PRINCIPES ALI / UNIDROIT

PRINCIPES ALI / UNIDROIT DE PROCEDURE CIVILE TRANSNATIONALE

Principes ALI / UNIDROIT de procédure civile transnationale
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Champ d’application et transposition en droit interne

Les présents Principes sont destinés au règlement des litiges transnationaux en matière commerciale. Ils peuvent être également appropriés pour la solution de la plupart des autres litiges de nature civile et peuvent constituer le fondement de futures réformes des règles nationales de procédure.

Commentaire:

P-A Un système national souhaitant transposer les présents Principes peut le faire par un acte normatif, tel qu’une loi ou un ensemble de règles, ou un traité international. La loi du for peut décider que certaines catégories de litiges seront exclues du champ d’application des présents Principes, ou décider que l’application de ces derniers sera étendue à d’autres litiges civils. Les tribunaux peuvent adapter leur pratique aux présents Principes, en particulier si les parties à l’instance y sont favorables. Par ailleurs, les Principes fixent des standards permettant la reconnaissance, dans l’Etat du for, des jugements étrangers. V. le Principe 30. Les règles de procédure du for sont appliquées dans les litiges non soumis aux présents Principes.

P-B L’acte transposant les présents Principes pourra préciser les notions de “commercial” ou de “transnational”, en prenant nécessairement en compte les traditions juridiques ainsi que la terminologie nationales. La notion d’opérations commerciales transnationales peut inclure les contrats commerciaux conclus entre ressortissants de différents Etats ou conclus, dans un Etat, entre un ressortissant national et un autre, d’un Etat étranger. De telles opérations commerciales peuvent inclure les ventes, les baux, les emprunts, les investissements, les acquisitions, les opérations bancaires, les sûretés, les droits réels, la propriété intellectuelle ou toutes autres opérations commerciales ou financières, mais non nécessairement le droit de la consommation.

P-C Un différend ne peut être considéré comme transnational lorsqu’il concerne uniquement un Etat et des parties ressortissantes de ce même Etat. Pour les besoins de ces Principes, une personne physique est considérée comme ressortissante d’un Etat en raison de sa nationalité ou de sa résidence habituelle. Une personne morale (société commerciale, une association ou tout autre personne morale ou entité ayant capacité à agir) sont réputées être ressortissantes de l’Etat où elles ont été immatriculées et de celui où se trouve leur centre principal d’activités.

P-D Dans les litiges qui concernent une pluralité de parties ou de demandes, parmi lesquelles certaines ne relèveraient pas du champ d’application des présents Principes, ces derniers peuvent être néanmoins appliqués lorsque le tribunal considère que l’objet principal du litige relève de leur champ d’application. Toutefois, les Principes ne sont pas applicables, sans modifications, aux actions qui concernent un intérêt collectif, telles que les class actions, ou les actions en représentation conjointe, ou aux procédures collectives.

P-E Ces Principes sont également applicables aux procédures d’arbitrage international, sauf incompatibilité avec de telles procédures (comme par exemple, en ce qui concerne les Principes relatifs à la compétence, la publicité du procès et aux voies de recours).

 

1. Indépendance, impartialité et qualification du tribunal et de ses membres

1.1 Le tribunal et ses membres doivent disposer d’une indépendance leur permettant de résoudre le différend au regard des faits et des moyens de droit. Le tribunal doit être exempt d’influences intérieures et extérieures injustifiées.

1.2 Les juges bénéficient d’une permanence raisonnable. Les membres non professionnels du tribunal doivent être nommés à l’issue d’une procédure qui garantit leur indépendance par rapport aux parties, au litige et à toute personne intéressée au litige.

1.3 Le tribunal doit être impartial. Un juge ou toute personne ayant le pouvoir de prendre une décision ne doit pas participer aux activités du tribunal, dès lors qu’il existe des motifs raisonnables de mettre en doute son impartialité. Le droit du for doit prévoir des moyens équitables et efficaces pour contester l’impartialité.

1.4 Ni le tribunal ni le juge ne doivent accepter les communications relatives au litige faites par une partie en l’absence des autres parties, à l’exception des communications concernant une procédure non contradictoire ou la gestion ordinaire de l’instance. Si une telle communication a lieu, la partie absente doit être promptement informée du contenu de celle-ci.

1.5 Le tribunal doit avoir des connaissances juridiques solides et de l’expérience.

Commentaire:

P-1A L’indépendance doit être considérée comme une notion plus objective, et l’impartialité comme plus subjective, mais les deux qualités sont étroitement liées.

P-1B Des influences extérieures peuvent être exercées par des membres du pouvoir exécutif ou législatif ; les influences internes peuvent provenir d’autres membres du pouvoir judiciaire.

P-1C Ce Principe reconnaît que les juges exercent leurs fonctions pendant une longue période, et généralement pendant toute leur carrière. Toutefois, dans certains systèmes juridiques, les juges bénéficient d’une expérience préalable en tant qu’avocats et certains magistrats sont nommés pour une courte période. Un des objectifs de ces Principes est d’éviter la création de tribunaux ad hoc. Le terme “juge” désigne tout magistrat judiciaire ou quasi-judiciaire, selon la loi du for.

P1-D Même si l’existence d’une procédure permettant de contester l’impartialité du juge n’est nécessaire que dans des circonstances exceptionnelles, la possibilité d’accéder à une telle procédure renforce la confiance des parties, spécialement lorsqu’elles sont ressortissantes d’un autre Etat. Toutefois, l’existence d’une telle procédure ne doit pas conduire à des abus, par l’introduction de contestations infondées.

P1-E Le recours à des procédures non contradictoires (procédures ex parte) peut être justifié, notamment pour l’obtention de mesures provisoires. Voir les Principes 5.8 et 8. La procédure par défaut est soumise au Principe 15. La gestion de l’instance comprend, par exemple, la fixation du calendrier pour la présentation des éléments de preuve allégués.

P1-F Le Principe 1.5 exige seulement que les juges chargés d’un litige transnational aient des connaissances juridiques. Il n’exige pas qu’ils aient des connaissances spécifiques en droit des affaires ou en droit financier. Toutefois, la connaissance de ces domaines serait souhaitable.

 

2. Compétence à l’égard des parties

2.1 La compétence du tribunal peut s’exercer à l’égard d’une partie

2.1.1 Lorsque les parties décident de soumettre le litige au tribunal;

2.1.2 Lorsqu’il existe un lien substantiel entre l’Etat du for et la partie, l’opération ou les circonstances du litige. Un tel lien existe lorsqu’une partie essentielle de l’opération ou des circonstances du litige s’est réalisée dans l’Etat du for, lorsque le défendeur a sa résidence habituelle, s’il s’agit d’une personne physique, ou bien le centre principal de ses activités ou le lieu où il a été immatriculé dans l’Etat du for, s’il s’agit d’une personne morale. Ce lien existe également si les biens qui font l’objet du litige sont situés dans l’Etat du for.

2.2 La compétence peut être étendue si aucune autre juridiction étrangère n’apparaît raisonnablement compétente

2.2.1 Á l’égard d’un défendeur qui se trouve dans l’Etat du for ou qui a la nationalité de ce dernier

2.2.2 En cas de situation d’un bien du défendeur dans l’Etat du for, que le litige porte ou non sur ce bien ; dans ce cas, la compétence du tribunal doit être limitée à ce bien ou à sa valeur.

2.3 Des mesures provisoires peuvent être prononcées à l’encontre d’une personne ou de biens situés dans l’Etat du for, même si les tribunaux d’un autre Etat sont compétents pour connaître du litige.

2.4 Le tribunal saisi décline généralement sa compétence en présence d’une clause attributive de juridiction par laquelle les parties reconnaissent compétence exclusive à un autre tribunal.

2.5 Le tribunal peut décliner sa compétence ou surseoir à statuer, lorsqu’il apparaît que la compétence du tribunal serait manifestement inadéquate et que la compétence d’un autre tribunal serait plus appropriée.

2.6 Le tribunal décline sa compétence ou sursoit à statuer, si le litige est pendant devant les juridictions compétentes d’un autre Etat, à moins qu’il n’apparaisse que le litige ne sera pas équitablement, efficacement et rapidement tranché devant ces juridictions.

Commentaire:

P-2A Sous réserve des règles de compétence prévues par la loi du for ou par le droit international, généralement le tribunal peut être compétent en vertu de l’accord des parties. Un tribunal ne peut se déclarer compétent sur le fondement d’un consentement tacite des parties sans donner à celles-ci une possibilité équitable de contester cette compétence. A défaut d’accord des parties, et dans le respect de la volonté des parties de considérer qu’un autre tribunal ou un autre pays auront une compétence exclusive, un tribunal est compétent uniquement s’il existe un lien substantiel entre le litige et le for, selon les dispositions du Principe 2.1.2.

P-2B Le principe du “lien substantiel” est généralement accepté dans le contentieux transnational. La mise en œuvre de ce standard implique nécessairement des considérations de nature pratique et une certaine retenue de la part du tribunal Ce principe exclut la simple présence physique, appelée familièrement aux Etats-Unis la “tag jurisdiction”. Bien que fondé d’un point de vue historique dans la fédération américaine, le critère de la simple présence physique est inadapté au contentieux international moderne. Le concept de “lien substantiel” peut être précisé et dégagé à partir du droit conventionnel et de la loi nationale. La portée de cette expression peut ne pas être la même dans tous les systèmes. Toutefois, ce concept ne peut justifier que la compétence du tribunal soit fondée sur des relations d’affaires non liées à l’opération ou encore aux circonstances du litige.

P-2C Le Principe 2.2 couvre le concept de “forum necessitatis”- le for nécessaire- selon lequel le tribunal peut se considérer compétent lorsque aucun autre tribunal n’est accessible.

P-2D Le Principe 2.3 reconnaît qu’un Etat peut étendre la compétence de ses tribunaux par la saisie de biens situés sur son territoire, par exemple pour garantir l’efficacité d’un éventuel jugement, même lorsque la propriété de ces biens ne constitue pas l’objet du différend. La procédure est dans ce cas appelée “quasi in rem jurisdiction” dans certains systèmes juridiques. Le Principe 2.3 envisage que, dans ce cas, le fond du litige puisse être tranché par un autre tribunal. La question de la localisation des biens immatériels est soumise à la loi du for.

P-2E Les clauses attributives de juridiction ainsi que les clauses compromissoires doivent en principe être respectées.

P-2F Le concept reconnu dans le Principe 2.5 est comparable à la règle du forum non conveniens des pays de common law. Dans certains systèmes de droit civil, le concept tend à prévenir les abus de procédure fondés sur la compétence. La volonté de rendre ce Principe efficace peut aboutir à la suspension de l’instance dans le for, par égards envers un autre tribunal. L’existence d’un tribunal plus approprié est nécessaire à l’application de ce Principe. Ce Principe doit être interprété à la lumière du principe de l’égalité procédurale des parties, qui interdit tout type de discrimination fondée sur la nationalité ou la résidence. Voir le Principe 3.2.

P-2G Pour les délais et la portée des mécanismes permettant de suspendre d’autres procédures, comme la litispendance, voir les Principes 10.2 et 28.1.

 

3. Egalité procédurale des parties

3.1 Le tribunal assure aux parties, en demande et en défense, les mêmes garanties procédurales.

3.2 Ce droit s’oppose à toute discrimination non justifiée, de quelque sorte que ce soit, et notamment sur le fondement de leur nationalité ou de leur résidence. Le tribunal prend en compte les difficultés rencontrées par une partie étrangère pour pouvoir participer au procès.

3.3 Aucune caution ou garantie des frais de procédure ou, en cas d’une demande de mesures provisoires, dans l’éventualité où elle serait condamnée au fond, ne doit être exigée d’une personne sur le seul fondement de sa nationalité étrangère ou de son absence de résidence habituelle dans l’Etat du for.

3.4 Dans la mesure du possible, les règles de compétence territoriale ne doivent pas imposer à la partie n’ayant pas sa résidence habituelle dans l’Etat du for des frais déraisonnables pour accéder au tribunal.

Commentaire:

P-3A Le terme “raisonnable” est utilisé à plusieurs reprises dans les Principes, dans le sens, selon le contexte, de “proportionnel”, “significatif”, “non excessif”, ou “équitable”. Il peut aussi être employé par opposition à “arbitraire”. La référence au concept de raisonnable s’oppose aussi à une interprétation trop technique et reconnaît une marge de discrétion au tribunal, afin d’éviter une application trop stricte, excessive et déraisonnable des règles de procédure.

P-3B Les discriminations interdites peuvent se fonder sur la nationalité, le sexe, la race, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, les origines nationales ou sociales, la naissance ou tout autre état, les orientations sexuelles, ou l’appartenance à une minorité nationale. Toute forme de discrimination est interdite, mais les discriminations fondées sur la nationalité ou le lieu de résidence représentent un point particulièrement sensible dans le contentieux transnational.

P-3C Une protection particulière doit être assurée à une partie, telle qu’un mineur, n’ayant pas une pleine capacité juridique, pour la protection de ses intérêts, comme la nomination d’un tuteur ou d’un curateur. De telles mesures de protection ne peuvent être imposées de façon abusive à une partie étrangère.

P-3D Certains systèmes juridiques exigent qu’une personne fournisse une caution, ou une garantie en cas de demande de mesures provisoires, dans l’éventualité où elle serait condamnée au fond, pour garantir l’entier dédommagement pour les éventuels préjudices subis par l’autre partie. D’autres, au contraire, n’exigent pas de telles cautions ou garanties, ou les interdisent, par des dispositions constitutionnelles concernant l’accès à la justice ou l’égalité des parties. Le Principe 3.3 constitue un compromis entre ces deux positions, sans pour autant modifier, sur ce point, la loi du for. Toutefois, l’obligation pour une partie étrangère ou n’ayant pas sa résidence habituelle dans l’Etat du for de fournir une caution ou une garantie, dans le cas de mesures provisoires ou conservatoires, doit être appréciée selon les mêmes principes généraux.

P-3E Les règles nationales de compétence territoriale prennent en compte des considérations relatives à la facilité d’accès au tribunal à l’intérieur du pays. Elles devraient être appliquées à la lumière du principe de la facilité d’accès au tribunal prévue par le Principe 3.4. Une règle de compétence qui imposerait des difficultés essentielles pour l’accès au tribunal à l’intérieur de l’Etat du for ne devrait pas être appliquée dès lors qu’il existe un autre tribunal dont l’accès serait plus aisé ; de même, le procès devrait être transféré dans l’Etat du for dès lors que les règles de compétence désignent un tribunal dont l’accès est particulièrement difficile.

 

4. Droit pour les parties d’être assistées par un avocat

4.1 Chaque partie a le droit d’être assistée par un avocat de son choix. Elle doit pouvoir être représentée par un avocat admis à exercer dans l’Etat du for et assistée activement par un avocat exerçant ailleurs.
4.2 L’indépendance professionnelle de l’avocat doit être respectée. L’avocat doit être mis en mesure de respecter son devoir de loyauté envers son client et la confidentialité de ses échanges avec ce dernier.

Commentaire:

P-4A La loi du for peut exiger que l’avocat représentant une partie soit admis à exercer dans l’Etat du for, et interdire, si tel n’est pas le cas, que la partie puisse être représentée par lui. Toutefois, une partie devrait pouvoir être assistée par un autre avocat (et plus particulièrement par son avocat habituel) qui devrait être autorisé à assister et à participer activement à toutes les audiences.

P-4B Un avocat admis à exercer dans le pays d’une des parties n’est pas autorisé par ces Principes à représenter seul cette partie devant les tribunaux étrangers. Cette question est soumise à la loi du for ; toutefois, l’avocat étranger doit au moins être autorisé à assister aux audiences et à s’adresser, de façon informelle, au tribunal.

P-4C Les relations entre l’avocat et son client sont généralement soumises à la loi du for, y compris le choix des règles de droit applicables.

P-4D Les principes relatifs à la déontologie varient quelque peu selon les différents pays. Toutefois, tous les pays devraient reconnaître que les avocats, lors de l’exercice indépendant de leur mission, sont tenus à la défense des intérêts de leurs clients et à la protection du secret de la confidentialité des informations obtenus par eux.

 

5. Notification et droit d’être entendu

5.1 L’acte introductif d’instance doit faire l’objet d’une notification à toutes les parties qui ne sont pas demandeurs. Cette notification initiale doit être effectué par des moyens raisonnablement efficaces et contenir une copie de la demande introductive d’instance, ou comprendre sous quelque autre forme les allégations du demandeur ainsi que la solution requise. Une partie à l’encontre de laquelle une prétention est formulée doit être informée des moyens qui lui sont offerts pour répondre, ainsi que de la possibilité que soit rendu un jugement par défaut s’il s’abstient de répondre dans les délais requis.

5.2 La notification des documents précisés dans le Principe 5.1 doit être faite dans la langue de l’Etat du for ou bien dans une langue de l’Etat dans lequel le destinataire, s’il est une personne physique, a sa résidence habituelle ou, s’il est une personne morale, a le centre principal de ses activités ou bien encore dans la langue dans laquelle les principaux documents de l’opération litigieuse sont rédigés. Le défendeur et les autres parties doivent notifier leurs réponses et autres explications et requêtes dans la langue du procès, selon les dispositions du Principe 6.

5.3 Les parties reçoivent, au cours du procès, notification dans un bref délai de tous les actes des autres parties, ainsi que des décisions du tribunal.

5.4 Les parties ont le droit d’alléguer les faits et les moyens de droit pertinents, ainsi que de présenter des éléments de preuve.

5.5 Chaque partie doit avoir la possibilité, de façon équitable et dans un délai raisonnable, de répondre aux moyens de fait et de droit et aux preuves présentées par la partie adverse, ainsi qu’aux ordonnances et suggestions du tribunal.

5.6 Le tribunal doit prendre en considération tous les moyens de fait et de droit qui sont invoqués par les parties, et répondre à ceux qui sont essentiels.

5.7 Les parties ont le droit, d’un commun accord et avec l’autorisation du tribunal, d’avoir recours à des moyens rapides de communication tels que les moyens de télécommunication.

5.8 Une ordonnance affectant les intérêts d’une partie sans que celle-ci en ait reçu préalablement notification ne peut être rendue et exécutée que sur preuve d’une nécessité urgente et après considération des exigences d’équité. Une ordonnance rendue ex parte doit être proportionnelle aux intérêts dont le requérant demande la protection. Dès que possible, la partie doit recevoir notification de l’ordonnance ainsi que de ses motifs, afin qu’elle puisse la déférer au tribunal pour qu’il la réexamine dans sa totalité dans un délai bref.

Commentaire:

P-5A Les procédures de notification varient quelque peu selon les systèmes juridiques. Par exemple, dans certains systèmes le tribunal a la charge de procéder à la notification, y compris de l’acte introductif d’instance, alors que dans d’autres pays cette obligation incombe aux parties. Les modalités techniques requises par le droit du for doivent être respectées, afin de fournir une notification précise.

P-5B La possibilité qu’un jugement par défaut puisse être rendu revêt une importance particulière dans le contentieux international.

P-5C Le droit pour une partie d’être informée des moyens de fait et de droit de son adversaire est en accord avec les devoirs du tribunal, tels que définis au Principe 22.

P-5D Selon le Principe 5.5, les parties devraient notifier rapidement les éléments de faits sur lesquels reposent leurs demandes et défenses, ainsi que les règles de droit qui seront invoquées, afin que leur adversaire puisse préparer sa défense.

P-5E Le standard défini dans le Principe 5.6 n’exige pas que le tribunal prenne en considération des moyens de faits et de droit déjà appréciés dans une phase précédente de la procédure ou non nécessaires à la solution du litige. Voir le Principe 23, qui exige que la décision écrite soit accompagnée d’une motivation en fait et en droit.

P-5F Le droit du for peut prévoir l’emploi de moyens rapides de communication, sans que l’accord des parties, ou un ordre spécial du tribunal soit nécessaire.

P5-F Le Principe 5.8 autorise le recours à des procédures ex parte, telle qu’une ordonnance ou une mesure provisoire ou conservatoire, en particulier dans la première phase de l’instance. L’efficacité de ces mesures dépend souvent de la possibilité de les exécuter sans notification préalable. La partie à l’encontre de laquelle une telle mesure a été ordonnée doit en être rapidement informée, pouvoir être immédiatement entendue et pouvoir la faire réexaminer en fait et en droit. Une procédure ex parte doit être conduite conformément au Principe 8. Voir les Principes 1.4 et 8.

 

6. Langue de la procédure

6.1 La procédure doit être conduite généralement dans la langue du tribunal ; il en va de même des documents présentés et des communications orales.

6.2 Le tribunal peut autoriser l’emploi d’autres langues pour toute ou partie de la procédure à condition qu’il ne soit causé de grief à aucune des parties.

6.3 Une traduction doit être prévue lorsqu’une partie ou un témoin ne parle pas suffisamment la langue dans laquelle se déroule la procédure. La traduction de documents longs ou volumineux peut être limitée à des passages sélectionnés par les parties ou choisies par le tribunal.

Commentaire:

P-6A Le tribunal doit conduire le procès dans une langue qu’il maîtrise couramment. Il s’agira généralement de la langue de l’Etat où il siège. Toutefois, si le tribunal et les parties parlent une langue étrangère, elles peuvent choisir, ou le tribunal peut ordonner l’usage de cette langue pour tout ou partie du procès. Cela peut concerner l’examen par le tribunal d’un document particulier ou l’audition d’un témoin dans sa langue maternelle.

P-6B Souvent, lors d’un litige transnational, les témoins et les experts ne parlent pas la langue dans laquelle la procédure se déroule. Dans un tel cas, la traduction est nécessaire au tribunal et aux autres parties. Les témoignages peuvent être présentés par écrit à l’aide d’un traducteur, dont la partie qui a présenté le témoignage prend en charge les honoraires, à moins que le tribunal n’en décide autrement. Ou bien le témoin peut être interrogé au moment de sa déposition, sur accord des parties ou sur ordre du tribunal. La déposition peut alors être traduite et soumise au tribunal lors de l’audience.

 

7. Célérité de la justice

7.1 Le tribunal tranche le litige dans un délai raisonnable.

7.2 A cette fin, les parties doivent coopérer avec le tribunal et ont le droit d’être raisonnablement consultées pour l’établissement du calendrier de la procédure. Les règles de procédure et les ordonnances du tribunal peuvent fixer le calendrier prévisionnel et impartir des délais; des sanctions peuvent être prévues à l’encontre des parties ou de leurs avocats qui, sans motif légitime, ne respecteraient pas de telles obligations.

Commentaire:

P-7A Dans tous les systèmes juridiques le tribunal a le devoir d’avancer vers la solution du différend. Ce principe est généralement évoqué par la formule : “justice delayed is justice denied”. Certains systèmes prévoient un calendrier précisant les différentes étapes de la procédure.

P-7B La possibilité de pouvoir obtenir rapidement une décision judiciaire est un aspect de l’accès à la justice ; il est aussi considéré comme un droit fondamental ; il doit toutefois être compatible avec le droit pour une partie de pouvoir organiser et présenter sa défense.

 

8. Mesures provisoires et conservatoires

8.1 Le tribunal peut accorder une mesure provisoire lorsque cela est nécessaire pour assurer l’efficacité de la décision à intervenir, ou pour protéger ou régler la situation présente La mesure provisoire est prononcée dans le respect du principe de proportionnalité.

8.2 Un tribunal peut accorder une mesure provisoire sans notification préalable uniquement si l’urgence et de prépondérantes raisons d’équité l’exigent. Le demandeur doit communiquer tous les éléments de faits et moyens de droit que le juge doit équitablement prendre en considération. Une personne à l’encontre de laquelle une telle ordonnance ex parte a été rendue doit pouvoir contester dans les délais les plus brefs possibles le bien-fondé de l’ordonnance. 

8.3 Le requérant qui a sollicité du juge l’octroi d’une mesure provisoire est tenu d’indemniser l’adversaire contre lequel a été rendue l’ordonnance si le tribunal considère par la suite que l’ordonnance n’était pas fondée. Lorsque cela lui paraît nécessaire, le tribunal peut exiger du requérant qu’il dépose une garantie ou qu’il assume de façon formelle une telle obligation d’indemnisation.

Commentaire:

P-8A L’expression “mesure provisoire” inclut le concept d’ “ordonnance”, ou d’ “injunction”, à savoir l’ordre du tribunal de faire ou de ne pas faire, comme par exemple, l’obligation de préserver la propriété du bien en l’état. Le Principe 8.1 autorise ainsi les ordonnances de faire (qui exigent l’accomplissement d’un acte) ou de ne pas faire (qui interdisent un acte spécifique ou une série d’actions). Cette expression est utilisée dans une acception large, qui inclut les saisies-arrêts et les saisies conservatoires, et toute autre directive du tribunal. L’expression “régler”, inclut la possibilité d’améliorer le différend sous-jacent. C’est le cas par exemple des mesures de gestion d’une société pendant l’instance qui oppose deux associés. La possibilité, pour le tribunal, d’accorder des mesures telles que les saisies, s’apprécie d’après le droit du for ainsi que les principes de droit international applicable. Le tribunal peut accorder des mesures provisoires pour faciliter le déroulement d’une procédure arbitrale, ou pour faire exécuter une mesure provisoire accordée par un arbitre, ou exiger que la partie visée par l’ordonnance communique la localisation et la composition de son patrimoine.

P-8B Les Principes 5.8 et 8.2 autorisent le tribunal à rendre une ordonnance sans notification préalable à la personne contre laquelle celle-ci a été rendue, lorsqu’une “nécessité urgente” l’exige. Cette “nécessité urgente”, qui constitue la justification des ordonnances ex parte, est un concept qui est utilisé dans une acception concrète, tout comme celui de la prépondérance de considérations d’équité. Cette dernière expression correspond, dans le langage des pays de common law, au concept de “balance of equities”. L’appréciation des éléments d’équité doit prendre en compte le poids des arguments du demandeur, l’intérêt public le cas échéant, l’urgence du besoin d’une protection provisoire, et les charges pratiques qui découleraient de l’octroi d’une telle mesure. Une telle ordonnance est généralement connue sous le nom d’ordonnance ex parte. Voir le Principe 1.4.

P-8C Lors de l’examen de la demande d’une partie, qui sollicite l’octroi d’une mesure ex parte, le tribunal est appelé à apprécier si le demandeur a, de façon raisonnable et spécifique, démontré qu’une telle mesure est sollicitée pour prévenir un dommage irréparable dans la situation faisant l’objet du litige, et qu’il serait imprudent que le tribunal entende le défendeur avant de l’octroyer. C’est à la partie qui sollicite la délivrance d’une ordonnance sur requête de prouver que de telles conditions sont réunies. Toutefois, dès que possible, l’autre partie ou la personne à l’encontre de laquelle l’ordonnance a été délivrée doit recevoir une notification de l’ordonnance et avoir la possibilité d’exiger le réexamen dans un bref délai de la mesure accordée, ainsi que la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve. Voir le Principe 8.2.

P-8D Les règles de procédure exigent généralement que la partie qui sollicite la délivrance d’une mesure ex parte fournisse au tribunal tous les éléments de droit et de fait sur lesquelles elle fonde sa demande, que le tribunal prendra en compte, y compris les éléments qui ne soutiennent pas ses intérêts et qui sont favorables à son adversaire. Le défaut de communiquer ces éléments constitue un motif valable pour refuser la délivrance d’une telle mesure et pour engager la responsabilité de la partie requérante. Dans certains systèmes, le fait pour le tribunal d’accorder des dommages-intérêts en raison d’une ordonnance rendue de façon infondée ne reflète pas nécessairement la solution du litige au fond.

P8-E Après avoir entendu les intéressés, le tribunal peut accorder, annuler, renouveler, ou modifier une ordonnance. Si le tribunal a refusé de délivrer une ordonnance ex parte, il peut néanmoins délivrer une ordonnance à l’issue d’une audience. Si le tribunal a préalablement délivré une ordonnance ex parte, il peut renouveler ou modifier son ordonnance à la lumière des arguments développés lors de l’audience. La charge de prouver que l’ordonnance est justifiée repose sur la partie qui la sollicite.

P-8F Le Principe 8.3 autorise le tribunal à exiger le dépôt d’une garantie ou toute autre indemnisation, pour garantir les troubles ou le préjudice découlant d’une ordonnance. Les détails d’une telle indemnisation devraient être déterminés par la loi du for. Une telle obligation d’indemniser devrait être expresse et non simplement présumée, et pourrait être formalisée par un cautionnement accordé par un tiers.

P8-G À l’encontre d’une ordonnance délivrée selon ce Principe, il est possible de présenter, dans certains systèmes juridiques, un appel immédiat, selon les règles de procédure du for. Dans certains pays, une telle ordonnance a une durée limitée et son réexamen doit être effectué par le tribunal de première instance, avant un éventuel recours en appel. La garantie de la possibilité d’un réexamen est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit d’une mesure ex parte. L’appel, devant la juridiction de deuxième degré, se déroule de façon différente suivant les systèmes juridiques. Toutefois, il faudrait aussi tenir compte du fait qu’un tel réexamen peut entraîner une perte de temps ou des abus de procédure.

 

9. Déroulement du procès

9.1 Le procès est normalement organisé en trois phases: la phase introductive, la phase intermédiaire et la phase finale.

9.2. Lors de la phase introductive, les parties doivent présenter dans les écritures leurs demandes, défenses et autres affirmations et faire état de leurs principaux éléments de preuve.

9.3 Dans la phase intermédiaire, le tribunal, si nécessaire

9.3.1 Détermine, lors de conférences, le déroulement de la procédure;

9.3.2 Etablit le calendrier de déroulement de la procédure;

9.3.3 Apprécie les questions qui se prêtent à un examen préalable, telles que les questions de compétence, de mesures provisoires ou de prescription;

9.3.4 Apprécie les questions d’accessibilité, d’admission, de communication et d’échange des moyens de preuve;

9.3.5 Identifie les questions pouvant faire l’objet d’une décision préalable;

9.3.6 Ordonne l’administration de la preuve.

9.4 Lors de la phase finale, les éléments de preuve qui n’ont pas encore été communiqués au tribunal selon les modalités du Principe 9.3.6 sont généralement présentés dans une audience finale concentrée au cours de laquelle les parties présentent leurs conclusions finales.

Commentaire:

P-9A La notion de “déroulement” d’une procédure doit faire l’objet d’une application souple en fonction de la nature de chaque espèce. Ainsi par exemple, si cela est utile, le juge a le pouvoir discrétionnaire de tenir une conférence lors de la phase introductive et d’en tenir plusieurs au fur et à mesure de la progression de l’affaire.

P-9B Un calendrier méthodique facilite le déroulement rapide du litige. Un dialogue entre le tribunal et les avocats des parties facilite l’adoption d’un calendrier concret et des auditions méthodiques. Voir le Principe 14.2 et le Commentaire P-14A.

P-9C Traditionnellement, les juridictions des pays de droit civil avaient recours à une suite de courtes audiences, alors que celles des pays de common law organisaient la procédure avec une audience “finale”. Cependant, dans la pratique moderne, les tribunaux des deux systèmes de droit organisent des audiences préliminaires, et les systèmes de droit civil ont de plus en plus recours à une audience finale concentrée pour la plupart des moyens de preuve concernant le bien fondé de la demande.

P-9D Dans les systèmes de common law, une procédure permettant de parvenir à des solutions préalables est la requête de “summary judgment”, qui peut concerner des questions purement factuelles ou juridiques. Les tribunaux de droit civil connaissent des procédures similaires, lors de la phase intermédiaire.

P-9E Dans la plupart des systèmes l’exception d’incompétence doit être soulevée par la partie concernée, au début de l’instance, sous peine de forclusion. Il est important, d’un point de vue pratique, que dans un litige international les questions de compétence soient soulevées rapidement.

 

10. Principe dispositif 

10.1 L’instance est introduite par la demande d’un plaideur ; le tribunal ne peut se saisir d’office. 

10.2 Le dépôt de la demande auprès du tribunal constitue le moment déterminant le calcul des délais de prescription, la litispendance et les autres délais.

10.3 L’objet du litige est déterminé par les demandes et défenses des parties, telles que présentées dans l’acte introductif d’instance et dans les conclusions en défense, y compris dans les modifications qui leur sont apportées.

10.4 Si elle justifie de motifs sérieux, une partie a le droit de modifier ses demandes ou défenses, en le notifiant aux autres parties. Cette modification ne doit pas retarder de façon déraisonnable la procédure ni avoir pour conséquence quelque autre injustice.

10.5 Les parties ont le droit de mettre volontairement un terme à l’instance ou de la modifier, par désistement, acquiescement, admission, ou accord amiable. Une partie ne peut mettre unilatéralement un terme à son action ou la modifier si cela cause un préjudice à son adversaire.

Commentaire:

P-10A Tous les systèmes juridiques modernes reconnaissent le principe selon lequel ce sont les parties qui définissent le champ du litige et ses éléments factuels. C’est dans le cadre défini par les parties que le tribunal exerce sa responsabilité de statuer correctement sur le litige. Voir les Principes 10.3 et 28.2. Les Principes exigent des parties qu’elles fournissent des moyens de fait et de droit détaillés dans leurs conclusions. Voir le Principe 11.3. Cette pratique est contraire au système américain du “notice pleading”.

P-10B Tous les systèmes juridiques prévoient une date limite pour l’introduction de l’instance, dans le cadre des règles appelées “statutes of limitation” dans les systèmes de common law et délais de prescription dans les pays de droit civil. La notification doit être effectuée, ou du moins tentée, dans le délai prévu par le droit du for. La plupart des systèmes permettent aux parties de soulever une exception devant le tribunal, si la notification n’a pas été effectuée dans un tel délai.

P-10C Le droit de modifier ses prétentions est extrêmement limité dans certains systèmes juridiques. Toutefois, et particulièrement dans les litiges transnationaux, il convient d’accorder une certaine flexibilité aux parties, notamment en présence d’éléments de preuve nouveaux ou inattendus. Les conséquences défavorables que le droit de modifier ses prétentions peut avoir sur les autres parties peuvent être évitées ou limitées par un renvoi ou un ajournement; elles peuvent aussi être compensées de façon adéquate par un remboursement de frais et dépens.

P-10D La loi du for peut autoriser le demandeur à introduire une nouvelle demande par modification de la première même si les délais sont expirés (prescription) à condition toutefois que cette nouvelle demande découle substantiellement des mêmes faits que ceux qui fondent la demande initiale.

P-10E La plupart des systèmes ne permettent pas au demandeur de se désister, après la phase initiale, si le défendeur s’y oppose.

 

11. Devoirs des parties et de leurs avocats

11.1 Les parties et leurs avocats doivent se conduire loyalement dans leurs relations avec le tribunal et les autres parties.

11.2 Les parties partagent avec le tribunal la charge de favoriser une solution du litige équitable, efficace et raisonnablement rapide. Les parties doivent s’abstenir de tout abus de procédure, comme le fait d’influencer les témoins ou de détruire des éléments de preuve.

11.3 Dans la phase introductive, les parties doivent présenter, de façon raisonnablement détaillée, les faits allégués et les moyens de droit, la mesure demandée, en décrivant de façon suffisamment précise les moyens de preuve disponibles qui les soutiennent. Lorsque des motifs sérieux justifient l’incapacité pour une partie de fournir des détails raisonnables sur les faits qu’elle invoque ou des précisions suffisantes sur ses moyens de preuve, le tribunal prend en considération la possibilité que des faits ou preuves nécessaires soient produits ultérieurement au cours de l’instance.

11.4 En l’absence de contestation en temps utile par une partie d’un moyen soulevé par la partie adverse, le tribunal peut considérer que ledit moyen a été admis ou accepté.

11.5 Les avocats des parties sont tenus professionnellement d’aider leurs clients à respecter leurs obligations procédurales.

Commentaire:

P-11A Une partie ne doit pas formuler de demande, défense, requête, réponse ou toute autre initiative qui ne serait pas susceptible d’être soutenue en fait et en droit. Dans certaines circonstances, l’absence de respect de cette exigence peut être considérée comme un abus de procédure et conduire à des sanctions et amendes à l’encontre de la partie responsable de cette violation. Toutefois, l’obligation de bonne foi n’empêche pas une partie de faire des efforts raisonnables en vue d’étendre un concept existant à des circonstances différentes. Dans certaines situations, une demande ou défense futile ou vexatoire peut être considérée comme un abus envers le tribunal et peut entraîner un jugement par défaut à l’encontre du demandeur ou du défendeur, de même que des sanctions et amendes.

P-11B Le Principe 11.3 exige des parties qu’elles détaillent dans leurs conclusions leurs moyens de fait, contrairement à la procédure de “notice pleading” admise dans les Règles fédérales de Procédure civile des Etats-Unis. L’exigence de “décrire de façon suffisante” consiste généralement dans l’obligation d’identifier les principaux documents sur lesquels se fonde la demande ou la défense, et de présenter de façon synthétique les témoignages attendus. Voir le Principe 16.

P-11C Le fait, pour une partie, de ne pas contester les allégations de la partie adverse permet généralement de considérer qu’elle les admet. Voir aussi le Principe 21.3.

P-11D Il est universellement admis que l’avocat a des responsabilités professionnelles et déontologiques en ce qui concerne les rapports loyaux avec toutes les parties, leurs avocats, les témoins et le tribunal.

 

12. Jonction d’instance et intervention

12.1 Une partie peut formuler toutes demandes à l’encontre de son adversaire ou d’un tiers soumis à l’autorité du tribunal, à condition que la demande présente un lien substantiel avec l’objet initial du litige.

12.2 Toute personne justifiant d’un intérêt présentant un lien substantiel avec l’objet du litige a la faculté d’intervenir. Le tribunal, d’office ou à la demande d’une partie, peut informer une partie justifiant d’un tel intérêt en l’invitant à intervenir. Une intervention peut être autorisée par le tribunal à moins qu’elle n’ait pour conséquence de retarder ou de compliquer la procédure de façon excessive ou ne cause inéquitablement tout autre préjudice à une partie. La loi du for peut autoriser une intervention en appel.

12.3 Lorsque cela lui paraît justifié, le tribunal peut autoriser une personne à se substituer à une partie ou à continuer l’action en cours d’instance.

12.4 En principe, une partie qui se joint à la procédure bénéficie des mêmes droits et est soumise aux mêmes obligations de participation et de coopération que les parties initiales. L’étendue de ces droits et obligations peut dépendre du fondement, du moment et des circonstances de l’intervention ou de la jonction d’instances.

12.5 Le tribunal peut ordonner la disjonction de demandes, questions ou parties, ou les joindre à d’autres instances dans un souci d’équité ou afin d’améliorer l’efficacité de l’organisation de la procédure et de la décision, ou encore dans l’intérêt de la justice. Cette compétence s’étend aux parties ou aux demandes qui ne relèvent pas du champ d’application des présents Principes.

Commentaire:

P-12A Le Principe 12.1 reconnaît le droit très large de formuler toute demande possible à l’encontre d’une autre partie, si les prétentions se rapportent à la même opération commerciale ou au même événement.

P-12B Les règles relatives à la compétence à l’égard des tiers sont très variables selon les pays. Dans les pays de droit civil, une prétention valable émanant d’un tiers constitue en soi-même un fondement de compétence, alors que dans certains pays de common law, le tiers doit relever de la compétence du tribunal de façon autonome. Le Principe 12.1 exige un fondement autonome de compétence du tribunal.

P-12C Le Principe autorise les jonctions d’instance concernant des parties revendiquant le même bien ; il ne permet ni n’interdit les “class actions” (actions de groupe).

P-12D L’invitation à intervenir constitue pour un tiers une opportunité de rejoindre l’instance. Les effets d’un éventuel refus sont régis par la loi du for. Avant d’inviter un tiers à intervenir, le tribunal doit consulter les parties.

P-12E La loi du for est compétente pour régler les questions de remplacement ou d’adjonction d’une partie, au titre du droit matériel ou processuel du for, dans plusieurs circonstances telles que le décès, la cession de créance, la fusion de société, la faillite, la subrogation. La participation peut être accordée de façon limitée, comme par exemple la possibilité de présenter un élément de preuve sans pour autant devenir une partie à part entière.

P-12F En toute hypothèse, le tribunal est habilité à diviser les demandes et questions à traiter ou à les rassembler en fonction de leur objet et des parties concernées.

 

13. Avis d’un amicus curiae

Le tribunal, après consultation des parties, peut accepter de recevoir de tierces personnes des avis écrits relatifs à des questions juridiques importantes du procès et des informations sur le contexte général du litige. Le tribunal peut également solliciter un tel avis. Avant que le tribunal prenne en compte l’avis de l’amicus curiae, les parties doivent avoir la possibilité de soumettre au tribunal leurs observations écrites sur le contenu de cet avis.

Commentaire:

P-13A L’avis d’un amicus curiae est un moyen utile par lequel un tiers fournit au tribunal des informations et une analyse juridique qui peuvent faciliter une solution juste et bien fondée du litige. Un tel avis peut émaner d’une personne n’ayant aucun intérêt dans le litige ou au contraire d’une personne plus partisane. Toute personne peut être autorisée à formuler un tel avis, nonobstant l’absence d’un intérêt juridique suffisant pour une intervention en cause. L’avis écrit peut être complété, à la libre appréciation du tribunal, par une présentation orale devant ce dernier.

P-13B Le tribunal apprécie librement si l’avis doit être pris en compte. Il peut exiger que soit énoncé l’intérêt de l’amicus curiae proposé. Le tribunal peut refuser qu’un avis soit donné si celui-ci ne facilite matériellement en aucune façon la résolution du litige. Une vigilance doit être exercée afin que le mécanisme de l’amicus curiae n’interfère pas avec l’indépendance du tribunal. Voir le Principe 1.1. Le tribunal peut inviter un tiers à présenter son avis. L’amicus curiae ne devient pas partie au litige ; il est seulement un commentateur actif. Des affirmations de fait contenues dans l’avis de l’amicus curiae ne constituent pas des éléments probatoires dans le litige.

P-13C Dans les pays de droit civil, il n’existe pas de pratique établie permettant à des tiers sans intérêt juridique à la solution du litige de participer à la procédure, bien que la jurisprudence de certains pays tels que la France ait développé des institutions similaires. Par voie de conséquence, la plupart des pays de droit civil n’ont aucune pratique admettant la présentation au tribunal d’avis d’amici curiae. Néanmoins, un tel avis est un instrument utile, notamment dans les litiges présentant une grande importance publique.

P-13D Le Principe 13 n’autorise pas les tiers à présenter des déclarations écrites relatives à des faits du litige. Il ne concerne que la présentation de données, d’informations sur le contexte général du litige, de remarques, analyses juridiques ou toutes autres considérations pouvant s’avérer utiles en vue d’une solution correcte et équitable du litige. Ainsi par exemple, une organisation commerciale pourrait donner au tribunal des informations sur des usages spéciaux des affaires.

P-13E Les parties doivent bénéficier de la possibilité de soumettre des observations écrites relatives aux questions abordées dans l’avis de l’amicus curiae, avant que cet avis puisse être pris en compte par le tribunal.

 

14. L’office du juge dans la conduite de l’instance

14.1 Le tribunal conduit activement l’instance le plut tôt possible dans la procédure. Il exerce un pouvoir d’appréciation afin de pouvoir mettre fin au litige loyalement, de façon efficace et dans un délai raisonnable. Le caractère transnational du litige doit être pris en compte.

14.2 Dans la limite du raisonnable, le tribunal conduit l’instance en collaboration avec les parties.

14.3 Le tribunal détermine l’ordre dans lequel les questions doivent être traitées et établit un calendrier comprenant dates et délais pour chaque étape de la procédure. Le tribunal peut modifier ces dispositions.

Commentaire:

P-14A De nombreux systèmes juridictionnels possèdent des règles relatives à la direction de l’instance. Voir le Principe 7.2. La conduite de l’instance par le tribunal sera plus équitable et efficace si elle se fait après consultation des parties. Voir également le commentaire P-9A.

P-14B Le Principe 14.3 est particulièrement important dans les affaires complexes. En pratique, des calendriers et autres mesures sont moins nécessaires dans les affaires simples; le tribunal doit néanmoins toujours préciser les détails du déroulement de la procédure.

 

15. Jugement de rejet et jugement par défaut

15.1 Un jugement de rejet est en principe rendu à l’encontre du demandeur qui, sans motif légitime, ne poursuit pas la procédure qu’il a engagée. Avant de prononcer un tel jugement, le tribunal doit raisonnablement en avertir le demandeur.

15.2 Un jugement par défaut est en principe rendu à l’encontre du défendeur ou d’une autre partie qui, sans motif légitime, s’abstient de comparaître ou de répondre dans les délais prescrits.

15.3 Avant de prononcer un jugement par défaut, le tribunal doit vérifier que:

15.3.1 Le tribunal est compétent à l’égard de la partie à l’encontre de laquelle la décision doit être rendue;

15.3.2 Les règles de notification ont bien été respectées et que la partie a bénéficié d’un délai suffisant pour répondre.

15.3.3 La demande est raisonnablement soutenue par des faits et des preuves disponibles et est juridiquement fondée, y compris une demande en dommages-intérêts ainsi que toute demande en matière de frais de procédure.

15.4 Un jugement par défaut ne peut accorder des sommes supérieures ou prononcer des sanctions plus sévères que ce qui était demandé dans l’acte introductif d’instance.

15.5 Tout jugement de rejet ou par défaut peut faire l’objet d’un appel ou d’un recours en annulation.

15.6 Toute partie qui, de quelque autre manière que ce soit, ne respecte pas son obligation de participer à la procédure peut faire l’objet de sanctions conformément au Principe 17.

Commentaire:

P-15A Un jugement par défaut permet de mettre fin au différend en l’absence de contestation. Il s’agit d’un mécanisme destiné à contraindre une partie à reconnaître l’autorité du tribunal. Si le tribunal n’était pas habilité à rendre un jugement par défaut, un défendeur pourrait échapper à ses responsabilités simplement en s’abstenant de participer au procès et en contestant par la suite la validité du jugement. Le désistement du demandeur, qui s’abstient de poursuivre l’instance, est connu, dans la terminologie des pays de common law, comme défaut de poursuite de l’instance (“failure to prosecute”) et conduit à une décision de rejet de la demande (“involuntary dismissal”) qui est équivalent à un jugement par défaut. Voir les Principes 11.4 et 17.3.

P-15B Une partie qui comparaît après l’expiration des délais prescrits, mais avant le prononcé du jugement, peut être autorisée, en cas d’excuse justifiée, à présenter sa défense, mais le tribunal peut ordonner une compensation des coûts que ce retard a occasionnés à son adversaire. En prenant une telle décision, le tribunal doit prendre en compte les motifs avancés par la partie, qui ont provoqué son défaut de comparution ou son défaut de participation à la procédure après avoir répondu. Ainsi par exemple, une partie peut ne pas avoir participé au procès, faute d’avoir reçu véritablement notification, ou bien parce que son droit national l’a empêchée de comparaître en raison d’une hostilité entre les deux Etats.

P-15C Avant de prononcer un jugement par défaut, le tribunal doit faire preuve d’une attention particulière, puisque le défendeur aurait pu ne pas recevoir notification de l’instance, ou se méprendre quant à la nécessité de répondre. Plusieurs procédures nationales imposent qu’à défaut de comparution du défendeur, ce dernier reçoive notification de l’intention du tribunal de prononcer un jugement par défaut.

P-15D Lorsque le tribunal apprécie si la demande est raisonnablement soutenue par des preuves disponibles et est juridiquement fondée au sens du Principe 15.3.3, il n’est pas tenu d’examiner de façon exhaustive le fond du litige. Le juge doit simplement décider si un jugement par défaut serait conciliable avec les faits et les preuves disponibles et légalement justifié. Pour ce faire, le juge doit apprécier de façon critique les preuves au soutien de la demande. Le juge peut exiger la production de preuves supplémentaires ou prévoir une audience dédiée à l’examen des éléments probatoires.

P-15E Le Principe 15.4 limite le jugement par défaut au montant et à la sanction demandés dans l’acte introductif d’instance. Dans les systèmes de droit civil, une telle restriction ne fait que reprendre celle, générale, qui est applicable dans tout litige même lorsque toutes les parties comparaissent (prohibition de l’infra et de l’ultra petita). Dans les systèmes de common law, une telle restriction ne s’applique pas dans les procédures où toutes les parties comparaissent ; elle est en revanche reconnue de façon générale en cas de défaut. Cette restriction permet au défendeur de se dispenser des coûts de la défense sans prendre le risque de voir sa responsabilité plus lourdement engagée que cela n’avait été demandé dans l’acte introductif d’instance.

P-15F En vertu du Principe 5.3, le jugement par défaut ou le jugement de rejet doit être signifié sans délai aux parties. Si les conditions permettant au tribunal de prononcer un jugement par défaut ne sont pas réunies, la partie subissant un grief peut former un appel ou demander que le jugement soit infirmé, selon le droit du for. Chaque système prévoit des moyens pour former un recours à l’encontre d’un jugement par défaut délivré en violation des règles en matière de défaut. Dans certains systèmes juridiques, y compris dans la plupart des systèmes de common law, un tel recours est d’abord formé devant la juridiction de première instance ; dans d’autres, y compris dans certains systèmes de droit civil, devant la juridiction d’appel. Les présents Principes renvoient sur ce point à la loi du for.

P-15G La partie défaillante doit pouvoir, dans un délai raisonnable, prouver l’absence de notification préalable ou tout autre motif légitime justifiant sa conduite.

 

16. Accès aux éléments d’information et à la preuve

16.1 Le tribunal et chaque partie ont en règle générale un accès aux preuves pertinentes pour le litige et non couvertes par une obligation de confidentialité. Font partie de ces preuves les déclarations des parties et les déclarations des témoins, le rapport des experts, les preuves documentaires et les preuves qui résultent de l’examen d’objets, de leur placement sous main de justice ou, dans certains cas, de l’examen physique ou mental d’une personne. Les parties ont le droit de présenter des déclarations ayant une valeur probatoire. 

16.2 Si une partie en fait la demande en temps utile, le tribunal ordonne la production de toutes preuves pertinentes, non couvertes par des règles de confidentialité et raisonnablement identifiées qui se trouvent en possession ou sous le contrôle d’une partie ou – si cela apparaît nécessaire et justifié – d’un tiers. La production d’un élément de preuve ne peut être écartée au motif qu’elle serait défavorable à une partie ou à la personne requise. 

16.3 Afin de faciliter l’accès aux informations, l’avocat d’une partie peut recueillir la déposition spontanée d’un tiers susceptible de témoigner. 

16.4 Les parties, les témoins et les experts sont entendus selon les règles de l’Etat du for. Une partie a le droit de poser directement des questions additionnelles à une autre partie, à un témoin ou à un expert si le juge ou l’adversaire procède à l’audition en premier. 

16.5 Une personne qui produit des éléments de preuve dont elle dispose, qu’elle soit partie ou non à l’instance, peut requérir du tribunal qu’il empêche par ordonnance une révélation abusive d’informations confidentielles. 

16.6 Le tribunal apprécie librement les éléments de preuve sans tenir compte de façon injustifiée de leur nature ou de leur origine.

Commentaire:

P-16A La preuve “pertinente” est un élément probatoire qui soutient, contredit ou affaiblit une affirmation de fait contestée dans la procédure. Une partie ne doit pas être autorisée à conduire des “fishing expeditions” afin de développer un litige qui ne se fonde sur aucun élément ; en revanche, la partie adverse peut se voir enjoindre de produire une preuve qui est sous son contrôle. Les Principes permettent ainsi une “discovery” (communication) limitée sous le contrôle du tribunal. Les tiers sont en principe également tenus de coopérer.

P-16B Dans certains systèmes juridiques, les déclarations d’une partie ne sont pas admises comme preuve ou bien se voient accorder une valeur probatoire réduite. Le Principe 16.1 reconnaît aux déclarations des parties la même valeur probatoire potentielle qu’à celles de tous témoins, mais le tribunal, pour apprécier ce mode de preuve, peut prendre en compte les intérêts de la partie dans le litige.

P-16C Au regard du Principe 16.2, la partie demandant la production de pièces peut être tenue de compenser les frais du tiers résultant de cette production.

P-16D Dans certains systèmes juridiques, le fait pour un avocat de communiquer avec un témoin potentiel constitue en principe une violation de règles déontologiques ou procédurales. La violation d’une telle règle est considérée comme “entachant” le témoignage. Toutefois, cette façon de voir peut entraver l’accès à des preuves qui sont admises dans d’autres systèmes juridiques et porter atteinte à une bonne préparation de la production des preuves.

P-16E L’examen physique ou mental d’une personne peut être opportun, s’il est nécessaire et fiable et si sa valeur probatoire excède les effets préjudiciables de l’admission de cette preuve.

P-16F Conformément au Principe 16.4, l’audition des parties, des témoins et des experts se déroule selon les règles de l’Etat du for, l’interrogatoire étant conduit d’abord soit par les parties, soit par le juge. En tout cas, une partie a le droit de poser des questions additionnelles en s’adressant directement à la partie adverse ou au témoin. Le droit d’une partie de poser directement des questions à une partie adverse ou à un témoin qui n’est pas partie à l’instance, est d’importance centrale et est aujourd’hui reconnu dans la plupart des systèmes juridiques. De façon similaire, une partie doit être admise à poser des questions additionnelles à un témoin (y compris à une partie) qui aurait été initialement interrogé par le tribunal.

P-16G Le Principe 16.6 signifie qu’aucune valeur juridique particulière, qu’elle soit positive ou négative, ne saurait être attribuée à quelque mode de preuve que ce soit (par exemple au témoignage d’un témoin intéressé au litige). Toutefois, ce Principe n’interfère pas avec les lois nationales qui exigent des formes particulières pour certains actes juridiques, telles qu’un écrit pour un contrat portant sur un immeuble.

P-16H Des sanctions peuvent être prononcées en cas de défaut de production d’une preuve apparaissant raisonnablement comme étant sous le contrôle d’une partie ou en sa possession, ou bien en cas d’absence de coopération d’une partie dans l’administration de la preuve telle que requise par les règles de procédure. Voir les Principes 17 et 21.3.

P-16I Les problèmes spécifiques d’administration de la preuve concernant les procès avec jury ne sont pas couverts par ces Principes.

 

17. Sanctions 

17.1 Le tribunal peut sanctionner les parties, leurs avocats ou les tiers qui s’abstiennent ou refusent de déférer aux injonctions du tribunal concernant l’instance. 

17.2 Les sanctions, qui doivent être raisonnables et proportionnées à l’importance de la question concernée ainsi qu’au dommage causé, tiennent compte de l’étendue de la participation et de l’intention manifeste des personnes impliquées. 

17.3 Peuvent être considérées comme des sanctions appropriées à l’encontre des parties : le fait de tirer des conséquences défavorables, le rejet total ou partiel de la demande ou de la défense, le jugement par défaut, la suspension de l’instance, la condamnation aux frais et dépens au delà de celle prévue par les règles normalement applicables. Les sanctions qui peuvent être appropriées à l’encontre de parties ou de tiers comprennent les sanctions pécuniaires telles que les amendes ou les astreintes. Les avocats peuvent notamment se voir condamner aux frais de la procédure. 

17.4 Le droit du for peut prévoir des sanctions supplémentaires, telles que la responsabilité pénale d’une partie ou d’un tiers ayant commis une faute grave, par exemple en cas de faux témoignage, de violence ou de tentative d’intimidation.

Commentaire:

P-17A Les sanctions qu’un tribunal est autorisé à prononcer selon la loi du for varient selon les systèmes juridiques. Les présents Principes ne conduisent pas à autoriser des sanctions que la loi du for n’admettrait pas.

P-17B Dans tous les systèmes juridiques, le tribunal peut tirer des conséquences défavorables du défaut d’une partie à faire progresser la procédure ou à répondre de la manière requise. Voir le Principe 21.3. Il peut en outre, à titre de sanction supplémentaire, rejeter la demande ou rendre un jugement par défaut. Voir les Principes 5.1 et 15. Dans les pays de common law, le tribunal peut, dans diverses circonstances, placer une partie ou son avocat sous “contempt of court”. Tous les systèmes juridiques prévoient des mesures coercitives directes à l’encontre des parties.

 

18. Confidentialité et immunité 

18.1 En matière de divulgation des preuves ou d’autres informations doivent être respectés le devoir de confidentialité qui incombe aux parties et aux tiers, les immunités dont ils bénéficient ainsi que les autres règles protectrices similaires. 

18.2 Lorsqu’il décide de tirer des conséquences défavorables à une partie ou d’imposer d’autres sanctions indirectes, le tribunal vérifie si ces protections peuvent justifier l’absence de production de preuve par cette partie. 

18.3 Le tribunal reconnaît ces protections lorsqu’il use de son pouvoir de prononcer des sanctions directes pour imposer à une partie ou un tiers la divulgation de preuves ou d’autres informations.

Commentaire:

P-18A Tous les systèmes juridiques reconnaissent divers devoirs de confidentialité et immunités permettant de ne pas être contraint à fournir une preuve : il en va ainsi du droit de ne pas s’auto-incriminer, du secret professionnel, du respect de la vie privée ainsi que des droits des époux ou des membres de la famille d’être dispensés de déposer. De telles règles protègent des intérêts importants, mais elles peuvent faire obstacle à l’établissement des faits. Les bases dogmatiques et techniques de ces protections varient selon les systèmes juridiques, de même que les conséquences légales de la reconnaissance de ces devoirs et immunités. Lors de l’application de telles règles, des difficultés de choix de la loi peuvent se présenter.

P-18B La valeur accordée à différents droits ou devoirs de confidentialité varie selon les systèmes juridiques; la portée de leur invocation peut également varier selon le contexte spécifique du litige. Ces éléments jouent un rôle lorsque le tribunal envisage de tirer des conséquences défavorables de l’absence de production de preuve par une partie.

P-18C Les Principes 18.2 et 18.3 traduisent une distinction entre sanctions directes et sanctions indirectes. Les sanctions directes comprennent les amendes, les astreintes, le contempt of court ou l’emprisonnement. Les sanctions indirectes incluent le fait de tirer des conséquences défavorables, le jugement par défaut et le rejet de la demande ou de la défense. Le tribunal apprécie souverainement s’il y a lieu d’imposer des sanctions indirectes à une partie invoquant devoir de confidentialité ou immunité, mais il ne doit en principe pas prononcer de sanctions directes à l’encontre d’une partie ou d’un tiers refusant de divulguer des informations protégées par la confidentialité ou une immunité. Une approche similaire de pesée des intérêts peut être adoptée lorsque des dispositions légales mettent obstacle à la coopération pleine et entière d’une partie ou d’un tiers.

P-18D Dans certains systèmes juridiques, le tribunal ne peut pas reconnaître un droit de confidentialité de sa propre initiative, mais doit seulement y faire droit lorsque la partie en bénéficiant l’invoque. Le tribunal doit suivre toute exigence procédurale de la loi du for qui imposerait que le droit ou devoir de confidentialité soit expressément invoqué. Au regard de telles exigences, un droit de confidentialité ou une immunité qui n’aurait pas été invoqué régulièrement dans les délais requis peut être considéré comme ayant fait l’objet d’une renonciation.

 

19. Dépositions écrites et orales 

19.1 Les conclusions, mémoires et moyens de droit sont en principe présentés initialement par écrit. Les parties peuvent toutefois présenter oralement des moyens supplémentaires sur des questions importantes de fond ou de procédure. 

19.2 L’audience finale doit se dérouler devant les juges chargés de rendre le jugement. 

19.3 Le tribunal fixe les modalités procédurales pour l’administration des preuves testimoniales. En général, les dépositions des parties et des témoins sont reçues oralement, et les rapports des experts par écrit. Le tribunal peut toutefois exiger, après avoir consulté les parties, que la déposition initiale des témoins sera consignée dans un écrit qui devra être communiqué aux parties avant l’audience. 

19.4 La déposition orale peut être limitée aux questions additionnelles à la déposition écrite d’un témoin ou au rapport d’un expert. 

Commentaire:

P-19A Traditionnellement, tous les systèmes juridiques recevaient les témoignages sous forme orale. La pratique moderne a toutefois tendance à remplacer le témoignage principal d’un témoin par une déclaration écrite. Le Principe 19 permet une souplesse sur ce point. Il envisage que le témoignage puisse être présenté initialement sous forme écrite, la phase orale débutant par les questions additionnelles du tribunal et de la partie adverse. Sur les différentes procédures en matière d’interrogation des témoins, voir le Principe 16.4 et le commentaire P-16E.

P-19B Les règles de procédure du for peuvent permettre ou exiger la communication électronique des dépositions écrites ou orales. Voir le Principe 5.7.

P-19C Dans de nombreux pays de droit civil, l’interrogatoire initial est conduit par le tribunal et les interventions des parties sont limitées, alors que dans les systèmes de common law, les rôles du juge et des avocats sont inversés. En tout état de cause, les parties doivent être en mesure de poser directement des questions à un témoin. Voir le Principe 16.4.

 

 

20. Publicité de la procédure 

20.1 En règle générale, les audiences, y compris celles qui sont consacrées à l’administration de la preuve et au prononcé du jugement, sont ouvertes au public. Après consultation des parties, le tribunal peut toutefois ordonner que certaines audiences ou parties d’audience auront lieu à huis clos dans l’intérêt de la justice, de l’ordre public ou du respect de la vie privée. 

20.2 Les dossiers du tribunal et les enregistrements réalisés sont publics, ou accessibles de quelque autre façon aux personnes faisant état d’un intérêt légitime ou formulant une demande justifiée de renseignements et ce dans les conditions de la loi du for. 

20.3 Dans l’intérêt de la justice, de l’ordre public ou du respect de la vie privée, lorsque la procédure est publique, le juge peut ordonner qu’une partie de celle-ci se déroule à huis clos. 

20.4 Les jugements, leurs motifs ainsi que toute autre décision du tribunal sont accessibles au public. Commentaire:

P-20A La publicité de divers éléments de la procédure fait l’objet d’approches opposées. Dans certains pays de droit civil, les dossiers et registres du tribunal sont en général confidentiels, même si leur accès peut être autorisé en cas de motif légitime. Dans la tradition de common law au contraire, les registres sont en général publics. Cette approche insiste sur l’aspect public des procédures judiciaires et la nécessité de transparence, alors que la première met en exergue le droit des parties au respect de leur vie privée. Les présents Principes expriment une préférence pour une procédure publique, avec des exceptions limitées. En règle générale, les dossiers du tribunal et les enregistrements doivent être publics et accessibles au public ainsi qu’aux médias. Les pays dont la tradition est de garder ces dossiers confidentiels devraient au moins permettre aux personnes ayant un intérêt justifié ou formulant une demande justifiée de renseignement, d’y avoir accès.

P-20B Dans certains systèmes juridiques, le tribunal, à la demande d’une partie, peut décider que toute la procédure se déroulera à huis clos, à l’exception du jugement final. Certains systèmes juridiques garantissent constitutionnellement le droit à la publicité de la procédure, tout en prévoyant certaines dérogations pour les domaines tels que le secret des affaires, la sécurité nationale etc. Les procédures arbitrales se déroulent en règle générale à huis clos.

 

21. Charge de la preuve et conviction du juge 

21.1 En principe, il incombe à chaque partie de prouver les faits allégués au soutien de sa prétention. 

21.2 Les faits sont prouvés si le tribunal est raisonnablement convaincu de leur véracité. 

21.3 Lorsqu’une partie a en sa possession ou sous son contrôle un élément de preuve pertinent que, sans justification, elle refuse de produire, le tribunal peut tirer toute conséquence défavorable de ce refus au regard de la question concernée par l’élément de preuve non produit. 

Commentaire:

P-21A L’exigence posée dans le Principe 21.1 est souvent exprimée par la formule “la charge de la preuve suit la charge de l’allégation”. La charge de l’allégation est déterminée par la loi, qui traduit en fin de compte l’idée d’équité. La détermination de cette charge relève souvent du droit matériel.

P-21B Le degré contenu dans l’expression “raisonnablement convaincu” est en substance celui qui est retenu dans la plupart des systèmes juridiques. Aux Etats-Unis et dans certains autres pays, le standard retenu est celui de “preponderance of the evidence” (de la probabilité prépondérante) qui fonctionnellement a le même sens.

P-21C Le Principe 21.3 repose sur la règle selon laquelle les deux parties ont le devoir de contribuer de bonne foi à décharger la partie adverse de la charge de la preuve. Voir le Principe 11. La possibilité de tirer des conséquences défavorables n’empêche en général pas la partie récalcitrante de produire d’autres éléments de preuve pertinents pour la question concernée. Le fait de tirer de telles conséquences défavorables peut être considéré comme une sanction, voir le Principe 17.3 ; ce peut également être un renversement de la charge de la preuve, voir le Principe 21.1.

 

22. Devoir du juge et des parties dans la détermination des éléments de fait et de droit 

22.1 Le tribunal a le devoir de prendre en compte tous les faits et éléments probatoires pertinents pour déterminer le fondement juridique de sa décision, y compris les questions à trancher selon la loi étrangère. 

22.2 En donnant aux autres parties l’occasion de présenter leurs observations, le tribunal peut 

22.2.1 Permettre à une partie ou l’inviter à modifier ses allégations de fait ou de droit et à présenter en conséquence des moyens de droit ou des preuves additionnels. 

22.2.2 Ordonner l’administration d’une preuve qui n’a pas été préalablement suggérée par une partie. 

22.2.3 Se fonder sur une analyse juridique ou une interprétation des faits ou des preuves qui n’a pas été proposée par une partie. 

22.3 En principe, le tribunal reçoit directement tous les éléments de preuve. Si nécessaire, l’administration et la sauvegarde de la preuve peuvent toutefois être confiées à un délégué approprié. La preuve sera ensuite prise en compte par le tribunal lors de l’audience finale. 

22.4 Lorsqu’une expertise paraît utile, le tribunal peut procéder à la nomination d’un expert dont la mission pourra concerner toute question pertinente, y compris la teneur du droit étranger. 

22.4.1 Si les parties conviennent de la nomination d’un expert déterminé, le tribunal doit en principe procéder à sa nomination. 

22.4.2 Sur toute question pertinente pour laquelle une expertise paraît indiquée, chaque partie a le droit de produire le rapport d’un expert choisi par elle. 

22.4.3 Un expert nommé par le tribunal ou par une partie, doit présenter un rapport complet et objectif sur la question qui lui a été soumise. 

Commentaire:

P-22A Il est universellement admis que le tribunal a le devoir de déterminer les questions de droit et de fait nécessaires pour le jugement, et que toutes les parties ont le droit d’être entendues au sujet de la loi applicable et des preuves pertinentes. Voir le Principe 5.

P-22B La loi étrangère est une question particulièrement importante dans les litiges transnationaux. Il est possible que le juge ne connaisse pas la teneur de la loi étrangère et doive désigner un expert ou demander aux parties de présenter des observations sur les aspects de droit étranger. Voir le Principe 22.4.

P-22C L’objet du litige et les questions à prendre en compte sont déterminés par les demandes et défenses des parties telles que formulées dans leurs écritures. En principe, le juge est tenu par l’objet du litige tel que déterminé par les parties. Cependant, le tribunal, dans l’intérêt de la justice, peut ordonner ou autoriser à une partie des modifications, tout en donnant à la partie adverse un droit de réponse. Voir le Principe 10.3.

P-22D L’appel à des experts est usuel dans les litiges complexes. La désignation par le tribunal d’un expert neutre est la pratique dans la plupart des pays de droit civil et de certains systèmes de common law. Toutefois, des experts désignés par les parties peuvent également apporter une aide précieuse lors de l’analyse de questions de fait difficiles. Il n’y a en général pas lieu de craindre que la désignation d’experts par les parties ne conduise à une “bataille d’experts” qui rendrait encore plus confuses les questions à trancher. Un tel risque serait de toute façon compensé par la valeur d’une telle preuve. L’expertise peut porter sur des questions de droit étranger.

 

23. Jugement et motivation 

23.1 A l’issue des débats, le tribunal rend dans les plus brefs délais un jugement écrit ou retranscrit par écrit. Le jugement doit préciser la mesure prononcée et, en cas de condamnation pécuniaire, le montant accordé. 

23.2 Le jugement doit comprendre les motifs essentiels de fait, de droit et probatoires qui soutiennent la décision. 

Commentaire:

P-23A La décision écrite informe les parties de ce qui a été décidé ; elle permet également un enregistrement du jugement qui peut être utile lors d’une procédure de reconnaissance ultérieure. Dans divers systèmes juridiques, une motivation est requise par la Constitution nationale ou est considérée comme une garantie fondamentale de l’administration de la justice. Les motifs peuvent consister en des renvois à d’autres documents tels que les conclusions du demandeur en cas de jugement par défaut, ou la transcription des instructions du jury si le verdict émane d’un tel jury. La loi du for peut imposer au tribunal un délai pour rendre son jugement.

P-23B Lorsqu’un jugement ne statue pas sur toutes les demandes et défenses des parties, il doit préciser quelles questions demeurent susceptibles de faire l’objet d’un nouveau procès. Ainsi par exemple, en cas de litige contenant plusieurs demandes, le tribunal peut statuer sur une des demandes (les dommages-intérêts par exemple) et maintenir la procédure ouverte pour trancher les autres questions (par exemple celle d’une injonction).

P-23C Dans certains systèmes juridiques, il est possible de prononcer un jugement avec fixation postérieure du montant pécuniaire ou de tout autre remède accordé, par exemple un calcul pour déterminer le montant des dommages-intérêts ou une précision des termes d’une injonction.

P-23D Voir le Principe 5.6, qui impose au tribunal d’examiner toute affirmation de fait ou de droit ainsi que tout élément de preuve qui semblent essentiels.

 

24. Transaction et conciliation 

24-1 Le tribunal, tout en respectant le droit des parties de poursuivre le procès, encourage la transaction et la conciliation lorsqu’elles apparaissent raisonnablement possibles. 

24.2 Le tribunal favorise à tout stade de la procédure la participation des parties à des modes alternatifs de résolution du litige. 

24.3 Les parties, avant et après le début du procès, coopèrent à toute tentative raisonnable de conciliation ou transaction. Dans sa décision sur les frais de procédure, le tribunal peut tenir compte du refus déraisonnable d’une partie de coopérer ou de son comportement de mauvaise foi lors des tentatives de conciliation ou transaction. 

Commentaire:

P-24A La formule “en respectant le droit des parties de poursuivre le procès” signifie que le tribunal ne saurait imposer une transaction aux parties ou les y contraindre. Il peut en revanche, à tout moment approprié, entamer des discussions informelles avec les parties à propos d’une éventuelle transaction ou conciliation. Le juge qui participe à des négociations en vue d’une solution amiable doit éviter de favoriser une partie. Une participation active du juge, comprenant même une proposition d’accord amiable, ne porte toutefois pas atteinte à son impartialité ni ne crée une apparence de partialité.

P-24B Le Principe 24.3 s’écarte de la tradition de certains pays dans lesquels les parties n’ont en général aucune obligation de négocier ou de prendre en compte de quelque autre façon les propositions de transaction de la partie adverse. Le droit du for peut prévoir une procédure amiable pouvant conduire à des sanctions en matière de frais de procédure à l’encontre de la partie qui aura refusé la proposition de transaction de son adversaire. De telles procédures se
trouvent par exemple dans les règles procédurales de la province Ontario (Canada) ou encore dans la Part 36 des nouvelles règles anglaises de procédure civile. Il s’agit là de procédures formelles au cours desquelles une partie peut faire une offre définitive de transaction et ainsi obliger la partie adverse à accepter ou à décliner cette offre sous menace de condamnation à des frais additionnels si cette partie n’obtient pas en fin de compte un résultat plus avantageux que l’offre de transaction qui lui avait été faite. Voir également le Principe 25.2.

 

25. Frais et dépens 

25.1 La partie gagnante a en principe droit au remboursement de la totalité ou au moins d’une partie substantielle des frais raisonnablement engagés. Le terme “frais” comprend les frais de justice, du personnel judiciaire tels que des greffiers, les frais relatifs par exemple à l’expertise et les honoraires d’avocat. 

25.2 A titre exceptionnel, et en présence de motifs évidents, le tribunal peut refuser ou limiter le remboursement des frais accordés à la partie gagnante. Le tribunal peut limiter ce remboursement aux dépenses qui auraient dû être engagées dans un tel litige et sanctionner une partie gagnante qui a soulevé des questions non pertinentes ou qui s’est rendue coupable d’un quelconque abus de procédure. Lorsqu’il prend des décisions concernant les frais, le tribunal peut tenir compte les fautes commises par les parties au cours de l’instance.

Commentaire:

P-25A Le remboursement des frais d’avocat est la règle qui prévaut dans la plupart des systèmes juridiques; elle ne s’applique toutefois pas en Chine, au Japon ni aux Etats-Unis. Dans certains systèmes juridiques, le montant des frais accordés à la partie gagnante est fixé par un officier judiciaire expérimenté et est souvent inférieur aux honoraires que la partie gagnante doit verser à son avocat. Dans d’autres systèmes, le montant accordé à la partie gagnante est déterminé par les règles en matière d’honoraires. Dans certains types de litiges, la règle de répartition des honoraires est contestée, mais elle est en général considérée comme appropriée dans les différends commerciaux et est en général stipulée dans les contrats commerciaux.

P-25B En vertu du Principe 25.2, le tribunal peut, à titre exceptionnel, refuser tout remboursement de frais à une partie gagnante, ou ne lui accorder qu’un remboursement partiel, ou encore calculer les frais de façon plus généreuse ou plus sévère qu’il ne le ferait en temps normal. Le caractère exceptionnel du Principe 25.2 impose au juge de motiver sa décision sur ce point. Voir également le Principe 24.3.

 

26. Caractère immédiatement exécutoire du jugement 

26.1 Le jugement définitif de première instance est en principe immédiatement exécutoire. 

26.2 Le tribunal de première instance ou la juridiction d’appel, d’office ou à la demande d’une partie, peut suspendre l’exécution d’un jugement faisant l’objet d’un appel, si cela s’avère nécessaire dans l’intérêt de la justice. 

26.3 Le tribunal peut exiger la consignation d’une garantie de la part de l’appelant pour accorder une suspension de l’exécution forcée, ou de la part de l’intimé pour refuser une telle suspension. 

Commentaire:

P-26A Le principe selon lequel le jugement est définitif est essentiel en vue d’une décision effective. Dans certains Etats, l’exécution immédiate n’est possible que pour les décisions des juridictions de deuxième instance. La tendance est toutefois, comme c’est le cas en common law ou dans certains pays de droit civil, au caractère immédiatement exécutoire du jugement de première instance par la loi même ou par décision du tribunal.

P-26B Le fait qu’un jugement doive être exécutoire immédiatement lorsqu’il est définitif n’empêche pas le tribunal d’accorder à la partie adverse un délai pour exécuter la condamnation. Le jugement doit être exécuté en conformité avec ses propres termes.

P-26C La loi du for peut également déclarer définitif et donc immédiatement exécutoire un jugement seulement partiel (c’est-à-dire ne tranchant qu’une partie du litige).

 

27. Appel 

27.1 L’appel est recevable selon des modalités équivalentes à celles qui sont prévues par la loi du for pour les autres jugements. L’instance d’appel doit se terminer dans des délais brefs. 

27.2 L’appel est en principe limité aux demandes et défenses présentées en première instance. 

27.3 Dans l’intérêt de la justice, la juridiction d’appel peut prendre en considération de nouveaux faits et de nouvelles preuves. 

Commentaire: 

P-27A Les procédures d’appel sont très différentes selon les systèmes juridiques. Il convient donc de renvoyer à l’application de la loi du for.

P-27B Historiquement, dans les systèmes de common law, l’appel était fondé sur le principe de “closed record”, ce qui signifiait que toutes les demandes, défenses, moyens de preuve et moyens de droit devaient avoir été présentés devant la juridiction de première instance. Toutefois, dans la plupart des systèmes modernes de common law, la juridiction d’appel peut apprécier s’il y a lieu de prendre en compte de nouveaux moyens de droit et, en cas de circonstances majeures, de nouvelles preuves. Historiquement, dans les pays de droit civil, la juridiction de seconde instance était autorisée à réexaminer entièrement les éléments du litige, mais de nombreux systèmes juridiques modernes se sont éloignés de cette approche. Ce n’est plus que dans un nombre de plus en plus faible de pays de droit civil que la procédure devant la juridiction d’appel peut être un procès entièrement nouveau et est couramment engagée. Dans de nombreux systèmes juridiques au contraire, la décision de la juridiction de première instance ne peut être infirmée ou modifiée qu’en cas d’erreur grave. Le Principe 27 rejette ces deux solutions extrêmes. Toutefois, la production de nouvelles preuves au cours de l’instance d’appel devrait être autorisée uniquement lorsqu’elle est dans l’intérêt de la justice. Si une partie bénéficie d’une telle autorisation, les autres parties doivent se voir accorder un droit de réponse correspondant. Voir le Principe 22.2.

P-27C Dans certains systèmes juridiques, les parties doivent faire valoir leurs objections devant la juridiction de première instance et ne peuvent les soulever pour la première fois en appel.

 

28. Litispendance et chose jugée 

28.1 Pour l’application des règles sur la litispendance, l’objet du litige est déterminé par les demandes et défenses des parties telles que formulées dans l’acte introductif d’instance et dans les conclusions en défense, et par leurs éventuelles modifications. 

28.2 Pour l’application des règles sur l’autorité de la chose jugée, le domaine de cette autorité est déterminé par les demandes et défenses des parties, telles que contenues dans l’acte introductif d’instance, les conclusions en défense, dans leurs modifications ainsi que dans le dispositif et les motifs du jugement. 

28.3 Le concept d’autorité de la chose implicitement jugée, qu’il s’agisse d’une question de fait ou de l’application de la loi aux faits, ne doit être appliqué qu’en vue de prévenir une injustice grave. 

Commentaire:

P-28A Ce Principe est destiné à éviter les litiges répétés, qu’ils soient concurrents (litispendance) ou successifs (chose jugée).

P-28B Certains systèmes juridiques ont des règles strictes en matière de litispendance, alors que d’autres appliquent des règles plus flexibles, en tenant notamment compte de la qualité de la procédure dans les deux fors. Le Principe de litispendance correspond au Principe 10.3 relatif à l’objet du litige et au Principe 2.6 concernant les procédures parallèles.

P-28C Certains systèmes juridiques, notamment ceux de common law, emploient le concept de chose implicitement jugée (issue preclusion, collateral estoppel ou issue estoppel). Selon ce concept, la solution judiciaire d’une question qui constitue un élément nécessaire du jugement ne peut en principe pas faire l’objet d’un nouvel examen lors d’un litige postérieur au cours duquel la même question est abordée. Le Principe 28.3 peut conduire à l’application de l’autorité de chose implicitement jugée lorsque, par exemple, une partie s’est légitimement fondée, dans la procédure, sur la solution d’une question de fait ou de droit dans une procédure antérieure. De nombreux systèmes de common law reconnaissent un champ plus large à l’autorité de chose implicitement jugée. La conception plus limitée retenue par le Principe 28.3 découle du principe de loyauté tel que le connaissent les systèmes de droit civil, et de l’estoppel in pais des systèmes de common law.

 

29. Exécution effective 

Les parties doivent pouvoir avoir accès à des procédures qui permettent une exécution rapide et effective des jugements, y compris des condamnations pécuniaires, des condamnations aux frais, des ordonnances et des mesures provisoires. 

Commentaire:

P-29A De nombreux systèmes juridiques possèdent des procédures archaïques et inefficaces d’exécution des jugements. Du point de vue des parties au litige, et notamment de la partie gagnante, une exécution effective est un élément essentiel de justice. Toutefois, la question des voies d’exécution n’entre pas dans le champ des présents Principes.

 

30. Reconnaissance 

Les jugements définitifs prononcés au cours ou à l’issue d’un procès conduit à l’étranger selon une procédure substantiellement compatible avec les présents Principes, doivent être reconnus et exécutés sauf en cas d’exigence contraire de l’ordre public matériel. Les mesures provisoires sont reconnues dans les mêmes conditions. 

Commentaire:

P-30A La reconnaissance de jugements rendus dans un autre for, y compris les jugements ordonnant des mesures provisoires, est particulièrement importante pour les litiges transnationaux. Tout droit national possède des règles strictes de reconnaissance pour les jugements rendus au sein de son propre système juridique. Les conventions internationales prévoient d’autres conditions relatives à la reconnaissance des jugements étrangers. De nombreux pays limitent l’effet de la plupart des mesures provisoires au territoire de l’Etat des juridictions duquel elles émanent et coopèrent en émettant des ordonnances parallèles. Toutefois, la technique des mesures provisoires parallèles est moins acceptable que la reconnaissance et l’exécution directes. Voir également le Principe 31.

P-30B En vertu du Principe 30, un jugement rendu à l’issue d’une procédure substantiellement conforme aux présents Principes doit en principe avoir les mêmes effets qu’un jugement prononcé à l’issue d’une procédure qui s’est déroulée selon la loi de l’Etat de reconnaissance. Le Principe 30 consacre donc un principe de traitement égalitaire. Les présents Principes établissent des critères internationaux de compétence, de notification suffisante au débiteur selon le jugement, d’équité procédurale et d’effet de la chose jugée. En conséquence, la plupart des motifs traditionnels de non reconnaissance, tels que défaut de compétence, notification insuffisante, fraude, procédure étrangère inéquitable ou encore inconciliabilité avec une autre décision définitive, ne peuvent se produire si la procédure étrangère remplit les exigences des Principes. La réciprocité n’est plus, dans de nombreux pays, un pré-requis pour la reconnaissance, mais elle sera quand même réalisée si la loi du for adopte ces Principes, notamment le Principe 30. Seul sera ainsi admis le motif de non reconnaissance fondé sur l’ordre public matériel, dès lors que la procédure étrangère aura été conduite en respect des Principes.

 

31. Coopération judiciaire internationale 

Les tribunaux d’un Etat qui a adopté les présents Principes prêtent leur assistance aux juridictions de tout Etat étranger devant lesquelles se déroule un procès conformément aux présents Principes. Ceci comprend l’octroi de mesures provisoires et conservatoires, ainsi que la coopération à l’identification, à la préservation ou à la production de preuves. 

Commentaire:

P-31A La coopération et l’assistance judiciaires internationales complètent la reconnaissance internationale et sont tout aussi importantes dans le contexte moderne.

P-31B En compatibilité avec les règles relatives aux communications hors la présence des parties ou de leurs représentants (ex parte), les juges établissent, si nécessaire, des communications avec des magistrats d’autres Etats. Voir le Principe 1.4.

P-31C Sur la signification du terme “preuve”, voir le Principe 16.