédant et le cessionnaire. 3. Une exception: lorsque la personne du créancier est un élément essentiel de la créance

Une exception est faite pour le cas où la créance devant être cédée correspond à une obligation qui revêt un caractère essentiellement personnel, c’est-à-dire une créance qui a été concédée par le débiteur en prenant tout particulièrement en considération la personne du créancier. Une telle caractéristique rend la cession de créance impossible sans le consentement du débiteur car il ne serait pas approprié de contraindre le débiteur à s’exécuter en faveur d’une autre personne.

Illustrations

1. L’entreprise X promet de sponsoriser les activités organisées par l’organisation A qui est engagée dans la défense des droits de l’homme. A souhaite céder cette créance à l’organisation B active dans la protection de l’environnement. La cession ne peut avoir lieu qu’avec l’accord de X.

 

2. Une soprano célèbre a conclu un contrat avec l’agent A pour chanter lors de concerts organisés par celui-ci. A vend ses droits à l’encontre de la soprano à l’agent B. Ce transfert exigera le consentement de la soprano si les circonstances révèlent qu’elle désirait réserver ses prestations à A.

4. Effet d’autres dispositions

La possibilité de céder une créance sans le consentement du débiteur peut être affectée par la présence d’une clause d’incessibilité insérée dans le contrat entre le cédant et le débiteur (voir l’article 9.1.9), bien qu’une telle clause n’implique pas nécessairement en soi le caractère essentiellement personnel de l’obligation.

Le présent article ne traite pas la question de savoir s’il faut notifier la cession au débiteur afin d’éviter que le débiteur paie le cédant après que la cession ait eu lieu. Sur ces questions, voir les articles 9.1.10 et 9.1.11.

Le débiteur a droit à être indemnisé par le cédant ou par le cessionnaire de tous les frais supplémentaires occasionnés par la cession.

 

COMMENTAIRE

1. Indemnisation des frais supplémentaires

La cession d’une créance ne porte pas nécessairement atteinte aux droits et obligations du débiteur. Toutefois, si le débiteur supporte des frais supplémentaires du fait de l’exécution de son obligation due au cessionnaire au lieu du créancier originaire, cette disposition autorise le débiteur à exiger une indemnité.

Illustration

1. L’entreprise X est obligée de rembourser un prêt de 1.000.000 EUR à l’entreprise A. Les deux entreprises sont situées dans le pays M. A cède ses créances à l’entreprise B située dans le pays N. X a droit à être indemnisée pour les frais supplémentaires encourus du fait d’un transfert devenu international.

La règle posée à l’article 9.1.8 est conforme à l’article 6.1.6 qui prévoit une solution similaire dans le cas où une partie au contrat change le lieu de son établissement après la conclusion du contrat.

2. Indemnisation par le cédant ou par le cessionnaire

Le débiteur peut exiger l’indemnisation des frais supplémentaires par le cédant ou par le cessionnaire. Dans le cas d’une obligation monétaire, le débiteur sera souvent en situation de compenser son droit d’indemnisation avec l’exécution de son obligation envers le cessionnaire.

3. Cession partielle

Des frais supplémentaires peuvent notamment survenir dans les cas de cessions partielles (voir l’article 9.1.4). Le présent article est alors applicable.

Illustration

2. Dans l’Illustration 2 à l’article 9.1.4, A a cédé à B une partie de ses droits à livraison d’acier par X. Au lieu de devoir livrer 1000 tonnes à A, X est alors obligée de livrer 700 tonnes à A et 300 tonnes à B. X est en droit d’être indemnisée pour les frais supplémentaires qui découlent de l’obligation de livrer à deux endroits.

 

4. Obligation devenant substantiellement plus onéreuse

Dans deux cas, l’indemnisation pour les frais supplémentaires n’est pas considérée comme une mesure suffisante. Premièrement, en vertu de l’article 9.1.3, la cession d’un droit à l’exécution d’une obligation non monétaire n’est pas permise lorsqu’elle rendrait l’obligation substantiellement plus onéreuse. Deuxièmement, en vertu de l’article 9.1.4, la cession partielle d’un droit à exécution d’une obligation non monétaire est aussi empêchée dans des circonstances équivalentes.

1) La cession d’une créance relative au paiement d’une somme d’argent est valable malgré l’existence d’un accord entre le cédant et le débiteur limitant ou interdisant une telle cession. Toutefois, le cédant peut être responsable envers le débiteur pour inexécution du contrat.

2) La cession d’une créance relative à l’exécution d’une autre prestation n’est pas valable, si elle enfreint un accord entre le cédant et le débiteur limitant ou interdisant une telle cession. Toutefois, la cession est valable si le cessionnaire, au moment de la cession, ne connaissait pas et n’aurait pas dû connaître l’existence de cet accord. Dans ce cas, le cédant peut être responsable envers le débiteur pour inexécution du contrat.

COMMENTAIRE

1. Equilibre des intérêts

Conformément au paragraphe 2 de l’article 9.1.7, le consentement du débiteur n’est pas requis pour que la cession soit valable entre le cédant et le cessionnaire sauf si l’obligation revêt un caractère essentiellement personnel. Toutefois, il est en pratique fréquent que le contrat entre le créancier originaire et le débiteur contienne une clause limitant ou interdisant la cession des droits du créancier car le débiteur peut ne pas souhaiter changer de créancier. Si le créancier originaire (cédant) cède de tels droits en dépit d’une clause d’incessibilité, les intérêts respectifs du débiteur et du cessionnaire doivent être mis dans la balance. Le débiteur souffre d’une violation de ses droits contractuels, mais le cessionnaire doit aussi être protégé. A un niveau plus général, il est aussi important de favoriser la cession de créances comme un moyen efficace de financement.

A cet égard, le présent article fait une distinction entre la cession de créances monétaires et la cession de créances concernant tout autre type de prestations.

2. Créances monétaires

Dans le premier cas, le paragraphe 1 privilégie les besoins du crédit. Le cessionnaire d’une créance monétaire est protégé contre une clause d’incessibilité et la cession est pleinement efficace. Néanmoins, puisque le cédant agit en violation de ses obligations contractuelles, il est responsable vis-à-vis du débiteur pour inexécution de ses engagements en vertu de la Section 4 du Chapitre 7.

Illustrations

1. L’entrepreneur A a droit à recevoir un paiement de 100.000 USD de son client X une fois réalisée une certaine tranche des travaux de construction. Le contrat contient une clause interdisant à A de céder sa créance. L’entrepreneur A cède néanmoins la créance à la banque B. La banque B peut se fier à la cession en dépit de la clause, et demander le paiement lorsqu’il sera dû. Toutefois, X est en droit de poursuivre A pour violation de ses obligations contractuelles; X pourrait par exemple demander des dommages-intérêts s’il démontre qu’il a subi un certain préjudice.

2. L’entreprise X doit rembourser 500.000 EUR à l’entreprise A à une date où elle pourrait compenser partiellement cette obligation avec une créance de 200.000 EUR qu’elle détient à l’encontre de A. Le contrat entre X et A contient une clause d’incessibilité. Malgré cette clause, A cède sa créance de remboursement à l’entreprise B. X peut demander des dommages-intérêts à A pour les frais encourus par elle en raison de la procédure séparée qu’elle doit engager pour recouvrer la somme de 200.000 EUR.

3. Créances non monétaires

La cession de créances non monétaires n’entretient pas la même relation avec les exigences du crédit, ce qui justifie la solution différente que l’on trouve au paragraphe 2. Pour parvenir à un juste équilibre entre les intérêts contradictoires des trois parties concernées, la règle est cette fois que la clause d’incessibilité produit effet vis-à-vis du cessionnaire et que la cession est par conséquent considérée comme non valide. La solution est inverse cependant s’il peut être établi qu’au moment de la cession, le cessionnaire ne savait pas et n’aurait pas dû connaître l’existence de la clause d’incessibilité. Dans ce cas, la cession est valide, mais le cédant peut être tenu envers le débiteur pour inexécution du contrat en vertu de la Section 4 du Chapitre 7.

Illustration

3. L’entreprise X a accepté de communiquer à l’entreprise A toutes les améliorations qu’elle développera pour un procédé technique au cours d’une certaine période. Leur contrat stipule que les créances que détient A envers X sont incessibles. A n’a plus besoin de la technologie en question et essaie de céder ses droits à l’entreprise B. Cette cession n’est pas valable. X ne devient pas le débiteur de B. Dans ce cas, B détient une créance à l’encontre de A en vertu de l’article 9.1.15(b).

1) Tant que la cession ne lui a pas été notifiée par le cédant ou par le cessionnaire, le débiteur se libère en payant le cédant.

2) Après avoir reçu cette notification, le débiteur ne peut plus se libérer qu’en payant le cessionnaire.

COMMENTAIRE

1. Effet de la notification pour le débiteur

Alors que l’effectivité de la cession entre le cédant et le cessionnaire résulte de leur seul accord (voir l’article 9.1.7), le débiteur sera libéré en payant le cédant jusqu’à ce qu’il reçoive notification de la cession. Si le débiteur paie le cédant, le cessionnaire peut recouvrer ce paiement auprès du cédant (voir l’article 9.1.15(f)). La cession devient opposable au débiteur seulement après que la notification lui ait été faite. Le débiteur ne peut alors être libéré qu’en payant le cessionnaire. Illustrations

1. Le vendeur A cède à la banque B sa créance de paiement contre l’acheteur X. Ni A ni B ne notifient à X. Lorsque le paiement est dû, X paie A. Ce paiement est pleinement valable et X est libéré. Il appartiendra à B de le recouvrer chez A, en vertu de l’article 9.1.15(f).

 

2. Le vendeur A cède à la banque B sa créance de paiement contre l’acheteur X. B donne notification immédiate de la cession à X. Lorsque le paiement est dû, X paie A. X n’est pas libéré et B est en droit de contraindre X à payer une deuxième fois.

Avant que le débiteur ne reçoive une notification de la cession, il est libéré lorsqu’il paie le cédant indépendamment du fait qu’il connaissait ou aurait dû avoir connaissance de la cession. L’objectif est de mettre sur les parties à la cession, le cédant et le cessionnaire, la charge d’informer le débiteur. Cette solution est considérée comme étant justifiée dans le contexte des contrats du commerce international. Toutefois, elle n’exclut pas nécessairement que dans certaines circonstances le débiteur soit tenu à des dommages-intérêts s’il a agi de mauvaise foi lorsqu’il a payé le cédant.

Parfois les parties ont recours à une “cession silencieuse”, lorsque le cédant et le cessionnaire décident de ne pas informer le débiteur de la cession. Un tel arrangement est valable entre les parties, mais puisque le débiteur ne reçoit aucune notification, il sera libéré en payant le cédant ainsi que le prévoit l’article 9.1.10(1).

2. Signification de “notification”

Il faut comprendre la “notification” au sens large de l’article 1.10. Bien que le présent article ne fasse pas référence au contenu de la notification, celle-ci devrait indiquer non seulement le fait de la cession, mais également l’identité du cessionnaire et les caractéristiques de la créance cédée (sous réserve de l’article 9.1.6) et, dans le cas d’une cession partielle, l’étendue de la cession.

 

3. Qui doit notifier

Le paragraphe 1 de l’article 9.1.10 laisse ouverte la question de savoir qui du cédant ou du cessionnaire doit faire la notification. En pratique, il est probable que dans la plupart des cas le cessionnaire prendra l’initiative du fait qu’il a un intérêt à éviter que le débiteur s’exécute en faveur du cédant malgré la cession. La notification donnée par le cédant a toutefois le même effet. Lorsque la notification est donnée par le cessionnaire, le débiteur peut demander une preuve suffisante de la cession (voir l’article 9.1.12).

4. Moment auquel la notification doit être faite

Le présent article n’exige pas explicitement que la notification soit faite seulement après la conclusion de la convention de cession. Parfois, le contrat entre un futur cédant et le débiteur prévoit déjà que les créances qui s’y rapportent seront cédées à une société financière. La question de savoir si cela peut être considéré comme constituant une notification suffisante avec les conséquences prévues dans cet article est une question d’interprétation et peut dépendre de la précision de la clause en ce qui concerne l’identité du futur cessionnaire.

5. Révocation de la notification

La notification faite au débiteur peut être révoquée dans certaines circonstances, notamment si la convention de cession est elle-même invalidée ou si une cession en garantie n’est plus nécessaire. Cela ne concernera pas les paiements faits avant la révocation à la personne qui était alors le cessionnaire, mais si le débiteur paie cette personne après la révocation, il ne sera plus libéré.

Si le cédant cède une même créance à deux ou plusieurs cessionnaires successifs, le débiteur se libère en payant selon l’ordre dans lequel les notifications ont été reçues.

COMMENTAIRE

1. Priorité de la première notification

Le présent article couvre le cas de cessions successives d’une même créance, faites par un même cédant à des cessionnaires différents. Normalement cela ne devrait pas arriver, mais en pratique cela survient parfois, que le cédant en soit conscient ou non. Priorité est alors donnée au cessionnaire qui a le premier fait la notification. Les autres cessionnaires ne pourront alors que se retourner contre le cédant en vertu de l’article 9.1.15(c).

Illustration

 

Le 5 février, le vendeur A cède la créance de paiement qu’il détient à l’encontre de l’acheteur X à la banque B et le 20 février à la banque C. C notifie la cession le 21 février et B ne le fait que le 25 février. X est libéré en payant C, même si la créance a été cédée à B avant d’être cédée à C.

En dépit de la solution qui prévaut dans certains droits, le présent article ne prend pas en considération la connaissance avérée ou supposée que le débiteur pourrait avoir de la cession en l’absence de toute notification. Cette approche est motivée par le souhait d’encourager la notification, garantissant ainsi le degré de certitude particulièrement recommandé dans le contexte des contrats internationaux.

2. Absence de notification

Si aucune notification n’est faite par aucun des cessionnaires successifs, le débiteur sera libéré en payant le cédant (voir le paragraphe 1 de l’article 9.1.10).

3. Notification sans preuve suffisante

La notification d’un cessionnaire sans preuve suffisante que la cession a été faite, est inopposable en vertu de l’article 9.1.12.

1) Si la notification de la cession est faite par le cessionnaire, le débiteur peut demander au cessionnaire de lui produire, dans un délai raisonnable, une preuve suffisante de la réalité de la cession.

2) Tant qu’il n’a pas reçu cette preuve suffisante, le débiteur peut suspendre le paiement.

3)  La notification est sans effet si la preuve suffisante n’est pas produite.

4)  Une preuve suffisante peut, notamment, consister en un écrit émanant du cédant et indiquant que la cession a eu lieu.

 

COMMENTAIRE

Puisque le fait de recevoir notification d’une cession de créance produit les effets importants prévus aux articles 9.1.10 et 9.1.11, le présent article vise à protéger le débiteur contre le risque de recevoir une notification émanant d’un faux cessionnaire en exigeant la preuve suffisante que la cession a bien été faite. Dans l’intervalle, le débiteur peut suspendre le paiement demandé par le cessionnaire supposé. Si la preuve suffisante est apportée, la notification produit ses effets à partir de la date à laquelle elle a été faite.

Illustration

Le 1er décembre, l’acquéreur X doit payer 200.000 USD à l’entrepreneur A pour acompte du prix de la construction d’une usine. En octobre, A cède la créance à la banque B. A ou B peuvent notifier la cession à X. Si B prend l’initiative et écrit à X qu’il est devenu le cessionnaire de la somme, X peut demander à B d’en fournir la preuve suffisante. Sans préjudice des autres modes de preuves, B produira probablement la convention de cession ou tout autre écrit de A confirmant que la créance a été cédée. X peut suspendre le paiement jusqu’à ce qu’une telle preuve soit fournie.

1) Le débiteur peut opposer au cessionnaire tous les moyens de défense qu’il pourrait opposer au cédant.

2) Le débiteur peut exercer à l’encontre du cessionnaire tout droit de compensation dont il disposait à l’égard du cédant jusqu’au moment où il a reçu notification de la cession.

COMMENTAIRE

1. Moyens de défense

Une créance peut en principe être cédée sans le consentement du débiteur (voir l’article 9.1.7(2)). Cette solution se fonde sur l’hypothèse que la cession ne sera pas préjudiciable à la situation juridique du débiteur.

Il peut arriver que le débiteur soit en mesure de suspendre ou de refuser le paiement au créancier initial sur la base d’un moyen de défense comme, par exemple, l’exécution défectueuse des propres obligations du créancier. Afin de déterminer si de tels moyens de défense sont opposables au cessionnaire, les intérêts des parties en présence doivent être pesés: la cession ne doit pas aggraver la situation du débiteur, alors que le cessionnaire est aussi soucieux de l’intégrité de la créance qu’il a acquise.

Conformément au paragraphe 1 du présent article, le débiteur peut opposer au cessionnaire tous les moyens de défense qu’il aurait pu opposer si la demande avait été faite par le cédant. Toutefois, dans ce cas, le cessionnaire aura la possibilité d’agir contre le cédant en vertu de l’article 9.1.15(d).

Illustration

1. Une entreprise informatique A promet au client X de lui installer un nouveau logiciel de comptabilité avant la fin de l’année. Le principal paiement doit avoir lieu un mois après la livraison. A a immédiatement cédé cette créance à la banque B. Lorsque le paiement est dû, B demande à X de s’exécuter mais ce dernier explique que le nouveau logiciel ne fonctionne pas et que le service de comptabilité est dans une situation chaotique. X est en droit d’opposer ce moyen de défense à B, qui peut alors agir contre A en vertu de l’article 9.1.15(d).

La même solution s’applique aux moyens de défense de nature procédurale.

Illustration

2. L’entreprise X vend une turbine à gaz au contractant A pour qu’elle soit incorporée dans une usine construite pour le client B. Lorsque le travail est fini, A cède la garantie de bonne exécution du contrat à B. Comme la turbine ne fonctionne pas correctement, B poursuit X devant le tribunal de son lieu d’établissement. X pourra utilement invoquer la clause d’arbitrage inclue dans son contrat avec A.

2. Compensation

Conformément au paragraphe 2, le débiteur peut exercer à l’encontre du cessionnaire tout droit de compensation, pourvu que le débiteur dispose de ce droit de compensation en vertu de l’article 8.1 avant que la notification de la cession soit faite.

Cette solution est conforme au principe suivant lequel la situation du débiteur ne doit pas être affectée par la cession. Les droits du cessionnaire sont protégés par le recours dont il peut alors disposer en vertu de l’article 9.1.15(e) à l’encontre du cédant.

Illustration

3. L’entreprise A cède à l’entreprise B la créance de paiement de 100.000 EUR qu’elle détient à l’encontre de l’entreprise X. Toutefois, X détient une créance de 60.000 EUR à l’encontre de A. Les deux créances n’ont pas fait l’objet d’une notification pour compensation en vertu de l’article 8.3 des Principes, mais les conditions exigées pour la compensation étaient satisfaites avant la notification de la cession. X peut encore exercer son droit de compensation en le notifiant au cessionnaire. B peut alors seulement demander 40.000 EUR à X. B peut recouvrer la différence auprès de A qui s’était engagée, en vertu de l’article 9.1.15(e), à ce que le débiteur ne notifie pas la compensation concernant les créances cédées.

Une cession de créance transfère au cessionnaire:

a) tous les droits du cédant à un paiement ou à une autre prestation prévus par le contrat relatifs à la créance cédée, et

b) tous les droits garantissant le paiement de la créance cédée.

COMMENTAIRE

1. Portée de la cession

La présente disposition est inspirée du même principe que celui de l’article 9.1.13. La cession transfère la créance du cédant telle qu’elle est, non seulement avec les moyens de défense que le débiteur peut opposer, mais aussi avec tous les droits au paiement d’une somme d’argent ou à une autre prestation prévus par le contrat relatifs à la créance cédée, et tous les droits garantissant le paiement de la créance cédée.

Illustrations

1. La banque A est en droit de recevoir le remboursement d’un prêt de 1.000.000 EUR accordé au client X à un taux d’intérêt de 3%. A cède son droit au remboursement du principal à la banque B. La cession opère aussi comme transfert du taux d’intérêt et des sûretés attachées à la créance.

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici le contrat de prêt permet à A de demander le remboursement anticipé en cas de défaillance de X dans le paiement des intérêts dus. Ce droit est également transféré à B.

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1, mais ici X a déposé certaines actions de société en garantie au bénéfice de A. Ce bénéfice est transféré à B, sous réserve de l’application éventuelle des règles impératives de la loi applicable en vertu de l’article 1.4.

2. Cession partielle

En cas de cession partielle d’une créance, si les droits couverts par l’article 9.1.14 sont divisibles, ils seront transférés dans les mêmes proportions. S’ils ne le sont pas, les parties devront décider s’ils sont transférés au cessionnaire ou s’ils demeurent au cédant.

3. Aménagements contractuels

La règle posée au paragraphe 1 peut toutefois être modifiée par un accord entre le cédant et le cessionnaire qui peuvent par exemple stipuler la cession autonome des intérêts.

4. Coopération du cédant

Il découle du devoir général de coopération établi à l’article 5.1.3 que le cédant est obligé de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre au cessionnaire de jouir du bénéfice des droits accessoires et des garanties.

Sauf indication contraire, le cédant garantit au cessionnaire que:

a) la créance cédée existe au moment de la cession, à moins qu’il ne s’agisse d’une créance future;

b) le cédant a le droit de céder la créance;

c) la créance n’a pas été précédemment cédée à un autre cessionnaire, et elle est libre de tout droit ou prétention d’un tiers;

d) le débiteur ne peut opposer aucun moyen de défense;

e) ni le débiteur ni le cédant n’ont notifié la compensation de la créance cédée et ne procéderont pas à une telle notification;

f) le cédant remboursera au cessionnaire tout paiement reçu du débiteur avant que la cession ait été notifiée.

COMMENTAIRE

En cédant une créance par convention au cessionnaire, le cédant doit fournir plusieurs garanties.

1. Existence de la créance

La créance cédée devrait exister au moment de la cession. Cela ne serait par exemple pas le cas si le paiement avait déjà été effectué ou si la créance avait été préalablement annulée.

Illustration

1. L’entreprise A cède un ensemble de créances à l’entreprise d’affacturage B. Au moment où celle-ci réclame les paiements, le client X établit que le montant dû avait été payé à A avant la cession. B peut se retourner vers A puisque la créance n’existe plus au moment de la cession.

Comme l’autorise l’article 9.1.5, si une créance future est cédée, un tel engagement n’existe pas.

Illustration

2. L’entreprise A cède à la banque B les droits portant sur une licence de technologie qui doit être concédée dans un futur proche à l’entreprise X. Cette licence n’est finalement jamais matérialisée. B n’a aucun recours contre A.

2. Cédant en droit de céder la créance

Le cédant doit être en droit de céder la créance. Cela n’est pas le cas par exemple s’il existe une interdiction contractuelle ou légale de céder la créance.

Illustration

3. L’entreprise X a décidé de communiquer à l’entreprise A toutes les améliorations qu’elle développera pour un procédé technique au cours d’une certaine période. Leur contrat stipule que les créances que détient A envers X sont incessibles. A n’a plus besoin de la technologie en soi et tente de céder ses droits à B. Cette illustration a déjà été donnée plus haut, sous l’article 9.1.9, pour donner un exemple de cession non valide. Dans le présent cas, B a un recours contre A en vertu de l’article 9.1.15(b). On rappellera que la solution serait inverse si B démontrait qu’elle ne connaissait pas ou n’aurait pas dû avoir connaissance de la clause d’incessibilité.

3. Absence de cession préalable, de droits ou prétentions des tiers

Si le cédant a déjà cédé une créance à un autre cessionnaire, il n’est généralement pas en droit de céder cette même créance une seconde fois. Cette interdiction peut être considérée comme déjà couverte par la garantie envisagée à l’alinéa b). L’importance pratique de cette hypothèse est telle qu’une disposition explicite et autonome est néanmoins justifiée. On rappellera toutefois qu’en vertu de l’article 9.1.11 le second cessionnaire peut primer sur le premier s’il procède à la notification de la cession au débiteur avant que le premier cessionnaire se soit lui-même acquitté de cette formalité.

Toutefois, la première cession peut avoir été faite seulement à titre de garantie. Dans ce cas, la créance est encore cessible avec l’information appropriée du deuxième cessionnaire.

4. Pas de moyens de défense du débiteur

Conformément à l’article 9.1.13(1), le débiteur peut opposer au cessionnaire tous les moyens de défense qu’il pourrait opposer au cédant. Dans ce cas, le cessionnaire a le droit de se retourner contre le cédant sur la base de cette garantie.

 

Illustration

4. La banque B est cessionnaire de la créance de paiement d’une certaine somme du contractant A à l’encontre du client X. Lorsque le paiement est dû, X refuse de payer arguant que A n’a pas exécuté ses obligations correctement. Ce moyen de défense peut être utilement invoqué à l’encontre de B en vertu du paragraphe 1 de l’article 9.1.13. B pourrait alors se retourner contre A.

5. Pas de notification de la compensation

Le droit de compensation peut être exercé par le débiteur à l’encontre du cessionnaire s’il en disposait avant de recevoir notification de la cession (voir l’article 9.1.13(2)). Le cédant garantit au cessionnaire que ni le cédant ni le débiteur n’a déjà notifié la compensation affectant les créances cédées. Le cédant s’engage également à ce que cette notification ne soit pas faite dans le futur. Si, par exemple, le débiteur devait notifier une compensation au cessionnaire après la cession, comme l’autorise l’article 9.1.13(2), le cessionnaire pourrait se retourner contre le cédant en vertu de l’article 9.1.15(e).

 

6. Remboursement au cessionnaire du paiement effectué par le débiteur au cédant

L’article 9.1.10(1) prévoit que tant que la cession ne lui a pas été notifiée, le débiteur se libère en payant le cédant. C’est une solution correcte si on veut protéger le débiteur, mais le cédant et le cessionnaire ont convenu entre eux du transfert de la créance. Le cédant s’engage donc à rembourser le cessionnaire de tout paiement reçu du débiteur avant que la cession ait été notifiée.

Illustration

5. Le vendeur A cède à la banque B son droit au paiement à l’encontre de l’acquéreur X. Ni A ni B ne notifie la cession à X. Lorsque le paiement est dû, X paie A. Comme cela a déjà été expliqué dans le Commentaire à l’article 9.1.10, ce paiement est pleinement valable et B est libéré. Toutefois, l’article 9.1.15(f) permet à B de recouvrir la somme payée auprès de A.

7. Aucun engagement concernant l’exécution ou la solvabilité du débiteur

Les parties à la cession peuvent certainement prévoir une garantie par le cédant en ce qui concerne la solvabilité présente ou future du débiteur, ou, plus généralement, la qualité de l’exécution de ses obligations par le débiteur. Néanmoins, en l’absence d’un tel accord, il n’existe aucune garantie en vertu du présent article.

Illustration

6. L’entreprise B est cessionnaire de la créance de paiement d’une certaine somme que détient l’entreprise A vis-à-vis du client X. Lorsque le paiement est dû, l’entreprise B découvre que le client X est devenu insolvable. B doit en subir les conséquences. La solution serait identique si B découvrait que X était déjà insolvable au moment de la cession.

Le non respect de l’une de ses garanties par le cédant ouvre droit aux mesures prévues au Chapitre 7. Le cessionnaire peut par exemple demander des dommages-intérêts au cédant, ou mettre fin au contrat si les conditions prévues aux articles 7.3.1 et suivants sont remplies.

8. Effet de l’information sur les garanties

Certaines des garanties du cédant peuvent être affectées par des informations fournies au moment du transfert. Le cédant peut par exemple informer le cessionnaire de l’existence de la créance d’un tiers, auquel cas le cessionnaire peut accepter le transfert de la créance à ses propres risques, sans aucune garantie sur ce point de la part du cédant.