Une diplomatie juridique tournée vers l’Afrique

“Recevoir mais aussi donner. Apprendre et en même temps enseigner, et dans tous les cas contribuer à un parcours commun qui concerne tout le monde” tel est l’appel de Makane Moise Mbengue, Professeur de droit international à l’Université de Genève. Le Professeur, qui a des origines sénégalaises et une vision globale, a prononcé le discours d’ouverture de la deuxième édition du Programme international pour le droit et le développement (PIDD), un cours de formation spécialisée qui a vu la participation de 22 juristes de 17 pays africains cette année. “Nous devons être ceux qui élaborent les règles et pas seulement ceux qui les suivent” a déclaré le Professeur Mbengue en visioconférence de Genève, en désaccord avec toute approche de coopération qui ne soit pas réciproque.

Les participants ont suivi le programme international durant les mois de juin et juillet; pendant trois semaines, ils ont abordé divers sujets à travers le dialogue et les échanges organisés par UNIDROIT, qui ne compte que quatre pays africains parmi ses 65 États membres actuels. Selon le Professeur Mbengue, un plus grand nombre d’États membres parmi les pays subsahariens pourrait conduire au développement de systèmes juridiques plus transparents et plus fiables, avec un impact positif sur les investissements.

Le siège d’Unidroit à via Panisperna, Rome © Unidroit

Selon Marco Giungi, Chef de l’Unité pour la Stratégie Multilatérale Globale pour la Coopération au Développement du ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, l’harmonisation du cadre juridique permet de “prévenir les problèmes” et “de garantir des conditions d’équité et d’égalité entre les parties”. L’Ambassadeur Giungi a également lu un message du Vice-ministre Edmondo Cirielli, citant le “plan Mattei” que le Gouvernement italien a l’intention de présenter lors de la quatrième Conférence Italie-Afrique qui aura lieu cet automne, et soulignant que tout ce qui se passe sur le continent africain a des conséquences directes en Europe, et vice-versa.

Un autre aspect souligné par plusieurs ambassadeurs parmi les 20 présents à la cérémonie d’ouverture du PIDD concernait celui de l’impact du droit unifié sur l’investissement; en effet l’“unification du droit international est importante, notamment pour les investissements” a déclaré S.E. Naser Al Belooshi, Ambassadeur du Royaume de Bahreïn en Italie. Les cours du Programme international pour le droit et le développement sont organisés et coordonnés par Marco Nicoli, avec le soutien du ministère italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale et parrainés par l’Agence italienne pour la coopération et le développement (AICS).

Maria Chiara Malaguti, Professeure de droit international à l’Université Cattolica Sacro Cuore et Présidente d’UNIDROIT, a précisé les objectifs du PIDD en déclarant: “nous avons sélectionné l’Afrique pour un programme de ‘master’ qui s’adresse non pas à des jeunes qui viennent de terminer leurs études, mais à des personnes qui travaillent déjà dans des administrations gouvernementales”. Les participants ont d’abord suivi une session en ligne de deux semaines avant de se rendre au siège d’UNIDROIT pour le module en présentiel de trois semaines. La Présidente Malaguti a poursuivi: “Nous voulons sensibiliser le continent africain à la possibilité d’unifier le droit en rapprochant les instruments juridiques: l’objectif n’est pas de les rendre tous identiques ni de les normaliser, mais de moderniser les lois et de les rendre plus compatibles et connectées”. La Présidente Malaguti a également mentionné l’innovation, les startups, les nouvelles technologies et la croissance rapide, soulignant que l’Afrique était une importante source d’inspiration  et que la coopération internationale était nécessaire pour fournir des possibilités de financement et de mise en œuvre.

Une session du dernier cours à Unidroit © Vincenzo Giardina

C’est d’ailleurs un point sur lequel les participants se sont accordés. Devisha Vythelingum, avocate à Maurice, a noté: “Malheureusement, mon pays n’est pas encore un État membre d’UNIDROIT, mais quand je retournerai à Port Louis j’essaierai de partager autant que possible cette expérience pour favoriser l’adhésion de mon pays”.  Mohamed Dielo, Vice-président du Tribunal de Grande Instance de Ouahigouya (Burkina Faso), a ajouté: “Il est difficile de pratiquer le droit car dans certains cas, le droit national n’est pas précis, mais les Principes d’UNIDROIT, par exemple, peuvent être une base de référence utile”.

Le juge Eduard Derek Wille, juge permanent de la Haute Cour suprême d’Afrique du Sud) est revenu à Rome après avoir participé à la première édition du programme l’année dernière: “Notre pays dispose d’une constitution magnifique mais, comme nous le savons tous, le problème réside dans son application. Les articles 232 et 233 de la Constitution permettent, ou plutôt exigent, que les juges appliquent les principes internationaux dans les domaines qui ne sont pas réglementés par le droit national ou lorsque  le droit interne n’est pas suffisant”. De cette manière, les instruments d’UNIDROIT sont accessibles à tous. Selon Wille “d’autres pays comme le Kenya, prévoient cette même possibilité dans leur constitution”.

En résumé, le juge Wille a déclaré ce qui suit: “Mon message aux magistrats, avocats, juges et rédacteurs de textes législatifs qui ont des difficultés dans leur travail, est qu’il y a des solutions: il y a un pont qui vous permet de surmonter les eaux périlleuses, parce que les Principes d’UNIDROIT peuvent être appliqués”.

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