CHAPITRE 9 - SECTION 2

CHAPITRE 9 - CESSION DE CRÉANCES, CESSION DE DETTES, CESSION DE CONTRATS - SECTION 2: CESSION DE DETTES

Une obligation de payer une somme d’argent ou d’exécuter une autre prestation peut être cédée par une personne (le “débiteur originaire”) à une autre (le “nouveau débiteur”) soit

a) par une convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur, sous réserve de l’article 9.2.3, soit

b) par une convention entre le créancier et le nouveau débiteur, par laquelle le nouveau débiteur assume l’obligation.

COMMENTAIRE

Comme la cession de créances couverte par la Section 1 du présent Chapitre, la cession de dettes peut avoir une utilité économique. Par exemple, si la société A peut demander paiement à son client B, mais qu’elle doit un montant similaire à son fournisseur X, il peut être pratique de s’arranger de façon à ce que le client devienne le débiteur du fournisseur.

Une telle cession de dettes peut survenir de deux façons différentes.

1. Cession par convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur

En pratique, la façon la plus fréquente de céder une obligation est d’utiliser la voie conventionnelle entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur, avec le consentement du créancier, conformément à l’article 9.2.3.

Illustration

1. La société A doit 50.000 EUR à son fournisseur X et le client B doit la même somme à A. A et B décident que ce dernier prendra en charge les dettes du premier envers X. La dette est cédée si X consent à l’opération.

 

2. Cession par convention entre le créancier et le nouveau débiteur

Une autre possibilité consiste en une convention entre le créancier et le nouveau débiteur par laquelle le nouveau débiteur accepte de prendre en charge la dette.

Illustration

2. Les produits de la société X sont vendus par le distributeur A sur un marché déterminé. Le contrat entre les parties arrive à échéance. Le distributeur B entre en négociations avec X en lui proposant de prendre en charge la distribution. Pour que X accepte, B promet qu’il assumera une dette de 50.000 EUR que A a à l’égard de X, et X accepte. B est devenu le débiteur de X.

3. Consentement du créancier nécessaire

Dans les deux cas, le créancier doit donner son consentement à la cession. Cela est évident lorsque la cession intervient par convention entre le créancier et le nouveau débiteur. Si la cession a lieu par convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur, l’exigence est établie à l’article 9.2.3. Le consentement peut être donné de manière anticipée en vertu de l’article 9.2.4.

Sans le consentement du créancier, le débiteur peut décider avec une autre personne que cette dernière s’acquittera de la dette en vertu de l’article 9.2.6.

4. Uniquement les cessions par convention

Seules les cessions par convention sont régies par la présente Section, par opposition aux situations dans lesquelles la loi applicable peut prévoir des cessions par effet de la loi (comme dans certaines législations, la cession automatique d’obligations dans les opérations de fusion d’entreprises – voir l’article 9.2.2).

 

5. Obligations se rapportant au paiement d’une somme d’argent ou à l’exécution d’une autre prestation

La présente Section n’est pas limitée à la cession de dettes de paiement de sommes d’argent. Elle couvre également la cession de dettes relatives à d’autres formes de prestations, comme les prestations de services. Les dettes transférables ne sont pas non plus limitées aux obligations de nature contractuelle. Les obligations dérivant d’une responsabilité délictuelle ou d’une décision judiciaire peuvent par exemple être régies par la présente Section, sous réserve de l’article 1.4.

 

6. Ce que signifie l’expression “cession”

La “cession” d’une dette signifie que ladite dette quitte le patrimoine du débiteur originaire pour entrer dans celui du nouveau débiteur.

Toutefois, dans certains cas, bien que le nouveau débiteur devienne obligé envers le créancier, le débiteur originaire n’est pas libéré (voir l’article 9.2.5).

La présente Section ne régit pas les cessions de dettes réalisées selon les règles particulières applicables aux cessions de dettes dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

COMMENTAIRE

Les articles contenus dans la présente Section ne s’appliquent pas aux cessions de dettes réalisées au cours d’un transfert d’entreprise en vertu de règles spéciales qui régissent de telles cessions, comme cela peut arriver dans le cas de fusions de sociétés. La loi applicable prévoit souvent des mécanismes conformément auxquels les droits et obligations, sous certaines conditions, sont transférés globalement par effet de la loi.

L’article 9.2.2 n’empêche pas la présente Section de s’appliquer lorsque certaines obligations faisant partie du transfert d’entreprise sont transférées individuellement.

Illustrations

1. La société A est cédée à la société B. Si la loi applicable prévoit que toutes les obligations appartenant à la première société sont automatiquement transférées à cette dernière, les Principes ne s’appliquent pas.

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici B a des motifs de préférer ne pas devenir le débiteur de la société X, un des fournisseurs de A. A peut céder les dettes concernées à la société C, avec le consentement de X. Cette cession particulière est soumise aux Principes.

La cession d’une dette par convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur requiert le consentement du créancier.

 

COMMENTAIRE

 

1. Convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur

Ainsi que l’établit l’article 9.2.1(a), la cession d’une dette peut survenir par l’effet d’une convention entre le débiteur originaire et la personne qui deviendra le nouveau débiteur.

2. Le consentement du créancier est exigé

Cette convention, néanmoins, ne suffit pas à céder la dette. Il faut également que le créancier donne son consentement.

Cela diffère de la règle correspondante sur les cessions de créances pour lesquelles l’opération est en principe valable sans le consentement du débiteur (voir l’article 9.1.7). La cession d’une créance n’affecte pas la situation du débiteur, excepté que le débiteur devra s’exécuter auprès d’une autre personne. Au contraire, un changement de débiteur peut considérablement porter atteinte à la situation du créancier, le nouveau débiteur pouvant être moins fiable que le débiteur originaire. Le changement ne saurait donc être imposé au créancier, qui doit donner son consentement.

Illustration

La société A doit 150.000 USD à la société X, située en Asie, pour services rendus. En raison de la réorganisation du groupe, les activités de A en Asie sont prises en charge par la filiale B. A et B décident que B prendra en charge la dette de A envers X. La dette est cédée seulement si X donne son consentement.

3. Le débiteur originaire n’est pas nécessairement libéré

Avec le consentement du créancier, le nouveau débiteur devient obligé à la dette. Il ne s’ensuit pas nécessairement que le débiteur originaire soit libéré (voir l’article 9.2.5).

 

4. Absence de consentement du créancier

Si le créancier refuse de donner son consentement à la cession ou si son consentement n’est pas sollicité, un arrangement pour l’exécution par un tiers est possible en vertu de l’article 9.2.6.

1) Le créancier peut donner son consentement de manière anticipée.

2) Si le créancier a donné son consentement de manière anticipée, la cession de la dette produit ses effets lorsque la cession est notifiée au créancier ou lorsque le créancier la reconnaît.

 

COMMENTAIRE

1. Consentement anticipé du créancier

Le paragraphe 1 du présent article prévoit que le consentement du créancier, exigé en vertu de l’article 9.2.3, peut être donné de manière anticipée.

Illustration

1. Le titulaire d’un brevet X conclut un accord de transfert de technologie avec A. Pendant dix ans, A devra payer des redevances à X. Au moment de la conclusion du contrat, A envisage qu’à un certain moment, il préférera que les redevances soient payées par sa filiale B. X peut consentir de manière anticipée dans le contrat à ce que l’obligation de payer les redevances soit transférée de A à B.

2. Moment à partir duquel la cession produit ses effets vis-à-vis du créancier

Conformément au paragraphe 2, si le créancier a donné son consentement de manière anticipée, la cession de l’obligation produit ses effets lorsqu’elle est notifiée au créancier ou lorsque le créancier la reconnaît. Cela signifie qu’il est suffisant pour le débiteur originaire ou le nouveau débiteur de notifier au créancier la cession lorsqu’elle survient. La notification n’est pas nécessaire s’il apparaît que le créancier a reconnu la cession à laquelle il a donné son consentement par avance. La “reconnaissance” implique que le créancier donne un signe manifeste de sa connaissance de la cession.

Illustrations

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici A et B décident effectivement à un certain moment que B prendra désormais en charge les obligations de paiement des redevances. Cette décision prendra effet lorsque notification en sera faite à X.

 

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1. Aucune notification n’est faite, mais le premier paiement des droits est effectué par B et X lui écrit pour accuser réception du paiement et confirmer qu’il s’attend dorénavant à ce que B paie les droits. La cession prend effet avec cette reconnaissance.

1) Le créancier peut libérer le débiteur originaire.

2) Le créancier peut également conserver le débiteur originaire comme débiteur pour le cas où le nouveau débiteur n’exécuterait pas correctement son obligation.

3) En tout autre cas, le débiteur originaire et le nouveau débiteur sont engagés solidairement.

 

COMMENTAIRE

1. Portée de la libération du débiteur originaire

Le consentement du créancier, qu’il soit donné en vertu de l’article 9.2.1(b) ou en vertu de l’article 9.2.3, a pour effet que le nouveau débiteur devient obligé à la dette. Il reste à déterminer si le débiteur originaire est libéré. Il appartient en premier lieu au créancier de choisir parmi différentes options. Dans le cas de l’article 9.2.1(b) seulement, le choix dépendra aussi du débiteur originaire.

2. Choix du créancier: libérer complètement le débiteur originaire

Le créancier peut en premier lieu libérer complètement le débiteur originaire.

 

Illustration

1. Le fournisseur X accepte que son débiteur, la société A, transfère son obligation de payer le prix au client B. Pleinement confiant dans la solvabilité et la fiabilité du nouveau débiteur, X libère A. Si B manque de s’exécuter, la perte sera subie par X, qui n’aura aucun recours contre A.

3. Choix du créancier: conserver le débiteur originaire comme débiteur subsidiaire

Une autre possibilité pour le créancier est d’accepter la cession de l’obligation du débiteur originaire au nouveau débiteur à la condition de se réserver un recours contre le débiteur originaire.

Il existe deux options.

Dans la première option, le débiteur originaire reste débiteur pour le cas où le nouveau débiteur ne s’exécuterait pas correctement. Dans ce cas, le créancier doit nécessairement demander en premier lieu l’exécution au nouveau débiteur. Le débiteur originaire sera sollicité seulement si le nouveau débiteur ne s’exécute pas correctement.

Illustration

2. Le fournisseur X accepte que son débiteur, la société A, cède son obligation de payer le prix au client B, mais stipule cette fois que A restera obligée si B ne s’exécute pas correctement. X n’a plus de recours direct envers A et doit d’abord demander l’exécution à B. Si toutefois B manque de s’exécuter, X pourra se retourner contre A.

4. Choix du créancier: conserver le débiteur originaire et le nouveau débiteur comme débiteurs solidaires

La seconde option, la plus favorable pour le créancier, est de conserver le débiteur originaire et le nouveau débiteur comme débiteurs solidaires. Cela signifie que lorsque l’exécution est due, le créancier peut s’adresser soit au débiteur originaire, soit au nouveau débiteur (voir les articles 11.1.3 et suiv.). Si le créancier obtient l’exécution du débiteur originaire, ce dernier aura alors un recours contre le nouveau débiteur (voir les articles 11.1.10 et suiv.).

Illustration

3. Le fournisseur X accepte que son débiteur, la société A, transfère son obligation de paiement au client B mais stipule que A et B demeureront engagés solidairement. Dans ce cas, X peut demander l’exécution à A ou à B. Si B s’exécute correctement, A et B seront pleinement libérés. Si A s’acquitte de la dette envers X, A disposera d’un recours contre B.

5. Absence de choix du créancier

La formulation de cet article exprime clairement que la dernière option mentionnée est la règle applicable par défaut. En d’autres termes, si le créancier n’a pas indiqué son intention de libérer le débiteur originaire ou celle de conserver le débiteur originaire comme débiteur subsidiaire, le débiteur originaire et le nouveau débiteur répondront solidairement de l’obligation.

Illustration

4. Le fournisseur X accepte que son débiteur, la société A, transfère sa dette au client B mais ne dit rien de l’obligation de A. Ici aussi, X peut demander paiement à A ou à B. Si B paie correctement, le débiteur originaire comme le nouveau débiteur seront pleinement libérés. En revanche, si A s’acquitte de la dette envers X, A disposera d’un recours contre B.

6. Débiteur originaire refusant d’être libéré

Lorsque l’obligation est assumée par une convention entre le créancier et le nouveau débiteur, ainsi que le prévoit l’article 9.2.1(b), et que la convention prévoit que le débiteur originaire est libéré, la convention revêt la portée d’une stipulation pour autrui. En vertu de l’article 5.2.6, pareil bénéfice ne peut pas être imposé au bénéficiaire qui peut avoir des raisons de ne pas l’accepter. Le débiteur originaire peut dès lors refuser d’être libéré par la convention passée entre le créancier et le nouveau débiteur.

Lorsque survient un tel refus, le nouveau débiteur est obligé envers le créancier, mais le débiteur originaire et le nouveau débiteur répondront solidairement de la dette conformément à la règle posée à l’article 9.2.5(3). Illustration

5. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici l’obligation est cédée par une convention passée entre X et B, et X libère A. Si A n’est plus intéressée par une relation d’affaires avec B, elle peut accepter d’être libérée. En revanche, si A désire conserver les possibilités qu’elle a de bénéficier d’un renouvellement de son contrat avec X, elle pourrait souhaiter entretenir la relation et donc refuser d’être libérée.

1) Sans le consentement du créancier, le débiteur peut convenir avec une autre personne que cette dernière exécutera l’obligation à la place du débiteur, à moins que l’obligation, selon les circonstances, ne revête un caractère essentiellement personnel.

2)  Le créancier conserve son recours contre le débiteur.

COMMENTAIRE

1. Accord sur l’exécution par un tiers

Les dettes peuvent être cédées soit par convention entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur, avec le consentement du créancier (voir l’article 9.2.1(a)), soit par convention entre le créancier et le nouveau débiteur (voir l’article 9.2.1(b)).

Il peut y avoir des situations dans lesquelles le créancier ne donne pas son consentement, soit parce qu’il n’a pas été sollicité, soit parce qu’il a été refusé. Dans ces cas, le débiteur peut convenir avec une autre personne que celle-ci s’acquittera de la dette à la place du débiteur. Lorsque l’exécution est due, l’autre personne exécutera l’obligation au profit du créancier.

Alors qu’un créancier peut refuser d’accepter un nouveau débiteur avant que l’exécution soit due, il ne peut pas en principe refuser d’accepter l’exécution elle-même quand elle est offerte par une autre partie. Illustration

1. Les sociétés A et B concluent un contrat de coopération pour leurs activités sur un certain marché. Elles décident à un certain moment de redistribuer certaines de leurs fonctions. B prendra en charge toutes les opérations concernant les télécommunications qui relevaient au préalable de la responsabilité de A. Le 30 octobre suivant, A aurait été obligée de payer un montant de 100.000 USD à la société X, opérateur local. Les deux associés décident que B paiera ce montant lorsqu’il sera dû. Le 30 octobre, X ne peut pas refuser le paiement fait par B.

2. Obligation d’un caractère essentiellement personnel

L’exécution par un tiers ne peut pas être refusée par le créancier dans les cas où elle serait aussi satisfaisante que l’exécution par le débiteur lui-même. La situation est différente quand la prestation due revêt un caractère essentiellement personnel, liée aux qualifications spécifiques du débiteur. Le créancier peut alors insister pour recevoir cette exécution par le débiteur lui-même.

Illustration

2. Dans l’Illustration 1, B prend également en charge les opérations concernant la maintenance de certains matériels d’équipement sophistiqués qui sont développés par A et vendus à la société Y. Les associés décident que la prochaine maintenance annuelle sera faite par B. Lorsque les techniciens de B arrivent dans les locaux de Y, Y peut refuser leur intervention, invoquant la nature délicate des vérifications impliquées, et prétendant être en droit de bénéficier d’une maintenance effectuée par le personnel spécialisé de A.

1)  Le nouveau débiteur peut opposer au créancier tous les moyens de défense que le débiteur originaire pourrait opposer au créancier.

2) Le nouveau débiteur ne peut pas exercer à l’encontre du créancier un droit de compensation dont disposait le débiteur originaire à l’égard du créancier.


COMMENTAIRE

1. Opposabilité des moyens de défense

Les obligations cédées au nouveau débiteur sont les mêmes que celles qui obligeaient le débiteur originaire (et, dans certains cas, l’obligent encore – voir l’article 9.2.5).

Si le débiteur originaire avait été en mesure de suspendre ou de refuser le paiement au créancier sur la base d’un moyen de défense, comme l’exécution incorrecte des propres obligations du créancier, le nouveau débiteur pourra se fonder sur les mêmes moyens de défense à l’encontre du créancier.

Illustration

1. La société A doit à la société X un montant de 200.000 EUR devant être payé à la fin de l’année, correspondant au prix de services de gestion. Avec le consentement de X, A cède cette dette à la société B. Les services rendus à A par X sont extrêmement défectueux, donnant ainsi à A un moyen de défense valable pour refuser le paiement. Lorsque le paiement est dû, B peut opposer le même moyen de défense à X.

2. Moyens de défense de nature procédurale

La même solution s’applique aux moyens de défense de nature procédurale.

Illustration

2. Les faits sont les mêmes que dans l’Illustration 1 mais ici X poursuit B devant le tribunal de son lieu d’établissement. B peut invoquer utilement la clause d’arbitrage insérée dans le contrat entre A et X.

3. Compensation

Le droit de compensation se rapportant à une obligation du créancier envers le débiteur originaire ne peut toutefois pas être exercé par le nouveau débiteur. L’exigence de réciprocité n’est plus satisfaite entre le créancier et le nouveau débiteur. Le débiteur originaire peut encore exercer son droit de compensation s’il n’a pas été libéré.

1) Le créancier peut se prévaloir à l’égard du nouveau débiteur de tous ses droits à un paiement ou à une autre prestation prévus par le contrat relativement à la dette cédée.

2) Si le débiteur originaire est libéré en vertu du paragraphe 1 de l’article 9.2.5, toute personne autre que le nouveau débiteur ayant garanti le paiement de la dette est libérée, à moins que cette autre personne n’accepte de maintenir la garantie en faveur du créancier.

3) La libération du débiteur originaire entraîne également l’extinction de toute sûreté donnée par le débiteur originaire au créancier en garantie de l’exécution de l’obligation, à moins que la sûreté ne porte sur un bien transféré dans le cadre d’une opération intervenue entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur.

COMMENTAIRE

 

1. Portée de la cession

Les règles posées au présent article sont inspirées du même principe que l’article 9.2.7. La dette est cédée au nouveau débiteur telle qu’elle est, non seulement avec les moyens de défense que le débiteur originaire était en mesure d’opposer, mais également avec tous les droits à un paiement ou à une autre prestation prévus au contrat que le créancier avait concernant la dette cédée.

Les illustrations suivantes fournissent des exemples de telles créances.

Illustrations

1. La société A doit à la banque X le remboursement d’un prêt de 1.000.000 EUR portant intérêts au taux de 3%. A cède sa dette de remboursement du principal à la société B. La cession comprend également l’obligation de payer les intérêts à 3%.

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici le contrat de prêt permet à X de demander le remboursement anticipé si A est en défaut de payer l’intérêt dû. X peut aussi opposer ce droit à l’encontre de B.

2. Aménagements contractuels

L’autonomie des parties permet des aménagements à la règle posée par le présent article, telle qu’une cession de dette séparée de la dette d’intérêts.

3. Sorts comparés des garanties en cas de cession de créance et de cession de dette

Dans le cas d’une cession de créance, tous les droits garantissant l’exécution sont automatiquement transférés au cessionnaire (voir l’article 9.1.14(b)). Cette solution est justifiée par le fait que la cession d’une créance ne porte pas atteinte à la situation du débiteur, c’est-à-dire que les sûretés peuvent continuer à jouer leur rôle dans des circonstances identiques.

La cession d’une dette à un nouveau débiteur, au contraire, modifie le contexte dans lequel la sûreté a été concédée. Si le débiteur originaire est libéré et si la sûreté devait être transférée avec la dette, le risque d’inexécution ou d’insolvabilité devant être couvert serait celui d’une autre personne, modifiant ainsi complètement l’objet de la sûreté.

4. Sûretés personnelles

Si la dette du débiteur originaire était garantie par une sûreté personnelle concédée par une autre personne, cette garantie peut être maintenue si le débiteur originaire reste obligé. Si, en revanche, le débiteur originaire est libéré, la garantie personnelle ne peut pas être cédée pour couvrir le nouveau débiteur, à moins que la personne qui concède la garantie décide d’étendre son engagement au bénéfice du créancier.

Illustration

3. La société A doit 1.000.000 USD à la société X. La banque S a décidé de fournir sa garantie pour la bonne exécution de cette dette. Avec l’accord de X, A cède la dette à la société B et X accepte de libérer A. S ne garantit pas les obligations de B, à moins qu’elle décide d’étendre sa garantie.

Une hypothèse spécifique concerne le cas dans lequel la garantie a été concédée par la personne qui est elle-même le nouveau débiteur. Dans ce cas, la garantie disparaît nécessairement, puisqu’une personne ne peut pas fournir la garantie de ses propres obligations.

5. Sûretés portant sur des actifs

Le débiteur originaire peut avoir concédé une sûreté sur l’un de ses actifs. Dans ce cas, si la dette est cédée et que le débiteur originaire est libéré, la garantie cesse de couvrir la dette qui oblige désormais le nouveau débiteur.

Illustration

4. La banque X a concédé un prêt de 100.000 EUR à la société A, prêt garanti par un dépôt de titres par le débiteur. Avec l’accord de X, A transfère l’obligation de rembourser le prêt à la société B, et X accepte de libérer A. Les titres cessent de servir de garantie.

La solution est différente si l’actif qui a été donné en garantie est cédé comme un élément de la transaction entre le débiteur originaire et le nouveau débiteur.

Illustration

5. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 4 mais ici le transfert de la dette entre A et B survient comme faisant partie d’une opération plus large dans laquelle la propriété des titres est également transférée à B. Dans une telle situation, les titres continueront à servir de garantie pour les dettes de B pour rembourser le prêt.