CHAPITRE 9 - SECTION 3

CHAPITRE 9 - CESSION DE CRÉANCES, CESSION DE DETTES, CESSION DE CONTRATS - SECTION 3: CESSION DE CONTRATS

Une “cession de contrat” est le transfert par convention effectué par une personne (le “cédant”) à une autre (le “cessionnaire”) des droits et obligations du cédant nés d’un contrat avec une autre personne (l’ “autre partie”).

COMMENTAIRE

Conformément aux règles des Sections 1 et 2 du présent Chapitre, créances et dettes peuvent être cédées séparément. Dans certains cas cependant, un contrat est cédé dans son ensemble. Plus précisément, une personne cède à une autre personne toutes les créances et dettes dérivant de sa qualité de partie à un contrat. Un contractant, par exemple, peut souhaiter laisser un autre contractant le remplacer comme partie à un contrat de construction. Les articles de la présente Section couvrent les cessions de contrats telles que définies au présent article.

 

Seules les cessions par convention sont concernées, par opposition aux différentes situations dans lesquelles la loi applicable peut prévoir des cessions par effet de la loi (comme dans certaines législations, la cession automatique de contrats dans les opérations de fusion d’entreprises – voir l’article 9.3.2).

La présente Section ne régit pas les cessions de contrats réalisées selon les règles particulières applicables aux cessions de contrats dans le cadre d’un transfert d’entreprise.

COMMENTAIRE

La cession de contrats peut être soumise à des règles spécifiques de la loi applicable lorsqu’elle est faite dans le cadre d’un transfert d’entreprise. De telles règles spéciales prévoient souvent des mécanismes par lesquels tous les contrats de l’entreprise, sous certaines conditions, sont cédés par le seul effet de la loi.

Le présent article n’empêche pas l’application des Principes lorsque certains contrats appartenant à l’entreprise transférée sont cédés individuellement.

Illustrations

1. La société A est cédée à la société B. Si la loi applicable prévoit que tous les contrats auxquels la première société était partie sont automatiquement transférés à la société B, les Principes ne s’appliquent pas.

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici la société B n’est pas intéressée à la reprise d’un contrat avec la société X et préfère que ce contrat soit cédé à la société C. Cette cession particulière est soumise aux Principes.

La cession d’un contrat requiert le consentement de l’autre partie.

COMMENTAIRE

1. Convention entre le cédant et le cessionnaire

La première exigence pour céder un contrat est que le cédant et le cessionnaire aient convenu de l’opération.

2. Le consentement de l’autre partie est exigé

Cette convention ne suffit pas toutefois à céder le contrat. Il est également nécessaire que l’autre partie donne son consentement.

S’il ne s’agissait que de céder des créances, un tel consentement ne serait en principe pas nécessaire (voir l’article 9.1.7). Néanmoins, la cession d’un contrat impliquant également une cession de dettes qui ne peut être valable sans le consentement du créancier (voir l’article 9.2.3), la cession d’un contrat ne peut donc survenir qu’avec le consentement de l’autre partie.

Illustration

Un espace de bureaux est loué par le propriétaire X à la société A. Le contrat a une durée de six ans. En raison du développement de ses affaires, A désire emménager dans des locaux plus grands. La société B serait intéressée à reprendre le bail. Le contrat peut être cédé par convention entre A et B, mais la transaction requiert également le consentement de X.

3. Le cédant n’est pas nécessairement libéré de ses obligations

Avec le consentement de l’autre partie, le cessionnaire devient obligé par les obligations du cédant dérivant du contrat cédé. Il ne s’ensuit pas nécessairement que le cédant est libéré (voir l’article 9.3.5).

1) L’autre partie peut donner son consentement de manière anticipée.

2) Si l’autre partie a donné son consentement de manière anticipée, la cession du contrat produit ses effets lorsque la cession est notifiée à l’autre partie ou lorsque l’autre partie la reconnaît.

COMMENTAIRE

1. Consentement anticipé de l’autre partie

Le paragraphe 1 du présent article prévoit que le consentement de l’autre partie, exigé en vertu de l’article 9.3.3, peut être donné de manière anticipée.

Cette règle, en ce qui concerne la cession de contrats, correspond à la règle de l’article 9.2.4 en vertu de laquelle le créancier, qui doit consentir à la cession de la dette, peut exprimer son consentement à l’avance. De la même façon, l’autre partie qui doit consentir à la cession du contrat peut également donner son consentement de manière anticipée. Illustration

1. La société X a conclu avec l’agence A un contrat en vertu duquel cette dernière sera responsable de la publicité des produits de X pour les cinq prochaines années dans le pays M. A envisage néanmoins déjà de cesser ses activités dans le pays M dans un avenir proche et obtient le consentement anticipé de X afin que le contrat puisse être cédé plus tard à l’agence B située dans la capitale du pays M. Ce consentement anticipé est valable en vertu de l’article 9.3.4.

2. Moment à partir duquel la cession du contrat produit ses effets vis-à-vis de l’autre partie

Conformément au paragraphe 2, si l’autre partie a donné son consentement anticipé, la cession du contrat produira ses effets lorsqu’elle est notifiée à l’autre partie ou lorsque l’autre partie la reconnaît. Cela signifie qu’il est suffisant que le cédant ou le cessionnaire notifie la cession lorsqu’elle survient. La notification n’est pas nécessaire s’il apparaît que l’autre partie a reconnu la cession du contrat, cession pour laquelle il avait donné son consentement anticipé. Il y a “reconnaissance” lorsque l’autre partie donne un signe manifeste de sa connaissance de l’existence de la cession.

Illustrations

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1. Lorsque A cède effectivement son contrat à B, la cession produit ses effets vis-à-vis de l’autre partie lorsque A ou B la notifie à X.

 

3. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1. Aucune notification n’est donnée mais B envoie à X une proposition pour une nouvelle campagne de publicité. X comprend que la cession a eu lieu et envoie ses commentaires sur la proposition à B. La cession du contrat produit ses effets avec cette reconnaissance de la cession.

1) L’autre partie peut libérer le cédant.

2) L’autre partie peut également conserver le cédant comme débiteur pour le cas où le cessionnaire n’exécuterait pas correctement ses obligations.

3) En tout autre cas, le cédant et le cessionnaire sont engagés solidairement.

COMMENTAIRE

1. Portée de la libération du cédant

Le présent article, qui concerne la cession de contrats, correspond à la règle posée à l’article 9.2.5. Dans la mesure où la cession d’un contrat entraîne la cession d’obligations du cédant au cessionnaire, l’autre partie, en tant que créancier, peut décider des effets que l’acceptation du cessionnaire en tant que nouveau débiteur aura sur les obligations du cédant. Le présent article donne à l’autre partie plusieurs choix et prévoit une règle applicable par défaut.

2. Choix de l’autre partie: libérer complètement le cédant

L’autre partie peut en premier lieu libérer complètement le cédant.

Illustration

1. Par contrat avec la société X, la société A s’est engagée à se débarrasser des déchets engendrés par un procédé industriel. X accepte à un moment donné que le contrat soit cédé par A à la société B. Pleinement confiant dans la solvabilité et la fiabilité du nouveau débiteur, X libère A. Si B manque de s’exécuter correctement, X n’aura aucun recours contre A.

3. Choix de l’autre partie: conserver le cédant comme débiteur subsidiaire

Une autre possibilité pour l’autre partie est d’accepter la cession de contrat à la condition de se réserver un recours contre le cédant.

Il existe deux options.

Dans la première option, le cédant reste débiteur pour le cas où le cessionnaire ne s’exécuterait pas correctement. Dans ce cas, l’autre partie doit nécessairement demander en premier lieu l’exécution au cessionnaire. Le cédant sera sollicité seulement si le cessionnaire ne s’exécute pas correctement.

Illustration

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici X, au moment de consentir à la cession, a indiqué que A restera obligée si B ne s’exécute pas correctement. X n’a plus de recours direct contre A et doit d’abord demander l’exécution à B. Si toutefois B manque de s’exécuter, X pourra se retourner contre A.

 

4. Choix de l’autre partie: conserver le cédant et le cessionnaire comme débiteurs solidaires

La seconde option, la plus favorable pour l’autre partie, consiste à conserver le cédant et le cessionnaire comme débiteurs solidaires. Cela signifie que lorsque l’exécution est due, l’autre partie peut s’adresser soit au cédant, soit au cessionnaire (voir les articles 11.1.3 et suiv.). Si l’autre partie obtient l’exécution du cédant, ce dernier aura alors un recours contre le cessionnaire (voir les articles 11.1.10 et suiv.).

Illustration

3. La société X accepte que la société A cède le contrat à la société B mais stipule que A et B demeureront engagés solidairement. Dans ce cas, X peut demander l’exécution à A ou à B. Si B s’exécute correctement, A et B seront pleinement libérés. Si A s’exécute envers X, A disposera d’un recours contre B.

5. Absence de choix de l’autre partie

La formulation de cet article exprime clairement que la dernière option mentionnée est la règle applicable par défaut. En d’autres termes, si l’autre partie n’a pas indiqué son intention de libérer le cédant ou celle de conserver le cédant seulement comme débiteur subsidiaire, le cédant et le cessionnaire seront solidairement obligés.

Illustration

4. La société X accepte que la société A cède le contrat à la société B mais ne dit rien des obligations de A. Dans ce cas aussi, X peut demander l’exécution à A ou à B. Si B les exécute correctement, A et B seront pleinement libérés. Si A les exécute, A disposera alors d’un recours contre B.

6. Faculté de faire des choix différents

Une partie à un contrat est souvent soumise à un ensemble d’obligations. Lorsque le contrat est cédé, l’autre partie peut choisir d’exercer différentes options en ce qui concerne les différentes obligations. L’autre partie peut par exemple accepter de libérer le cédant pour une obligation déterminée, mais le conserver en revanche comme débiteur subsidiaire ou le considérer solidairement engagé avec le cessionnaire pour les autres obligations.

 

Illustration

5. La société A a conclu un contrat de licence de savoir-faire avec la société X. En contrepartie du transfert de technologie, A s’est engagée à payer des redevances et à coopérer avec X pour le développement d’un nouveau produit. Lorsque plus tard X accepte que A cède le contrat à la société B, X libère A de l’obligation de participer à la recherche conjointe qu’il mènera seulement avec le cessionnaire, mais il conserve A comme débiteur subsidiaire ou le considère solidairement engagé avec B en ce qui concerne le paiement des redevances.

1) Dans la mesure où la cession d’un contrat comporte une cession de créances, l’article 9.1.13 est alors applicable.

2) Dans la mesure où la cession d’un contrat comporte une cession de dettes, l’article 9.2.7 est alors applicable.

COMMENTAIRE

La cession d’un contrat implique à la fois la cession des créances originaires et la cession des dettes originaires du cédant au cessionnaire. L’opération ne devrait pas porter atteinte à la situation de l’autre partie en tant que débiteur et elle devrait mettre le cessionnaire dans la même situation que le cédant en sa capacité de débiteur.

 

En conséquence, les dispositions concernant les moyens de défense dans les Sections 1 et 2 du présent Chapitre sont applicables. Lorsque le cessionnaire exerce ses droits, l’autre partie peut opposer tous les moyens de défense qu’elle aurait pu opposer en tant que débiteur si la demande avait été faite par le cédant (voir l’article 9.1.13). Lorsque l’autre partie exerce ses droits, le cessionnaire peut opposer tous les moyens de défense que le cédant aurait pu opposer en tant que débiteur si la demande lui avait été adressée (voir l’article 9.2.7).

Illustrations

1. La société X a externalisé son département de gestion des risques au consultant A. Avec le consentement de X, le contrat est cédé au consultant B. X subit alors une perte considérable pour laquelle elle n’était pas correctement assurée du fait de l’incompétence de A. Dans l’attente de l’indemnisation, X peut suspendre le paiement des honoraires convenus à B.

 

2. La compagnie aérienne A a un contrat avec la société de restauration X. A cède l’exploitation de ses vols vers certaines destinations à la compagnie aérienne B. Avec le consentement de X, le contrat de restauration est cédé par A à B. Un différend survient ultérieurement et X poursuit B devant le tribunal de son lieu d’établissement. B peut utilement invoquer comme moyen de défense procédural que le contrat cédé comprenait une clause compromissoire.

1) Dans la mesure où la cession d’un contrat comporte une cession de créances, l’article 9.1.14 est alors applicable.

2)  Dans la mesure où la cession d’un contrat comporte une cession de dettes, l’article 9.2.8 est alors applicable.

COMMENTAIRE

La cession d’un contrat implique à la fois la cession des créances originaires et la cession des dettes originaires du cédant au cessionnaire. En parallèle à ce qui a été dit à propos des moyens de défense en vertu de l’article 9.3.6, l’opération ne devrait pas porter atteinte à la situation de l’autre partie en tant que créancier et elle devrait mettre le cessionnaire dans la même situation que le cédant en tant que créancier.

En conséquence, les dispositions des Sections 1 et 2 du présent Chapitre concernant les droits relatifs à la créance cédée et à la dette cédée s’appliquent de manière correspondante.

Lorsque le cessionnaire agit à l’encontre de l’autre partie, il peut invoquer tous les droits au paiement de sommes d’argent ou à d’autres prestations résultant du contrat cédé en rapport aux créances cédées, ainsi que tous les droits garantissant une telle exécution (voir l’article 9.1.14). Lorsque l’autre partie exerce ses droits, elle peut opposer à l’encontre du cessionnaire tous ses droits au paiement de sommes d’argent ou à d’autres prestations résultant du contrat en ce qui concerne les dettes cédées (voir l’article 9.2.8(1)). Les sûretés concédées pour l’exécution des dettes du cédant sont maintenues ou levées conformément aux règles posées à l’article 9.2.8(2) et (3).

Illustrations

1. Un contrat de service prévoit que le retard de paiement des honoraires annuels dus par le client X au fournisseur A portera intérêt au taux de 10%. Avec le consentement de X, A cède le contrat au fournisseur B. Lorsque X est en défaut de payer à temps les honoraires annuels, B est en droit de demander de tels intérêts (voir l’article 9.1.14(a)).

 

2. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 1 mais ici X a aussi fourni à A une garantie bancaire couvrant le paiement de ses honoraires. B peut appeler cette garantie si X est en défaut de payer les honoraires (voir l’article 9.1.14(b)).

 

3. La société X a commandé à la société A la construction et l’installation d’équipements industriels. Des niveaux de qualité ont été convenus, et le contrat prévoit des dommages-intérêts dans le cas d’une exécution de niveau insuffisant. Avec le consentement de X, A cède le contrat à la société B. Le cessionnaire livre des équipements qui ne satisfont pas au niveau de qualité requis. X peut réclamer à B les dommages-intérêts convenus (voir l’article 9.2.8(1)).

 

4. Les faits sont les mêmes que ceux de l’Illustration 3 mais ici A a constitué au bénéfice de X une garantie bancaire couvrant la bonne exécution. La garantie bancaire ne s’appliquera pas aux obligations de B résultant du transfert, à moins que la banque n’accepte d’étendre sa garantie à l’égard des dettes du cessionnaire (voir l’article 9.2.8(2)).